Citations sur L'espèce fabulatrice (135)
Notre mémoire est une fiction. Cela ne veut pas dire qu’elle est fausse, mais que, sans qu’on ne lui demande rien, elle passe son temps à ordonner, à associer, à articuler, à sélectionner, à exclure, à oublier, c’est-à-dire à construire, c’est-à-dire à fabuler.
Le fait de croire en des choses irréelles nous aide à supporter la vie réelle.
Si je parviens à sauver l'humanité, peut-être dira-t-on un jour de Jésus qu'il est né en 1953 av. N. H. ?
Nous n'avons pas de nom.
Nous recevons un nom qui, avant d'échouer sur nous, a été rempli de Sens. Auparavant, il appartenait à un saint, à une aïeule, à la dédicataire d'une chanson célèbre, à un personnage de roman ou d'opéra ou de série télévisée...
Par définition il nous vient d'ailleurs, d'avant, d'un(e) autre. Nous entrons dans la vie par un lien au passé.
Être civilisé, c'est reconnaître l'identité comme une construction, s’intéresser à mille textes et, par là, apprendre à s'identifier à des êtres qui ne vous ressemblent pas.
La vie a des sens infiniment multiples et variés : tous ceux que nous lui prêtons. Notre condition, c’est la fiction ; ce n’est pas une raison de cracher dessus. A nous de la rendre intéressante.
À la faveur de la lecture, et de l’identification qu’elle permet aux personnages d’époque, de milieu, de culture autres, l’on parvient à prendre du recul par rapport à son identité reçue. Partant, l’on devient plus à même de déchiffrer d’autres cultures, et de s’identifier aux personnes les composant.
Quand on maintient les gens, année après année, dans un univers de laideur et de contrainte, de misère et d’humiliation, on ne peut s’attendre à trouver en eux des interlocuteurs ouverts et souriants, à la parole nuancée. En se contentant de renforcer indéfiniment le dispositif sécuritaire autour des « fauteurs de troubles », l’on rend en fait ceux-ci de plus en plus dangereux car de plus en plus primitif.
Les membres d’une collectivité, surtout lorsque celle-ci est affaiblie, humiliée ou menacée, ont tendance à écouter, croire et obéir à leurs chefs comme les enfants écoutent, croient et obéissent à leurs parents.
Etre civilisé, c’est reconnaitre l’identité comme une construction, s’intéresser à mille textes et, par là, apprendre à s’identifier à des êtres qui ne vous ressemblent pas.