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EAN : 9782330108670
182 pages
Actes Sud (22/08/2018)
3.57/5   127 notes
Résumé :
Comment et pourquoi Nancy Huston écrit-elle aujourd'hui le récit de ses années de formation en miroir de celles d'un Cambodgien de la génération de son père, venu comme elle à Paris, y étant entré en politique mais aussi en écriture avant de devenir Pol Pot, l'un des pires dictateurs du XXe siècle ?
Ce livre de lucidité et d'intuitions mêlées, qui fait suite à «Bad Girl», laisse au lecteur le troublant sentiment de se tenir au plus près du pouvoir des hasard... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (33) Voir plus Ajouter une critique
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Il y a deux mois, j'ai eu l'occasion exceptionnelle de rencontrer Nancy Huston à Namur.
Femme pleine d'humour, d'autodérision, profonde, elle m'a complètement séduite.
Elle était venue à Namur pour présenter son livre « Lèvres de pierre » qui raconte en parallèle l'enfance et l'adolescence du futur Pol Pot, le tyran du Cambodge, et sa propre enfance et jeunesse, d'abord à Calgary puis aux USA, en passant par Paris.

Vous allez me dire « mais qu'ont en commun ces personnages aux antipodes l'un de l'autre » ?
Les lèvres de pierre.
Le sourire du Bouddha,énigmatique et doux, Saloth Sâr, le futur Pol Pot, l'affichait sur son visage, à l'instar des Asiatiques. Ce sourire n'est qu'une façade, une façon de se protéger du monde extérieur, de le tenir à distance. Enfant doux et peu ouvert aux autres, pas du tout doué pour les études, il se faisait souvent humilier par ses camarades et par les adultes.
Nancy Huston, durant toute sa jeunesse, a dû faire face elle aussi non pas à l'humiliation, mais à l'exploitation des hommes envers elle. Jolie, elle était perpétuellement en butte aux assauts des « mâles alpha ». Anorexique, le sourire énigmatique protégeait son identité profonde.

Saloth Sâr et Nancy Huston partagent aussi la passion du communisme, qu'ils ont connu à Paris.

J'ai apprécié ce livre tout en m'en distanciant quelque peu. Je préfère nettement les romans de Nancy Huston. Je n'ai ressenti aucune empathie pour les 2 personnages (pour le futur Pol Pot, cela m'aurait vraiment ennuyée !) mais c'était très intéressant quand même de connaitre la jeunesse d‘un tyran et d'une écrivaine à succès.

Pour terminer, voici deux extraits de l'épilogue qui prêtent à réfléchir :
- « Regardez-moi, dira-t-il en souriant à un journaliste venu l'interviewer quelques mois avant sa mort. Ai-je l'air d'un homme violent ? »

- « Contre toute attente, elle finira par aimer manger et faire à manger, rire aux éclats et se détendre au cours de longues soirées amicales. Mais, année après année, elle continuera à torturer et à tuer dans ses livres…et à sourire, au-dehors, comme si de rien n'était ».
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"Lèvres de Pierre, façade lisse, "ah! Surprenante démarche de l'auteur dont j'ai lu beaucoup d'ouvrages : "Cantique des plaines" , "Lignes de failles " L'empreinte de l'ange, " Une adoration " .etc.....Curieux ouvrage !
" Ton sourire s'étire, s'étend,,et finit par devenir une deuxième peau "

" Sourire au dehors , le sourire des moines du Vat Botum Vaddei , le sourire du Bouddha " ....

Un masque qui protège comme les Bouddhas de Pierre ? Un troublant miroir tendu ? Rapporté à l'histoire violente d'un pays ? Un vertige bien commode ?

Qu' y a- t-il de commun ?
Quels sont les points de convergence entre une femme de lettres Canadienne et un certain Saloth Sār, garçon discret cambodgien grandissant à la campagne , faisant longtemps pipi au lit , moqué par ses frères, aux mues extrêmement douloureuses devenu un dictateur cambodgien connu pour avoir massacré près d'un million de ses concitoyens , le responsable du plus grand génocide du 20 ème siècle ?
Dans son livre elle s'adresse à " Cet Homme Nuit " , retrace son parcours et les étapes cicatricielles qui fabriqueront un Monstre ......


Je dois avouer que j'ai été déstabilisée , incrédule par le parallélisme entre Dorrit , double de la romanciére , son propre parcours , son vécu, un récit d'apprentissage en deux parties bien construites et la jeunesse de Saloth Sār, à la personnalité méconnue, à peine adulte qui prendra bîentôt le nom de Pol Pot .....
À partir d'une série de similitudes entre ces deux parcours l'auteur tisse des fils fantômes , brosse les portraits troublants de deux êtres aux contours fragiles " dévorés d'abord par la peur , puis par la rage ".
Sār se réfugie dans l'échec scolaire , grandit dans l'ombre de son pére , se révèle dans la discipline de la foi Bouddhiste " Dominer, contrôler et , à terme faire disparaître le soi, cette illusion. "
" Personne n'a le droit de pleurer , de parler, de rire ni de sourire , car les émotions sont illusoires au même titre que le reste ..."
Il émigre à Paris , fréquente l'intelligentsia Khmère ..
Dorrit , elle,,se réfugie dans la réussite scolaire mais l'un et l'autre se sentent seuls. Elle découvre la fureur militante et le marxisme dans les rues de la capitale au quartier latin.
Son éducation politique , son penchant pour l'extrême gauche , le contexte familial , la radicalité de ses années étudiantes sont décrites avec précision, comme chroniqueuse et auteur féministe ....
L'écriture est somptueuse , la construction brillante , où l'on croise la poésie de Paul Verlaine , André Malraux, le banquet de Platon, Molière ....

Bercés par leurs douleurs, leurs fantômes d'enfants brisés se croisent et esquissent une ultime réflexion sur les chemins de Pierre cahoteux qui ménent à l'engagement .

Du politique sanguinaire , tyrannique à la Romanciére écorchée vive , y- aurait- il un pont improbable jeté façonnant les chemins de la destruction ou de la création entre deux " "Monstres" qui sourient ?
Cet ouvrage singulier est une interrogation sur l'engagement et le pouvoir du hasard , le masque du sourire impénétrable , indélébile pour mieux cacher des secrets ....

Je dois avouer que l'écriture sublime m'a permise de réfléchir lucidement à ces échos et ces sillages .
Je reste perplexe à propos de ces correspondances entre les parcours de ces deux êtres que , à priori tout oppose ....
Un ouvrage riche , surprenant .....
Il fallait oser !
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Lèvres de pierre, sourire masquant les émotions, façade lisse pour taire la fragilité et la violence des blessures.

Pol Pot* affichait ce masque impénétrable de protection. Apparemment Nancy Huston aussi, puisque qu'elle a eu cette fulgurance de personnalité commune, au point de produire ce livre qui débute par un chapitre explicatif sur cette surprenante démarche.

J'ai d'abord clos cette lecture avec un agacement certain, trouvant presque indécent de voir un auteur établir un parallèle entre sa propre biographie et celle d'un responsable d'un des plus grands génocides du 20e siècle.

Je pense avoir été très déstabilisée par la structure du livre et frustrée de l'abandon narratif de la période des Khmers rouges. Après avoir largement présenté le développement de la personnalité de Pol Pot depuis son plus jeune âge jusqu'à son engagement de guérilla, l'auteur tire un trait sur le sujet ou presque pour ne plus s'intéresser qu'à elle-même, son contexte familial, son éducation intellectuelle et politique, la radicalité intransigeante de ses années étudiantes.

À y réfléchir, si le sujet est improbable, il demande à laisser de côté le contexte géopolitique et à s'approprier les personnalités de deux enfants construits sur le manque de confiance et les traumatismes. Nancy Huston se partage alors entre documentation historique et psychologie, faisant apparaître une jeune femme au parcours insolite entre les États Unis des années hippies et de la guerre du Vietnam et ses années européennes d'engagement féministe.

Je reste peu convaincue par la démarche narrative, et la lecture n'en a été sauvée que par la qualité de plume de l'auteur.

*homme d'Etat cambodgien, chef des Khmers rouges et responsable du génocide des années 70.
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Je n'ai sans doute pas commencé par le bon opus de Nancy Huston. En tout cas, celui-ci ne m'a pas convaincu. J'avais été attiré par le sujet, ayant lu le portail de François Bizot, qui m'avait beaucoup impressionné.
La seule chose qui m'ait vraiment intéressé, ce sont les informations sur la jeunesse de Pol Pot et l'histoire du Cambodge des années 1930 aux années 1950. Et aussi, dans une moindre mesure, le parcours d'une jeune canadienne anglophone devenant écrivaine francophone et féministe à Paris après être passée par les universités américaines.
J'ai trouve tout le reste très cliché et superficiel. Et d'abord l'argument du livre, le parallélisme entre Pol Pot et Dorrit (probablement l'auteure elle-même). le rapprochement est selon moi tout à fait artificiel et l'auteure peine à lui donner corps. Eh bien, oui, il y avait dans les années 60-70 à Paris des jeunes femmes féministes, communistes endoctrinées, anorexiques. Et oui Saloth Sâr est devenu communiste à Paris au début des années 1950. A part cela, ils ont tous les deux écrit leur premier article fébrilement sans savoir s'ils en étaient capables, et ont réfléchi sur leurs coups du sort en parcourant les quais de la Seine. C'est maigre. Et surtout, il y a un abîme entre les deux personnages, en ce que l'un devient un criminel génocidaire et l'autre une journaliste. Les actes font toute la différence.
Ensuite, l'explication des crimes de Pol Pot par sa biographie, ses échecs et ses frustrations, est réductrice et simpliste. Et même la vie parisienne de la jeune écrivaine en herbe apparaît comme une suite de clichés.
Je devrais sans doute faire un nouvel essai avec un autre titre de Nancy Huston, qui semble très appréciée des babéliotes. Si vous avez des suggestions n'hésitez pas. Mais je trouve ce livre-ci tout à fait dispensable.
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Quoi de plus opposé, a priori, que ces deux personnages ?
A ma gauche : une jeune canadienne qui découvre l'amour vache dans les années 60, qui suit des études universitaires qu'elle poursuit à Paris dans les années 70, qui y reste, qui devient une Intellectuelle notoire, féministe convaincue et auteure désormais renommée.
A ma droite : un jeune cambodgien, privé de famille à l'âge de 8 ans, jeune moine bouddhiste heureux de l'être, retiré ensuite du Monastère à l'âge de 12 ans, côtoyant princes et princesses, puis partant à étudier à Paris dans les années 70, rentrant dans son pays, s'engageant pour la lutte armée, avant de devenir – mais le récit de « Lèvres de pierre » s'arrêtera là – l'un des pires tyrans que le Cambodge ait connu à la tête des Khmers rouges.
Quel lien entre ces deux personnages ? Rien, en fait, ou si peu.
Mais c'est ce si peu que Nancy Huston va explorer, tissant une des toiles les plus improbables qui soient et qui, bizarrement, fonctionne.
La convention qu'elle utilise est la suivante : pour le futur Pol Pot, prénommé pour le moment Salot Sâr, ce sera un « Tu ». Pour la jeune Nancy Huston, ici prénommée « Dorrit », ce sera « elle ».
Entre les deux, c'est à nous, lecteurs, qu'il revient relier les fils.
Les circonstances de l'avènement au pouvoir de Pol Pot – 1 Million 700 000 personnes mortes pour le génocide des Khmers rouges – n'excusent rien, elles l'expliquent seulement.
La misandrie, le rejet des hommes en général pour la jeune Dorrit s'explique aussi compte tenu de la violence qu'elle a subie.
Et tous les deux, face à l'adversité, scellent leurs lèvres d'un silence que rien ne pourra briser.


Que dire alors de ce lien infime qu'on peut déceler entre eux ? Et ce sourire commun, un masque de protection ?
Faut-il parler de cet effacement de leur personnalité devant le désir des autres, de ce masque de pierre que l'un comme l'autre ont adopté, de cette résistance à la douleur qui les unit, de l'engagement politique, pour l'un comme pour l'autre, pour comprendre et agir dans ce monde qui les a d'abord exclus, ou bien de cette commune vie parisienne, dans un espace-temps qui aurait pu les mettre en présence l'un de l'autre, parenthèse enchantée avant de poursuivre leurs destins radicalement opposés.
Nancy Huston s'en explique au début, elle qui écrit avoir tourné autour du sujet du Cambodge sans savoir vraiment pourquoi, et qui a fini par trouver un fil ténu qu'elle va dévider dans son récit.

« Soudain, j'ai frémi. Je venais de tomber sur le seul Cambodgien en qui j'arriverais peut-être à me projeter : Pol Pot. Idée folle et pourtant la seule possible. Non pas le Pol Pot chef d'état, mais l'enfant, l'adolescent et le jeune homme, qui s'appelait encore Saloth Sâr. Il n'était pas impossible que, malgré leurs dissemblances flagrantes, nos trajectoires s'éclairent l'une l'autre. »

Si l'écriture, sensible, est bien celle à laquelle Nancy Huston nous a habitués dans ses nombreux romans, le lien entre les deux personnages paraît si ténu qu'on ne sait si on doit s'émerveiller de la prouesse de funambule de l'auteure, ou si on doit se résoudre à ne pas comprendre ce qui l'a motivée profondément à établir ce parallèle.
Pour ma part, c'est le sentiment de perplexité qui domine.
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critiques presse (1)
LaCroix
24 août 2018
Retraçant l’histoire méconnue d’un enfant cambodgien, Nancy Huston répond en mettant en parallèle sa propre trajectoire avec celle du génocideur cambodgien, Pol Pot.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation



Jour après jour, mon mari s’étonnait : “Comment un peuple aussi calme et souriant a-t-il pu perpétrer le pire auto génocide de l’histoire humaine ?” Moi aussi j’étais déroutée par la courtoisie et la douceur extrêmes des Khmers. Je ne savais pas encore que mines doucereuses et génocide pouvaient traduire un même détachement, que le légendaire sourire des Khmers (tout comme le mien) était souvent un masque, servant non à projeter mais à protéger l’intimité de qui le porte.
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" Notre pensée était préoccupée par la faim .
Mes côtes saillaient et se frottaient contre ma chemise .
Je suis si légère et pourtant je me sens si lourde, comme écrasée par le poids de la haine et de la colére de ces quatre dernières années. " ]...
"Les enfants mourant de faim sont de petites statues calmes et silencieuses au regard fixe. "
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Au vat, avec les moines et les moinillons, tu répétais à l'infini les mêmes formules en khmer ou en pali, inscrivais au calame, sur le papier de riz, les mantras sacrés scandés matin, midi et soir, litanie de syllabes itérées et réitérées dans une monotonie rassurante sur la voie tracée par le Bouddha et suivie par les moines au fil des siècles, effaçant les contours particuliers de leur personne et de leur époque pour cheminer lentement mais sûrement vers le Nebbana, le néant, fin de toute existence.
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Tes langues à toi, le khmer et le pali, sont sans ponctuation et sans majuscules. Les phrases n'ont pas besoin d'articulation car, tout comme les humains et les autres créatures, elles naissent et meurent, renaissent et meurent encore jusqu'à l'ultime sortie du temps. Elles viennent de l'air, pétrissent doucement l'air et retournent se marier avec le néant. En français, au contraire, tout est tranchant et tranché. Autant dans les bouches que sur les pages, les mots commencent et s'arrêtent de manière imprévisible, déstabilisante.
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"Comment un peuple aussi calme et souriant a-t-il pu perpétrer le pire auto génocide de l'histoire humaine?" Moi aussi j'étais déroutée par la curiosité et la douceur extrême des Khmers. Je ne savais pas encore que mines dangereuses et génocide pouvaient traduire un même détachement, que le légendaire sourire des Khmers (tout comme le mien) était souvent un masque, servant non à projeter mais à protéger l'intimité de qui le porte.
(p.14)
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Vidéo de Nancy Huston
Francia, transsexuelle colombienne, racole au bois de Boulogne dans le quartier dit Latinas. Ce livre fait le tableau de l'une de ses journées de travail, son charisme, sa famille dont elle assure le quotidien même de loin, sa présence auprès de ses collègues qu'elle protège en ces lieux de violence. Portrait d'un être lumineux, qui ce jour-là fera dix-sept clients aux particularités étonnantes, dans ce pays où la loi n'avantage pas ces femmes perdues loin de leur contrée d'origine, ces combattantes de tous les instants.
le nouveau roman de Nancy Huston est en librairie. Lire les premières pages : https://www.actes-sud.fr/francia #litterature #roman
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