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EAN : 9782742720699
112 pages
Actes Sud (04/01/1999)
3.6/5   50 notes
Résumé :
Romain Gary a traversé le siècle en nomade, en apatride, sans se soumettre aux écoles littéraires, sans rien céder aux modes, déjouant toutes les classifications, mettant orgueilleusement en actes sa liberté de romancier. Insaisissable et insaisi, fidèle et rebelle au dessein grandiose que sa mère avait formé pour lui, il s’acharna à consumer sa vie de fils, d’amant, de mari et de créateur jusqu’à renaître de ses cendres et enfin s’inventer autre. De l’entrée en scè... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
J'aime Romain Gary et j'aime Nancy Huston. Donc je devrais forcément aimer Tombeau de Romain Gary par Nancy Huston. Oui mais non.

Ce livre représente beaucoup trop d'adjectifs en -ique pour moi : hermétique, lyrique, dogmatique. Déjà, pourquoi est-ce que Nancy Huston s'adresse à l'auteur en le tutoyant, alors qu'elle écrit près de 20 ans après sa mort et que je ne crois pas qu'elle l'ait jamais rencontré ? Et pourquoi est-elle aussi sûre de ses analyses psychanalytico-tirées par les cheveux sur sa mère, les femmes, l'identité, la religion ? Enfin, et surtout, pourquoi est-elle obligée de nous sortir de grandes envolées obscures du type 'on peut voir ton suicide, je crois, comme une auto-crucifixion' ? Ou alors c'est que je suis trop blonde pour comprendre...

Je me moque, mais tout n'est pas mauvais et je ne voudrais pas jeter le bébé avec l'eau du bain de cette énigmatique biographie. Disons qu'elle montre bien tout le côté flamboyant et grandiose de Romain Gary, boulimique de vie, de littérature, de femmes, de voyages et pourtant éternellement insatisfait par une vie jamais à la hauteur de ses rêves ou de ses inventions, et qu'elle m'a donné envie de plonger avec les Mangeurs d'étoiles ou Gros-Câlin que je ne connais pas encore.

Dommage qu'elle ne l'ait pas fait avec sobriété, finesse et en nous épargnant les tirades moralisatrices sur l'amour maternel dévorant, bien moins réussies au demeurant que la Promesse de l'Aube, ou les détails psychologiques imaginaires sur le ressenti de Paul Pawlovitch et Romain Gary face à Émile Ajar. Je pense que j'aurais beaucoup plus apprécié ce Tombeau de Romain Gary sous la plume de Zweig, par exemple, tout anachronisme mis à part, évidemment.
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En musique, le tombeau a été utilisé pendant la période baroque. Il était composé en hommage à un grand personnage, aussi bien de son vivant qu'après sa mort. Ici, Nancy Huston crée l'ambiguïté en s'adressant en 1995, à ce grand auteur mort en 1980. Pourtant elle utilise le « tu » à la fois forme familière et interpellation directe qui nous donne l'impression d'assister à un monologue, avec quelques réponses de Gary qui émergent, sous forme de citations.

Cette manière de traiter une sorte de mini-essai sur Gary m'a particulièrement intéressé. Si le suivi chronologique est plutôt classique, Huston articule son texte par des phrases récurrentes qui nous permettent de visualiser le personnage dont elle parle : « le temps passe. Tu as trente ans ; tu arbores un blouson de cuir et une fine moustache. Comme ça, maman ? ». Ces phrases percutantes nous font prendre conscience que ce n'est pas un essai classique qui nous est proposé là, mais un texte qui sort du coeur d'une écrivaine reconnue, au style maîtrisé.

Cependant, si l'on sent l'admiration et la fascination de Nancy Huston envers cet auteur, elle ne cache pas ses défauts et travers, en particulier son pessimisme, ses crises proches de la folie et ses habitudes de coureur de jupons … Au départ j'ai eu du mal à accepter cette vision de Romain Gary que je ne connaissais pas. Et puis pas plus tard que cette semaine, j'ai lu un article de Delphine, qui chroniquait un livre sur Gary écrit par sa première femme, Lesley Blanch, avec qui il a vécu pendant 18 ans. En parallèle, j'ai dévoré un de ses romans, Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable (où ressort ta peur angoissée du vieillissement : « personne n'a parlé plus crument que toi de la beauté abîmée des femmes, de la défaillance sexuelle chez l'homme de l'effrayant masque de laideur qui vient se glisser le visage des êtres chers. »)

Et petit à petit, j'ai fini par me faire à l'idée que cet homme, qui était un véritable génie, avait aussi de nombreuses zones sombres, que l'on peut corréler à ce même génie. Bref ce n'était qu'un homme, un homme très intelligent de surcroît. Et comme l'a dit Camus, « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil. » Camus dont il était proche, au contraire de tous les autres intellectuels, parce qu'il avait aussi connu la pauvreté.

Comment vivre lorsqu'on ne connaît pas son origine ? Lorsqu'on est étouffé par une figure maternelle qui a de grands espoirs pour son unique fils ? Lorsqu'on commence à être un écrivain reconnu mais que l'on manque de confiance en soi ? Réponse de Gary : on se démultiplie, on se crée des pseudonymes, on brouille les pistes, on ment.

Mensonges que met en lumière Nancy Huston, qui se transforme à l'occasion en véritable biographe. Par exemple en ce qui concerne la mort de sa mère, que Gary avoue n'avoir appris qu'à la fin de la guerre, alors qu'il a été démontré qu'il avait reçu un télégramme dès le décès, en 1942. Pourquoi ce mensonge ? « Tu as fait pleurer les chaumières avec cette histoire, Romain, inventée sur une plage du Mexique en 1959″. Pourquoi ? pour rendre sa vie plus romanesque qu'elle ne l'est ?

Un texte extrêmement intéressant donc, même si je reproche à Nancy Huston quelques assertions. En effet, elle a tendance à parfois citer des phrases de Gary et à les ponctuer de « tu as raison » ou d'un « c'est faux » qui m'agaçait car on aimerait alors pouvoir arguer d'une subjectivité humaine, et l'empêcher de reprendre ce grand auteur comme un petit garçon qui aurait dit ou fait une bêtise …

Mais on lui pardonne car elle nous offre un essai riche, lumineux, qui montre les faiblesses de l'homme, mais en étant toujours positive envers son oeuvre, elle nous laisse libre de la découvrir et de l'aimer (tout en nous mettant en garde contre certains romans obscurs qui semblent avoir été des essais ratés, ce qui n'est pas grave, car il reste encore bien assez de ses chef d'oeuvre pour toute une vie !).

Un texte à lire si on veut mieux connaître cet auteur.
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En choisissant la forme musicale ancienne, le tombeau, Nancy Huston rend hommage à ce grand écrivain que fut Romain Gary. L'essai est court, on prend seulement connaissance avec sa vie, son oeuvre littéraire, son état d'esprit évoluant au fil des années.

Je savais déjà à travers La promesse de l'aube que sa mère avait une place très importante dans sa vie. Mais avec le texte de Huston, cette place devient presque royale. J'ai aimé surtout découvrir sa vie qui se liait avec son oeuvre, son esprit. Un peu déçue de l'homme sur sa vision de femmes mais impressionnée par sa façon de manipuler son public avec ses différents pseudos.

Une biographie qui manque un peu d'égalité, elle parle beaucoup de certaines de ses oeuvres et passent très vite sur d'autres. Intéressant la bibliographie à la fin où elle met les livres qu'elle a aimé de Romain Gary.
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Utile pour connaître l'ensemble de l'oeuvre de Gary (très très peu sur Ajar), et en particulier pour placer les ouvrages dans le contexte biographique de l'auteur. le tutoiement si singulier donne la marque d'une certaine connivence (mais j'émets des réserves sur la sympathie et la bienveillance) entre biographe et son "objet". La perspicacité de la première est indiscutable. Ce qui m'a dérangé, c'est la confusion des genres, la confusion entre vie et oeuvre, et donc une inévitable projection de l'une sur l'autre qui ne fait que confondre le lecteur, notamment sur les questions de la vérité, de la réalité, de la supercherie et fabulation de Gary - surtout d'un tel auteur! Surtout quand on sait que sa poétique est en grande partie une problématisation de ces notions. Dans ces conditions de confusion, on parvient dès les début à des tautologies (le contraire de tout ce qui est affirmé étant également envisagé comme valable):
"[...] non seulement parce que ton existence était striée de contradictions de toutes sortes, mais parce que, d'un bout à l'autre de cette existence, tu as menti de façon invétérée, éhontée, superbe." (p. 12)
"L'existence": soit. Et l'oeuvre? Impossible d'en déceler des lignes d'évolution? des cohérences? des filons de recherche constants? Ce que j'appelle "sincérité"? (Ne fût-ce que par rapport au rôle de la mère, comme l'affirme Huston à plusieurs reprises, ou par rapport au Réel et à sa sublimation pour des raisons de "conscience"...)
Et si l'on voulait faire de la biographie "pure", pourrait-on se limiter à évoquer le suicide en un quart de page, sans aucune tentative d'explication? Une balle dans la bouche peut-elle elle aussi être mise sur le compte du mensonge (et de la vantardise "to strut" et de la tracasserie "to fret")?
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Ayant lu quelques-uns des livres de Romain Gary/Emile Ajar, j'étais curieuse d'en savoir plus sur l'homme qui se cachait derrière cette oeuvre. Et de ce côté-là, je n'ai pas été déçue, bien au contraire : complexité, contradictions, mal-être, poids du passé et d'autres choses encore sont au programme.
Ecrit dans un style simple et clair, agrémenté de citations, le livre se lit très facilement ; l'auteure nous immerge dans l'univers de Romain Gary où se mêle une imagination débordante, des réflexions sur l'identité, L Histoire, la vieillesse, les liens entre réel et imaginaire, etc.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Nul n’aura connu, non plus, une détresse aussi absolue, une inaptitude à vivre aussi massive. Tu as rejeté toutes les couvertures qui procurent du bonheur au commun des mortels : et par « couvertures » je veux dire non seulement les partis politiques, les idéologies et les religions, mais aussi les activités les plus banales. La vie quotidienne avec ses régularités rassurantes – faire les courses, regarder un enfant qui dort, se pâmer sous des caresses, prendre le thé en bavardant, aller à la pêche, marcher dans la forêt – t’était interdit. Il fallait que tu sois constamment sur le qui-vive, écorché, exposé aux malheurs du monde.
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Et ton nom, au fait ?...
Comment t'appelais-tu ? Pour une fois, le réflexif qu'impose la langue française est tout à fait approprié : tu t'appelais, te nommais, te baptisais et te rebaptisais sans cesse. Rien dans ton état civil n'est stable, rien ne reste en place, pas même le prénom. Car le prénom que Nina avait choisi pour toi, c'était...Roman. Non pas Romain, Roman. [...]
Cela ressemble fort à une tentative de nomination magique, prédictive. Roman, c'est le prénom qui figure encore sur ton acte de naturalisation française, en 1935.
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Je n'arrive pas toujours à appliquer à ma vie les préceptes de mes livres, mais tout ce livre est l'histoire de gens qui ne savent pas désespérer.

Romain Gary à la radio à propos des Cerfs volants
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Et tu appelles cela de l'amour ? Tu seras ? Oui. Tu appelles cela de l'amour, et cela deviendra même ta définition de l'amour. Nina a implanté en toi une fois pour toute la conviction aberrante selon laquelle aimer quelqu'un, c'est l'inventer. L'enchantement, déjà.
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Tu t’es appliqué à brouiller les pistes, à nous entraîner dans une danse vertigineuse d’identités qui fait voler en éclats tous les repères, et en fin de compte nous force à nous poser la même question que tu te posais à toi, à chaque seconde de chaque journée : Romain Gary existe-t-il vraiment ? L’incompréhension dans laquelle tu nous jettes prend peu à peu des allures de philosophie. 
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Videos de Nancy Huston (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nancy Huston
Francia, transsexuelle colombienne, racole au bois de Boulogne dans le quartier dit Latinas. Ce livre fait le tableau de l'une de ses journées de travail, son charisme, sa famille dont elle assure le quotidien même de loin, sa présence auprès de ses collègues qu'elle protège en ces lieux de violence. Portrait d'un être lumineux, qui ce jour-là fera dix-sept clients aux particularités étonnantes, dans ce pays où la loi n'avantage pas ces femmes perdues loin de leur contrée d'origine, ces combattantes de tous les instants.
le nouveau roman de Nancy Huston est en librairie. Lire les premières pages : https://www.actes-sud.fr/francia #litterature #roman
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