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Critique de Ikebukuro


Un grand roman, foisonnant et étonnant sur le destin d'Harriet Burden, surnommée Harry, femme artiste qui plutôt que d'être niée par ses pairs va choisir des "nègres" artistiques pour montrer son travail et construire son oeuvre. Encore une fois Siri Hustvedt nous raconte avec intelligence et brio ce monde de l'art déjà abordé dans "Ceux que j'aimais", les disparités entre les hommes et les femmes et leur rôle dans la société de l'époque. A travers une sorte d'enquête, regroupant témoignages de tiers et morceaux choisis des carnets d'Harry, le lecteur découvre petit à petit la vie d'Harriet Burden mère, femme de collectionneur et artiste elle-même. Voyage à travers la personnalité complexe et l'intimité psychologique d'une artiste prolifique et hors norme, ce roman décortique les méandres de la création et de son interaction avec les autres et les codes sociaux.

Cachée derrière trois de ses amis, Harry présente ses créations à travers eux pour éviter que son travail ne soit dévalorisé ou sous-estimé par le fait qu'elle soit une femme, c'est non pas une oeuvre mais trois qu'Harry devra construire pour coller à la personnalité de chacun d'eux. Contrairement à ce que le lecteur peut penser, elle n'est pas une victime mais plutôt une sorte de manipulatrice névrosée et lucide qui utilise ces trois hommes pour une reconnaissance par procuration de son travail. Mais Harriet saura-t-elle jamais si son talent est reconnu pour tel ou pas ? Si le fait que son oeuvre présentée sous couvert masculin implique une déformation de la perception faite de celle-ci ? Aurait-elle finalement eu plus de reconnaissance en se présentant elle-même et en donnant une dimension féminine à son travail ? Beaucoup de questions et de doutes finalement… Aura-t-elle eu raison de ne pas faire confiance à son propre talent ?

J'ai beaucoup aimé ce roman qui reste avec "Tout ce que j'aimais" et "Un été sans les hommes" l'un de mes préférés. J'ai aimé le portrait de cette femme et la façon dont l'auteur nous présente cette personnalité complexe et fragmentée à travers les écrits de ses amis, de ses enfants ou à travers ses propres carnets. Leur perception de cette femme, artiste ou mère, est tout au long du récit finement analysée, que ce soit la démarche créative d'Harriet ou son intimité de femme et de mère, l'analyse est travaillée et brillante. J'ai retrouvé tout ce que j'aime chez Siri Hustvedt : ses thèmes de prédilection comme la création, la psychologie, le monde de l'art, l'intimité du couple, la reconnaissance artistique ; la finesse de construction du récit et l'intensité narrative de ses romans précédents ; l'écriture précise et exigeante.

Un roman exigeant et dense, bouleversant et tendre qui nous raconte la vie d'une artiste à la personnalité forte et fragile à la fois.
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