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EAN : 9782266131056
155 pages
Pocket (15/11/2002)
3.59/5   377 notes
Résumé :
Toutes les dictatures n'ont pas la même origine et bien des chemins mènent au "meilleur des mondes", mais le plus direct et le plus large est peut-être celui que nous parcourons aujourd'hui. Le cauchemar de l'organisation intégrale est déjà pour plus d'un milliard d'hommes une expérience quotidienne. Voilà qui préfigure peut-être, pense Aldous Huxley, l'avènement d'une dictature scientifique dont les sujets encadrés par une armée de policiers "pavloviens" en viendro... >Voir plus
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Si vous espériez une suite au «Meilleur des mondes», passez votre chemin, rien de ça ici ! Environ trente ans après avoir écrit son roman, Huxley revient dans un petit essai de 130 pages sur les mécanismes du totalitarisme de son livre, et donne son avis sur leurs applications dans le monde réel. Son constat était plutôt pessimiste. Il prévoit un contrôle des naissances plus strict pour éviter 1) la surpopulation et 2) la détérioration de notre condition physique et intellectuelle moyenne : Huxley ne voit pas d'un très bon oeil que les porteurs de «vices héréditaires graves» puissent survivre grâce à la médecine et les transmettre à leur descendance, et estime qu'un jour ou l'autre, les gouvernements devront mettre en place des mesures eugénistes.

Mais la plus grande partie du livre porte sur le danger de voir disparaître les démocraties. Tout d'abord à cause des grandes entreprises et des grosses institutions qui ne peuvent que réduire l'individu à une grossière caricature et à piétiner sa liberté. Et ensuite à cause des moyens de propagande de plus en plus perfectionnés : médias de masse, récupération des résultats de la science (notamment Pavlov).

Le ton est assez sombre, ce qui peut se concevoir puisqu'entre ses deux livres, l'auteur a connu les totalitarismes européens et une guerre mondiale. Les problèmes qu'il soulève n'ont pas beaucoup évolué depuis la publication du livre (1957). Les quelques solutions que l'auteur a proposé (amélioration de l'éducation, retour à des structures locales ou régionales) ne semblent toutefois pas avoir eu un grand succès.
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De même que plus tard, dans un genre bien différent, « le nom de la rose » aura son apostille, « le meilleur des mondes », aura son « retour »…vingt cinq ans après.
Le but de ce petit texte n'était pas de donner une suite au plus connu des romans d'Aldous Huxley, mais un prolongement.
Dans « le meilleur des mondes », Aldoux Huxley décrivait une évolution possible de l'organisation humaine, partie d'une utopie pour finalement accoucher d'une dictature… Ce petit essai tente de faire le point sur l'évolution de l'organisation humaine qui semble déjà s'accélérer en 1958 ; entre deux on aura connu Hitler et Staline.

On est effrayé à l'idée de ce que penserait Huxley s'il nous voyait nous débattre dans une société « managée » par le principe de précaution. Une société qui finit par convenir au plus grand nombre dans ce qu'elle a de sécurisant, voire d' infantilisant; " mère patrie"… Attention cependant a rester « dans les clous »…Ne pas fumer dans les lieux publics… ne pas faire rouler sa « bagnole » dans les villes… Faire contrôler ses seins, son colon, sa tension, sa glycémie… et tout ça pour notre plus grand bien …
Un ouvrage déroutant tant il présente très tôt l'évolution de nos démocraties vers un totalitarisme qui ne dirait pas son nom…

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Mr Huxley me fait un peu l'effet d'un fat, avec ce livre. Fort du succès de 1931 de son Meilleur des mondes, celui qui se sait appartenir depuis sa naissance à « l'élite intellectuelle britannique » se croit au surplus la légitimité d'un donneur de leçon au prétexte plus ou moins explicite que son roman sut prédire les événements de la Seconde Guerre mondiale. À partir de ce présupposé et de sa tacite confirmation sous forme d'éloges que l'auteur reçut de toutes parts, il s'estime pertinent à produire une explicitation de ses concepts appliqués à la réalité anticipée du futur – en quoi consiste le mobile de son essai Retour au meilleur des mondes.
Or, deux faits distincts et indiscutables invalident ce positionnement opportuniste.
le premier, c'est que le récit le meilleur des mondes n'avait rien prévu du tout. Tous les raccourcis flatteurs qu'on en a fait résument l'action du livre à un univers dictatorial, et comme on sait que le IIIe Reich fut une dictature, on prétend que Huxley l'avait deviné et que si on l'avait suffisamment écouté il aurait peut-être empêché la guerre. On devine d'ailleurs que lui-même attribue cet augure à sa haute qualité d'intellectuel, à sa logique implacable et d'un grand recul, ainsi qu'à son talent de généalogiste historique et scientifique, mais la seule chose qu'a dépeint Huxley conformément à la réalité des années 40, c'est ni plus ni moins le fait d'une dictature, pas même du nazisme ou du communisme ; or, un tel régime était alors loin d'être neuf, et l'auteur a seulement tâché d'y appliquer ce qui existait de moderne pour en donner une impression de vraisemblance – en quoi consiste ni plus ni moins l'oeuvre normale d'un écrivain d'anticipation. Mais comme Huxley fonde son génie sur une conformité minutieuse des faits advenus et du monde qu'il avait décrit, il se trouve forcé à grossir les traits, à provoquer les rapprochements, quitte à travestir l'histoire ou à la simplifier à l'excès – méthode certes fort en usage s'agissant de décrire le fonctionnement nazi moins de dix ans après son effondrement et avec toute la caricature plébiscitée alors, mais indigne d'un gentleman honnête et éduqué, objectif et soigneux. Il faut que tous les moyens de persuasion que l'auteur avait imaginés aient effectivement trouvé leur équivalent sous Hitler dans le cadre exigu d'une immoralité patente et assumée, dont : sélection génétique, organisation inhumaine, coercitions suggestives.
Or, on encourageait fort d'admettre que la planification du nazisme s'était accompagnée de chacun de ces paramètres : après un tel désastre et pour faciliter la réconciliation des peuples, on fit peser sur un système d'embrigadement déshumanisé et organisé par un très petit nombre la faute morale de plusieurs millions de morts. L'individu allemand n'avait dès lors presque plus rien à se reprocher, on pouvait s'adresser à lui comme à un innocent, à un homme abusé à son insu : il était heureusement dédouané de sa responsabilité particulière au détriment d'une manipulation d'un peuple, au pire n'était-il que coupable d'une « certaine faiblesse » qu'une poignée avait diaboliquement exacerbée. Huxley soutient cette thèse simpliste, et, c'est aussi en cela qu'il a la vue courte. Il oublie que l'adhésion des personnes est aussi indispensable que celle des masses pour conduire collectivement au combat idéologique, et il opère une dichotomie absurde et manichéenne entre foule sans volonté à l'animalité frénétique et individus éclairés et à la dignité supérieure. Hitler n'était pas tant machiavélique qu'on croit : il n'a pas tant incité les gens à vouloir quelque chose, mais il a surtout utilisé ce que voulaient les gens pour se porter au pouvoir avec sans doute bien plus de convictions qu'on ne lui en suppose. Il était un représentant avant tout, et en second lieu un guide pour des idées connexes. Quoi qu'on dise, la psychologie d'un homme, fût-ce d'un homme comme Hitler, ne s'accorde pas à lutter systématiquement contre une foule qu'on prétend gouverner : on s'espère des points communs avec elle, on ne s'adresse pas de bon gré à ceux qu'on méprise, tout au plus on insiste un peu plus qu'il n'est vrai sur des rapprochements artificiels.
C'est la faute théorique de Huxley de penser que le nazisme fut l'effet d'une propagande pure, d'une influence implacable, d'un conditionnement d'experts qui ne pouvait que réussir – faute récurrente, comme j'ai dit. Il y tient avec tant d'acharnement – parce qu'une fois de plus il en a besoin pour montrer comme il avait raison et asseoir ainsi sa position de conseiller devin – qu'il ne peut s'empêcher de recourir au genre de confusions qu'il dénonce quand il décrit les usages d'une propagande : il n'a pas de vue élevée sur les phénomènes dont il disserte, il est le représentant d'une morale très conventionnelle, surtout protestante et anti-communiste. Son utilisation excessive de citations d'autorité, avec études incomplètes, scientifiques douteux, acteurs de télévision, politiciens de tous bois dont ministre de l'armement hitlérien et même Hitler lui-même, lui semble un moyen louable pour parvenir au but valorisant qu'il s'est fixé, comme si le fait que tout le monde dise une chose était le signe que cette chose est vraie. le procédé agit, car il mêle des généralisations supposées et des analyses plus poussées, de sorte qu'on infère une méthode indubitable où il n'y a en réalité qu'un amas d'assertions juxtaposées. Il tient par exemple à ce qu'un homme soit avant tout un individu libre au nom de sa « diversité biologique », que la société soit ainsi un « crime contre l'individu », que la personne humaine ne soit « pas essentiellement grégaire », et je ne sais où il a trouvé à convaincre avec cet évangélisme sans argument qui lui fait même travestir certains propos de Spencer – dont il pastiche souvent le style comme le paragraphe introducteur de sa partie XI – pour le décrier. Il nous apprend péremptoirement que, fort de persuader les foules et d'en « appeler à leur inconscient », le nazisme au surplus « lavait le cerveau » des subalternes du régime par une forme d'hypnose, ce qui n'a presque rien à voir avec le système extrêmement élaboré et incitatif de management mis en place par le IIIe Reich. On s'étonne de découvrir que, selon Huxley, les intellectuels constituent une sorte d'assurance de bonne conduite pour toute société, comme si Hitler n'en avait pas lui-même admis une impressionnante quantité parmi son personnel et son administration. Au summum de son délire partial, Huxley raconte qu'évidemment « dans toutes les religions les plus évoluées du globe, la conversion et l'illumination sont affaires personnelles » et que « le royaume des cieux est dans l'esprit de chacun, non pas dans le vacuum collectif d'une foule » – je n'aurais pas dit ça, moi, mais alors pas du tout, d'autant que de telles énormités nécessitent des raisons, mais ici : point, il suffit d'énoncer la conclusion.
Ce qui m'agace tout particulièrement dans cette accumulation de données brutes et de déclarations louches, dans cette tonalité de savant sage qui dogmatise, dans cette hauteur si inconstante qu'on la trouve même mêlée à des raccourcis de bassesse, c'est cette fausse posture de surplomb, bardée de sens commun et de termes scientifiques spécifiques et superfétatoires à dessein d'impressionner le lecteur : c'est si évident de procédés de persuasion chargés d'induire une image que cela dessert même la thèse d'un anti-propagandiste cohérent. L'exemple le plus manifeste réside peut-être en cette contradiction insupportable à un homme d'esprit : Huxley propose de fonder la société à venir sur une morale fermement établie dont les principes seraient transmis par une éducation méthodique – j'y suis d'accord, quoique on s'approche forcément de nouveau d'une forme d'embrigadement de la jeunesse, seulement comme c'est Huxley qui le vante, il ne s'agit évidemment plus du tout d'instaurer des préjugés (même si manifestement l'auteur lui-même n'a nulle notion d'une morale sans préjugé). Et sans rien démontrer du tout, le voilà à désigner trois valeurs primordiales, les plus justes selon lui à établir le credo de son théorème, avec dans l'ordre : liberté, amour, intelligence ; or, d'où sort-il cela sinon du chapeau des conventions puritaines ? Passons encore là-dessus si l'on veut : quel remède cet intellectuel très recherché envisage-t-il pour favoriser en tout premier lieu la liberté ? « Par exemple, une organisation sociale, une limitation des naissances, une législation » : c'est connu, n'est-ce pas ? plus la société vous incite à une structure, de surcroît plus vous êtes tenu à vous empêcher d'avoir une progéniture, et encore plus les lois nombreuses vous contraignent, et plus vous êtes libre !
Non, ça ne va pas, comme si la forme et le succès tenaient lieu d'arguments. Ce que Huxley, et bien d'autres ainsi que lui, empruntent impunément à Spencer et dont ils se targuent comme leur matière d'expression et de déduction propre, c'est ce ton d'évidence et ce procédé d'exemples éclectiques : on croit alors que la simplicité des propositions de Spencer est tout ce qui le rendit convaincant, mais c'est à condition que chaque terme de ces énoncés soit incontestable, ce que n'ont pas compris la plupart de ses imitateurs. Il faut longtemps chercher des tournures sans exception avant de les rédiger, et c'est ce qui réclame un temps considérable et une réflexion ardue. Bertrand Russell, entre autres penseurs à ce que j'ai constaté, est aussi amateur de cette pseudo dialectique raisonnable plutôt que rationnelle et qui sembla de mode un certain temps : quant au lecteur, avant d'avoir donné son accord sur un jugement énoncé de façon trop brève, le voilà entraîné dans ses corollaires, et peu à peu il ne contrôle plus rien, est contraint d'admettre sans beaucoup de conviction faute d'arguments solides et puisqu'il ne peut arrêter les bonds excessifs d'une réflexion écrite – il sent qu'il ne se rattache qu'à des saillies de proverbes, il dit oui ou il dit non à mesure, mais n'importe : tout va trop vite et avec trop peu de preuves, il enregistre les informations d'une matière mal liée qui ne peut faire un ciment de son individu. Ce procédé est en revanche idéal pour de la littérature d'apprentis pédants : on accumule des notions faciles à répéter pour autant qu'on n'ait jamais à les justifier ; on remet ainsi de bonnes compositions rédigées de pensées colligées qu'on n'a pas besoin de savoir s'approprier.
J'aurais pourtant des scrupules à cacher que, dans sa préface, Huxley admet qu'il a « simplifié à l'excès » des concepts pour « former un tableau » plus accessible et éloquent : ceci dit, j'ignore quel besoin il en a eu, puisque son essai dure moins de 150 pages, ce qui ne saurait beaucoup porter atteinte à la patience d'un lecteur ordinaire. C'est peut-être plutôt un prétexte à ne pas approfondir ce qu'il ne savait pas démontrer. Il me semble que cet aveu résonne comme de la négligence ou de la condescendance du vulgarisateur : « J'ai fait pour un lecteur piteux, semble-t-il dire, c'est-à-dire vite et simple pour qu'il puisse bientôt retourner à ses occupations. » : voilà qui n'est pas à mon sens l'ambition digne d'un auteur exigeant.
Je me souviens à présent que j'avais écrit au début de cet article : « deux faits distincts » susceptibles de démentir Aldous Huxley comme visionnaire, n'est-ce pas ? Certes, je me le rappelle, et voici le second : c'est que parmi tout ce que l'auteur présage dans cet opus censé se réaliser avant la fin du siècle, rien ne s'est produit : les anxiolytiques ne sont pas le soma, la publicité contemporaine n'est pas l'hypnopédie, et les libertés individuelles n'ont pas décru en fonction de la volonté d'un gouvernement souverain et corrupteur ; la surpopulation n'a pas encore rencontré d'impasse rédhibitoire, les ressources naturelles ne sont pas arrivées au point de rupture, la médecine n'a pas provoqué l'insuffisance génétique de nos contemporains par défaut de sélection naturelle, et la structure sociale et politique des États n'a pas induit d'autorité une limitation drastique des libertés ; en somme, la théorie que Huxley propose d'une dictature généralisée et technologique ne s'est pas réalisée – il est même, je trouve, bien moins efficace à prédire que Ray Bradbury dans Fahrenheit 451. Certes, on ne peut lui décliner l'honneur d'avoir risqué un pari aussi audacieux, mais on peut sans mal, je crois, lui dénier le prestige de l'avoir remporté.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Des années après la publication de son roman le meilleur des mondes (en 1932), Huxley, à travers un dense et court essai, revient sur son roman à la lumière des changements du monde survenus dans l'intervalle, dont le plus marquant : la Seconde Guerre mondiale. Entretemps aussi, un autre roman dystopique est paru, dont Huxley ne peut faire l'économie : 1984, d'Orwell.

Ainsi, l'auteur analyse à la fois l'évolution du monde depuis les années 1930 et fait des projections dont beaucoup, hélas, se sont vérifiées. Il pointe déjà les fléaux dont nous subissons aujourd'hui les effets : surnatalité, ressources qui se raréfient, contrôle mental des individus par les élites politiques et économiques, notamment à travers les drogues et le conditionnement psychique, etc. Autant d'éléments propres à générer ce que l'auteur appelle un « totalitarisme non violent ».

Huxley semble avoir eu un don de voyance lorsque, par exemple, il explique ceci, s'appuyant sur les travaux de Pavlov : « Il est devenu évident que le contrôle par répression des attitudes non conformes est moins efficace, au bout du compte, que le contrôle par renforcement des attitudes satisfaisantes au moyen de récompenses et que, dans l'ensemble, la terreur en tant que procédé de gouvernement rend moins bien que la manipulation non violente du milieu, des pensées et des sentiments de l'individu. » Plus loin : « Les sujets des tyrans à venir seront enrégimentés sans douleur par un corps d'ingénieurs sociaux hautement qualifiés. » Les GAFA ne seraient-ils pas ces « ingénieurs sociaux » ? Je pose la question…

Dans ce monde manipulation, le Panem et circenses – du pain et des jeux – romain est plus que jamais d'actualité : « L'art et la science de la manipulation en venant à être mieux connus, les dictateurs de l'avenir apprendront sans aucun doute à combiner ces procédés avec la distraction ininterrompue. »

Plus loin : « Les services de ventes politiques ne font appel qu'aux faiblesses de leurs électeurs, jamais à leur force latente. Ils se gardent bien d'éduquer les masses et de les mettre en mesure de se gouverner elles-mêmes, jugeant très suffisant de les manipuler et de les exploiter. » Sachant par ailleurs que : « Une vérité sans éclat peut être éclipsée par un mensonge passionnant. » Et que : « Dans sa forme actuelle, l'ordre social dépend, pour continuer d'exister, de l'acceptation, sans trop de questions embarrassantes, de la propagande mise en circulation par les autorités. » autant de réflexions qui collent parfaitement à notre XXIe siècle.


Citant un certain Erich Fromm, Huxley énonce une autre vérité : « Notre société occidentale contemporaine, malgré ses progrès matériels, intellectuels et sociaux, devient rapidement moins propre à assurer la santé mentale et tend à saper, dans chaque individu, la sécurité intérieure, le bonheur, la raison, la faculté d'aimer. »

Pour autant, Huxley avance quelques pistes pour sortir de cette fatalité. Sauf que Huxley a écrit son texte en 1957. Nous sommes en 2022 et, à moins d'un miracle, je ne vois pas comment nous allons éviter cette catastrophe qui pourrait avoir raison de l'humanité. Mais on m'a dit que c'était bien de croire aux miracles…


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La surpopulation entrainerait-elle automatiquement une instauration de la tyrannie dans les démocraties occidentales ? de quelle manière la propagande aussi bien dans un cadre démocratique que dans un cadre dictatorial entrera-t-elle dans tous les processus de gouvernement ? de quelle manière fonctionnera la publicité, le « merchandizing » ? Quelles seront les méthodes les plus insidieuses de lavage de cerveaux des peuples ? Quid de la persuasion chimique, de l'utilisation des drogues (le fameux « soma » multi-fonction n'existant que dans l'imagination d'Huxley, a déjà de nombreux équivalents, cannabis, cocaïne, amphétamines, crack, LSD, et autres) ? de la persuasion subconsciente, images subliminales, matraquage de concepts, de notions répétées ad nauseam ? L'hypnopédie, c'est-à-dire l'enseignement pendant le sommeil, est-elle vraiment opérationnelle ? Ne peut-on pas conditionner les esprits sous hypnose ou dans un pré-sommeil ? L'instruction des peuples les rend-elle vraiment libres ?
« Retour au meilleur des mondes » n'est en aucun cas une suite au célèbre roman dystopique qui sert encore de nos jours de référence pour un futur de plus en plus probable, mais plutôt un essai de prospective sociale, politique, philosophique et psychologique. En effet, après avoir écrit « Le meilleur des mondes » en 1931, dans un contexte géo-politique bien particulier, Huxley voulut apporter des précisions et mêmes des corrections en 1948 après la seconde guerre mondiale, après les dégâts de l'hitlérisme et du stalinisme. Il fait un parallèle entre son livre et celui d'Orwell « 1984 ». Tous deux peuvent sembler des visionnaires. En réalité, ils étaient simplement plus informés, adeptes de la « Fabian society », francs-maçons et du côté d'Huxley, par son frère Julian, proche de Bernays, le créateur de l'ingénierie sociale, et donc familier des grands décideurs qui travaillaient déjà leur plan. « 1984 », inspiré par le stalinisme, explore la gouvernance par la peur, la contrainte et le contrôle social permanent alors que « Le meilleur des mondes » est plus sur une domination par le plaisir, la jouissance et une discipline acceptée et même souhaitée par la masse. Sans oublier la manipulation génétique, la création in vitro des Alphas et autres Omégas qui a un petit avant-goût de transhumanisme. Pour Huxley, 2 milliards de terriens serait le nombre à ne pas dépasser, les ressources de la planète ne permettant pas que l'on soit plus nombreux. Que faire du surplus de population ? 70 ans plus tard, la réponse est en train de se révéler dans toute son inhumanité. le dernier chapitre est cependant un plaidoyer pour la liberté, preuve que l'auteur est inquiet de ce qu'il entrevoit. Inutile de préciser que ce qu'il annonce se concrétise de plus en plus à notre époque. À lire pour mettre les choses en perspective, même si elles sont inquiétantes.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Citations et extraits (70) Voir plus Ajouter une citation
Nos « maladies mentales toujours plus fréquentes » peuvent trouver leur expression dans les symptômes de névroses, très voyants et des plus pénibles. Mais, « gardons nous », écrit le docteur Fromm, « de définir l’hygiène mentale comme la prévention des symptômes. Ces derniers ne sont pas nos ennemis, mais nos amis là où ils sont, il y a un conflit et un conflit indique toujours que les forces de la vie qui luttent pour l’harmonie et le bonheur résistent encore. »
Les victimes vraiment sans espoir se trouvent parmi ceux qui semblent les plus normaux. « Pour beaucoup d’entre eux, c’est parce qu’ils sont si bien adaptés à notre mode d’existence, parce que la voix humaine a été réduite au silence si tôt dans leur vie, qu’ils ne se débattent même pas, ni ne souffrent et ne présentent pas de symptômes comme le font les névrosés ». Ils sont normaux non pas au sens que l’on pourrait appeler absolu du terme, mais seulement para rapport à une société profondément anormale et c’est la perfection de leur adaptation à celle-ci qui donne la mesure de leur déséquilibre mental. Ces millions d’anormalement normaux vivent sans histoires dans une société dont ils ne s’accommoderaient pas s’ils étaient pleinement humains et s’accrochent encore à « l’illusion de l’individualité », mais en fait, ils ont été dans une large mesure dépersonnalisés. Leur conformité évolue vers l’uniformité. Mais « l’uniformité est incompatible avec la liberté, de même qu’avec la santé mentale… L’homme n’est pas fait pour être un automate et si il en devient un, le fondement de son équilibre mental est détruit »
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Pour la plupart des gens, la musique est attrayante en elle-même; de plus, les airs ont tendance à se graver dans l'esprit de l'auditeur qu'ils peuvent hanter pendant une vie durant. Voilà, par exemple, une affirmation ou un jugement de valeur totalement inintéressants; sous cette forme, personne n'y prêtera la moindre attention. Mais mettons les paroles sur un air entraînant et facile à retenir, aussitôt elles acquièrent une puissance étonnante, et qui plus est, elles tendront à se répéter automatiquement chaque fois que la mélodie sera entendue ou spontanément remémorée. Orphée a fait alliance avec Pavlov - la puissance des sons avec le réflexe conditionné! Pour le propagandiste commercial, de même que pour ses collègues en politique et en religion, la musique a encore un autre avantage : des inepties qu'un être raisonnable aurait honte d'écrire, de dire ou d'entendre, peuvent être chantées et écoutées par ce même être avec plaisir et même une sorte de conviction intellectuelle.
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La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter.

Philosophy teaches us to feel uncertain about the things that seems to us self-evident. Propaganda, on the other hand, teaches us to accept as self-evident matters about which it would be reasonable to suspend our judgement or to feel doubt.
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Au cours de l'évolution, la nature s'est donné un mal extrême pour que chaque individu soit différent de tous les autres. Nous nous reproduisons en mettant les gènes du père en contact avec ceux de la mère et ces facteurs héréditaires peuvent donner des combinaisons en nombre pratiquement illimité; Physiquement et mentalement, chacun d'entre nous est un être unique.
Toute civilisation qui, soit dans l'intérêt de l'efficacité, soit au nom de quelque dogme politique ou religieux, essaie de standardiser l'individu humain, commet un crime contre la nature biologique de l'homme.
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Dans le passé, la plupart n’avaient jamais la possibilité de l’assouvir complètement (distraction) ; ils le désiraient avec ardeur, mais on ne leur en fournissait pas l’occasion. Noël venait, mais une fois l’an seulement, les fêtes étaient « solennelles et rares », il y avait peu de lecteurs, très peu à lire et ce qui se rapprochait le plus d’un cinéma de quartier, c’était l’église paroissiale où les représentations, bien que fréquentes, étaient quelque peu monotones. Pour trouver une situation comparable, fût-ce de loin, à celle qui existe actuellement, il nous faut remonter jusqu’à la Rome impériale, où la populace était maintenue dans la bonne humeur grâce à des doses fréquentes et gratuites des distractions les plus variées, allant des drames en vers aux combats de gladiateurs, des récitations de Virgule aux séances de pugilat, des concerts aux revues militaires et aux exécutions publiques. Mais même à Rome, il n’existait rien de semblable aux distractions ininterrompues fournies par les journaux, les revues, la radio, la télévision et le cinéma. Dans Le meilleur des mondes , les distractions les plus alléchantes sont délibérément utilisées et à jet continu, comme instrument de gouvernement pour empêcher les populations d’examiner de trop près les réalités de la situation sociale et politique. L’autre monde de la religion n’est pas le même que celui du plaisir, mais ils ont assurément en commun le fait de ne pas être « de ce monde ». L’un et l’autre sont des distractions et leur pratique continuelle pourrait faire des deux, selon la formule de Marx, « l’opium du peuple ». Seuls les vigilants peuvent sauvegarder leurs libertés et seuls ceux qui ont sans cesse l’esprit présent et l’intelligence en éveil, peuvent espérer se gouverner effectivement eux même par les procédures démocratiques. Une société dont la plupart des membres passent une grande partie de leur temps, non pas dans l’immédiat et l’avenir prévisible, mais quelque part, dans les autres mondes inconséquent de sport, des feuilletons, de la mythologie et de la fantaisie métaphysique, aura bien du mal à résister aux empiétements de ceux qui voudraient la manipuler et la dominer.
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