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4,01

sur 452 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Joris-Karl Huysmans fait typiquement partie des auteurs que je crains de lire et qui, une fois lus, me font amèrement regretter de ne pas les avoir découverts avant !

Je ne peux pas vraiment m'expliquer pourquoi je craignais de m'attaquer à son oeuvre, d'autant que cela fait longtemps que je vois "Là-bas" me faire de l'oeil ; sans doute craignais-je un style trop académique et une narration trop philosophique ou engagée (comme semblait d'ailleurs le confirmer le premier chapitre qui n'est rien de moins qu'un pamphlet adressé à Zola et aux naturalistes) mais, en réalité, l'écriture est très accessible, très romanesque et j'ai vraiment beaucoup apprécié ma lecture.

Attention, toutefois, âmes sensibles s'abstenir !

Bien que publié en 1891, "Là-bas" est un roman très moderne qui donne facilement la nausée et qui n'a pas à envier leurs descriptions à nos auteurs de thrillers contemporains. En même temps, avec pour sujet la biographie de Gilles de Rais, le Boucher du XVème siècle, il ne faut pas s'attendre à cueillir des pâquerettes et à danser des tarentelles...

La narration se développe en deux espaces concomitants : d'une part, Durtal, écrivain et biographe, cherche à comprendre les mécanismes du satanisme et du spiritisme qui auraient influencé son sujet, l'odieux Barbe-Bleue de Tiffauges - pourtant compagnon de Jeanne d'Arc et maréchal de France, l'un des plus puissants seigneurs de son temps -, et dans sa quête, découvre que les pratiques occultes sont loin d'avoir disparu du monde moderne ; d'autre part, le lecteur découvre la biographie de Gilles de Rais en cours de rédaction et suit, épouvanté, la lente descente aux Enfers de ce bourreau d'enfants qui aurait fait près d'un millier de victimes. Donc, vous voilà prévenus, mieux vaut avoir le coeur et les tripes bien accrochés.

Malgré la noirceur du roman, j'ai pleinement savouré la langue de Huysmans et les différentes atmosphères qu'il arrive à rendre très vivantes : du logis du sonneur de cloches de Saint-Sulpice aux caves de Champtocé, autre antre de la Bête du pays de Loire, ou encore du logement de célibataire de Durtal aux messes noires secrètes de la rue de Vaugirard.

Pour conclure, un roman qui ne peut laisser indifférent.


Challenge MULTI-DÉFIS 2018
Challenge XIXème siècle 2018
Challenge ABC 2017 - 2018
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C'est par Houellebecq qui l'évoque dans son dernier roman Soumission que je suis arrivée à Huysmans : merci Michel, je suis encore toute ébaudie d'avoir découvert cet auteur de haut vol.
La connexion entre ces deux auteurs est d'ailleurs la première chose qui m'ait sauté au yeux en ouvrant ce roman : même procédé narratif dans lequel l'auteur se cache (à peine) derrière un personnage fictif et s'appuie sur des éléments historiques factuels pour transmettre ses idées; même regard désabusé sur l'époque moderne, même mépris de la tristesse des idéaux bourgeois. Ce roman repeint du coup d'une nouvelle couleur les écrits de Houellebecq auxquels je découvre de profondes racines.

Autre dimension qui m'a fortement interpellée dans ce roman puissant : L'évocation de Gilles de Rais et à travers elle la dimension spirituelle d'un Moyen-Age à l'âme plus haute qu'aujourd'hui (nous dit l'auteur) me fait également reconsidérer, de manière dérangeante comme à la lecture de Houellebecq, cette aspiration récente que beaucoup partagent aujourd'hui : celle d'un ré-enchantement du monde ; car s'il est vrai que du mysticisme au satanisme il n'y a qu'un pas, vouloir réintégrer de la fantaisie, des elfes et des rêves dans notre univers matérialisé à outrance suppose d'accepter dans le même temps les diables, les messes noires et les cauchemars et cela, je ne suis pas sûre que nous y soyons prêts.

Une lecture très forte, un style puissamment évocateur que je vais sans nul doute chercher à retrouver bientôt à travers d'autres oeuvres de Huysmans.
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J'avais redécouvert, avec l'extraordinaire et baroque À Rebours, Huysmans, dont je n'avais lu, il y a bien longtemps, que La Cathédrale, et dont je me faisais une idée fausse, celle d'un écrivain de la frange catholique de la fin du 19ème siècle.

Je m'étais promis de continuer cette découverte et je viens de terminer un autre roman, sans doute le plus sulfureux, Là-bas.
C'est un récit d'une extraordinaire richesse, par les thèmes multiples qu'il aborde, et d'une admirable écriture.

Là-bas, c'est d'abord, au sein d'une fin de 19 ème siècle positiviste et enthousiasmé par les progrès de la science et de la démocratie, un rejet de son époque par le héros, Durtal, un double de l'écrivain, et un regard porté sur un « Là-bas » rempli de valeurs spirituelles et mystiques, le Moyen-Âge.
Là-bas, c'est aussi l'exploration de ce « Là-bas », le monde surnaturel et invisible de celles et ceux qui recherchent l'absolu, et, comme l'avait si bien décrit Baudelaire, cet absolu peut être au Ciel ou en Enfer, le satanisme n'étant que l'envers noir du mysticisme.

Le roman débute par un dialogue entre l'écrivain Durtal et son ami médecin Des Hermies, dans lequel Des Hermies se livre à une critique en règle du naturalisme, moins celui de Zola que celui de ses suivants, auquel il lui reproche « l'immondice de ses idées », l'absence d'âme et de spiritualité, le matérialisme, et le fait d'avoir introduit « la démocratie dans l'art », une série de réflexions qui m'a semblé trouver écho dans notre début de 21ème siècle.
Cette discussion mène Durtal à ce que devrait être la création littéraire, et, par le détour de l'évocation de ce que peignaient les Primitifs et le souvenir de la Crucifixion du Retable de Mathias Grünewald, à l'idée d'un nouveau chemin pour le roman, celui qui essaierait de saisir tout à la fois la réalité de la vie quotidienne et l'âme des individus, bref un «naturalisme spiritualiste», dont il dit le trouver en partie chez Dostoïevski.

Après ce prologue, le récit sera construit de deux trames parallèles qui vont parcourir tout le roman.

D'abord celle du livre qu'écrit Durtal sur l'histoire de Gilles de Rais, qui de compagnon dévoué et généreux de Jeanne d'Arc, avait cherché l'absolu dans l'occultisme puis le satanisme, et recourant, pour arriver à ses fins, à des expériences insensées et aux crimes les plus abjects sur des enfants. Et cette incessante question qui taraude l'écrivain: comment un homme si croyant, un si bon chrétien, a pu devenir cet homme d'une telle cruauté et d'une telle abjection?
Cette histoire dans l'histoire nous livre des descriptions absolument saisissantes et magnifiques de la vie de Gilles de Rais, de ses méfaits et de son procès.

L'autre partie du récit est faite de la recherche de preuves de l'existence de l'occultisme et du satanisme à la fin du 19ème siècle, l'époque où se passe le roman. Cette plongée se fera, d'une part en rencontrant Carhaix, un ancien séminariste devenu le sonneur de l'Eglise Saint-Sulpice, un homme bien plus érudit que son métier le laisse présumer, et d'autre part, par la liaison de Durtal avec une bien étrange admiratrice, Hyacinthe Chantelouve, au nom si évocateur, et dont Durtal découvre que le corps est, pendant l'amour, froid comme celui d'un succube, ce démon femelle qui vient violer les hommes pendant leur sommeil! Hyacinthe fait partie d'un cercle satanique dirigé par Docre, un inquiétant chanoine, auprès duquel Hyacinthe obtiendra pour Durtal l'autorisation d'assister à une messe noire. le récit nous livre une description saisissante et terrible de cette messe puis de l'écoeurement de Durtal devant la frénésie sexuelle d'Hyacinthe qui veut l'entraîner dans un lit parsemé d'hosties! Bref, on n'est pas loin du roman d'horreur! Mais Huysmans garde toujours une pointe d'ironie, un certain recul à l'égard de ce qu'il nous raconte.
A côté de cet « enfer », les rencontres de Durtal, accompagné de Des Hermies, dans le logis de Carhaix et sa femme, le plus souvent lors de savoureux repas, est une sorte de refuge pour l'écrivain. Ces repas (dont la description est à vous faire saliver!) sont l'occasion de discussions auxquelles participe un astrologue, Gevingey, un ennemi de Docre, et auquel ce dernier a jeté un sortilège mortel, dont il sera délivré par un séjour à Lyon chez un autre chanoine de Docteur Johannes.
Des discussions où l'on sent parfois bien que l'auteur s'amuse avec son lecteur, et qui évoquent aussi bien les vertus de certains mets, que le pouvoir sanctifiant des cloches ou la question de l'occultisme et du satanisme en cette fin de siècle.
La fin du récit, dans laquelle les participants au repas entendent les cris de la rue célébrant la victoire du Général Boulanger aux dernières élections, traduit bien le rejet de leur époque par tous ceux qui sont présents à table.

Ce commentaire ne serait pas complet si je n'évoquais pas les multiples et magnifiques descriptions des lieux et des époques, la finesse (plutôt misogyne) du récit de la relation entre Durtal et Mme Chantelouve, l'écriture superbe, et tous ces mots rares que j'avais déjà tant appréciés dans A rebours.

En conclusion, je vous livre un avis personnel sur le sens de ce livre. Je crois que cette plongée dans le monde du satanisme est, pour le héros , double de l'auteur, une sorte de démonstration « par l'absurde » et par l'ignoble, du surnaturel et du refus du matérialisme. Et en quelque sorte le point de départ d'un chemin qui le mènera à la conversion au catholicisme.

Huysmans, voilà un écrivain qui a rejoint mon Panthéon des auteurs aimés, et dont j'aimerais lire En route et L'Oblat, et relire avec un oeil nouveau La Cathédrale, un auteur formidable que je vous conseille.
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Roman de Joris-Karl Huysmans.

Avec À rebours et le taedium vitae de des Esseintes encore coincés entre les dents et en travers du gosier, j'ai entamé cette lecture bien décidée à (re-)donner toutes ses chances à l'auteur, sur les conseils avisés d'un lecteur (lui aussi avisé). Bien m'en a pris, le plaisir et l'émotion ont été au rendez-vous!

Durtal, romancier, a "abandonné l'adultère, l'amour, l'ambition, tous les sujets apprivoisés du roman moderne, pour écrire l'histoire de Gilles de Rais." (p. 33) Décidé à explorer l'histoire de ce compagnon de Jeanne d'Arc devenu un féroce meurtrier enragé d'alchimie et de démonologie, de "ce sataniste qui fut, au quinzième siècle, le plus artiste et le plus exquis, le plus cruel et le plus scélérat des hommes." (p. 49), Durtal s'engage dans la découverte du Satanisme au Moyen Age et dans ses prolongements historiques. Une troublante relation s'établit entre lui et Hyacinthe Chantelouve: cette femme mariée qui le poursuit d'assiduités qu'elle voudrait ne pas assouvir a les moyens de l'introduire dans les milieux où le Satanisme se pratique, là où la Messe Noire se déroule. Durtal, épris et excédé de cette femme, progresse sur des chemins dangereux, cherchant toujours plus loin le frisson de l'inédit, de l'interdit, pour échapper à la lassitude d'une existence et d'une époque désabusées.

Le dialogue liminaire entre Durtal et son ami, le docteur de Hermies, est un violent réquisitoire contre le naturaliste et la littérature fin de siècle. Dans ce roman, Huysmans rompt définitivement avec sa période naturaliste. "Ce que je reproche au naturalisme, ce n'est pas le lourd badigeon de son , c'est l'immondice de ses idées; ce que je lui reproche, c'est d'avoir incarné le matérialisme dans la littérature, d'avoir glorifié la démocratie de l'art!" (p. 33) Durtal oppose à la virulente diatribe de son ami une certaine tempérance teintée de cynisme: il lui demande de reconnaître "les inoubliables services que les naturalistes ont rendus à l'art; car enfin, ce sont eux qui nous ont débarrassés des inhumains fantoches du romantisme et qui ont extrait la littérature d'un idéalisme de ganache et d'une inanité de vieille fille exaltée par le célibat."(p. 34) Durtal est dégoûté des littérateurs de son époque, il rêve d'un "naturalisme spiritualiste" (p. 36), il constate avec amertume l'échec de la littérature: " C'était vrai, il n'y avait plus rien debout dans les lettres en désarroi; rien, sinon un besoin de surnaturel qui, à défaut, d'idées plus élevées, trébuchait de toutes parts, comme il pouvait, dans le spiritisme et dans l'occulte." (p. 37)

Durtal est en fait atteint du taedium vitaequi a tant accablé son illustre prédécesseur, des Esseintes. Durtal est "excédé par l'ignominieux spectacle de cette fin de siècle" (p. 36), il exècre son temps, les artistes qui y paraissent et l'esprit médiocre qui se répand. Il est tenté par des fureurs de réclusion, des désirs de retrait du monde, dans une abbaye, dans une tour, dans une cave. Ne trouvant dans les plaisirs de la chair nul réconfort, pessimiste quant à l'évolution de la société, et bien que profondément athée, "il en était bien réduit à se dire que la religion est la seule qui sache encore panser, avec les plus veloutés des onguents, les plus impatientes des plaies; mais elle exige en retour une telle désertion du sens commun, une telle volonté de ne plus s'étonner de rien, qu'il s'en écartait tout en l'épiant." (p. 41) Ce passage annonce la future conversion de l'auteur et sa fervente pratique religieuse dans les dernières années de sa vie.

De longues discussions se déroulent dans le logement modeste de Carhaix, sonneur de cloches dans les tours de Saint-Sulpice. Ce brave homme, bien que catholique convaincu, accueille à sa table Durtal et de Hermies et partage leurs échanges sur la religion, le satanisme et l'astrologie. Les hôtes font bombance chez lui et la communion des esprits s'effectue encore mieux après les festins partagés.

"Le jour où Durtal s'était plongé dans l'effrayante et délicieuse fin du Moyen Age, il s'était senti renaître." (p. 46) Aiguillonné par l'ambition d'écrire une monographie de Gilles de Rais qui ne serait ni affaiblie ni enjolivée par les dérives hésitantes d'un esprit niais ou mou, il veut rendre à l'écrit historique ses lettres de noblesse et rendre un hommage honnête et fidèle à la mémoire du baron de Rais, "le des Esseintes du quinzième siècle" (p. 70) qui a "transporté la furie des prières dans le territoire des À rebours."(p. 73) Durtal, quoiqu'il pense des récits de saints et des légendes dorées ne se lance dans pas moins qu'une hagiographie du personnage, que la légende a transmué en Barbe-Bleue. Mais de ce fameux récit de l'histoire du baron, on ne lit que peu de choses, tout au plus quelques notes dont l'étude est souvent interrompue par l'irruption d'un personnage ou l'intrusion de l'histoire en marche, comme l'élection de Boulanger au poste de député.

La monographie de Gilles de Rais n'est finalement qu'un prétexte pour aborder l'univers fascinant et terrifiant des mondes occultes. Durtal semble écrire un précis sur le Satanisme, en se documentant auprès de Carhaix, du docteur de Hermies et de l'astrologue Gevingey et en se renseignant sur le chanoine Docre, qui célèbre des messes sataniques. "La grande question, c'est de consacrer l'hostie et de la destiner à un usage infâme." (p. 84) L'auteur, par les expériences sataniques de Durtal et les récits de ses personnages, n'est pas avare de détails, mais la surenchère sans cesse renouvelée prête à rire. Les hérésies et sacrilèges sont si nombreux et si extrêmes qu'ils dépassent l'horreur pour sombrer dans le grotesque.

Soutenu par son ambition littéraire, Durtal vibre aussi de désir pour Hyacinthe: cette femme qui se veut une "soeur en lassitude"(p. 102), qui lui écrit des épîtres troublantes et sibyllines, désabusées et ardentes, a réveillé "cet élan vers l'informulé, cette projection vers les là-bas qui l'avait récemment soulevé dans l'art; c'était ce besoin d'échapper par une envolée au train-train terrestre." (p. 109) Mme Chantelouve porte bien son nom: elle appelle le mâle telle une louve enragée et se révèle carnassière dans ses amours adultères. Mais Hyacinthe rêve Durtal en incube, en démon qui ne la visiterait et ne la posséderait qu'en esprit. La possession physique abolit pour Durtal la magie qui entourait Hyacinthe: malgré ses travers tentants, elle n'est plus qu'une femme comme les autres, un être de chair dénué de sublime. Après la Messe Noire à laquelle ils assistent ensemble, Durtal n'attend plus rien d'elle et la congédie comme une fille qu'il aurait payée.

J'ai jubilé en lisant les personnages de ce roman citer d'autres personnages et d'autres titres de Huysmans. Cet auteur a en outre le talent unique, que j'avais déjà noté dans À reboursmais qui m'avait bien moins émue, d'extirper du lexique des mots rares et fins, dont la précision exacerbée ne désigne rien d'autre qu'une infime partie de l'univers, mais partie bien plus précieuse que des étendues illimitées. Ses descriptions sont des images en mots. Les déambulations de Durtal dans les ruines du château de Gilles de Rais permettent des évocations constructrices: à chaque pas, Durtal fait se relever les murs tombés, se meubler les pièces pillées et se mouvoir les êtres passés.

La célébration du Moyen Age comme une époque puissante qui véhiculait des valeurs efficientes, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, n'est qu'un portrait en creux négatif de la fin de siècle qui dégoûte Durtal et ses amis. Huysmans se saisit de tous les prétextes pour fustiger une époque qu'il méprise. La petite histoire des cloches qu'il donne à lire par le personnage du sonneur est aussi une célébration des temps passés, au détriment du temps présent: les cloches, " ces auxiliaires magnifiques du culte"(p. 220), incarne la pureté d'une religion que les tiédeurs n'avaient pas encore souillé et que le Satanisme ne faisait pas trembler. Et finalement, l'horreur que l'auteur a de cette époque se justifie plus que jamais puisqu'elle n'a pas su se débarrasser du Satanisme: "Dire que ce siècle de positivistes et d'athées a tout renversé, sauf le Satanisme qu'il n'a pas fait reculer d'un pas."(p. 282) le Satanisme est ce "là-bas" inatteignable, cet univers inaccessible, si désirable et si haï.

Maintenant que j'achève cette lecture qui clôt superbement mon année littéraire 2010, je ne tiens pas d'impatience à l'envie de lire la suite du Cycle de Durtal, avec En route, La cathédrale et l'oblatqui retracent le cheminement littéraire et intérieur de Huysmans vers la conversion religieuse. Si l'écrivain décadent m'avait déplu, le sataniste m'a ravie et j'en espère autant du converti voire du naturaliste!
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Un roman qui ébranle un peu l'esprit.
Huysman a la fougue littéraire, cela se voit encore plus dans cette oeuvre.
Le passage sur les cloches est intéressant (campanologie), je ne savais pas qu'il y avait tant de choses à savoir, qu'elles sont baptisées oui, mais qu'avant elle était fondue avec des bijoux non, maintenant elles sont toutes identiques "sans âmes" comme le dit Huysmans. Chaque cloche avait son timbre.
J'ai sauté quelques lignes sur le passage avec les enfants, trop difficile à lire (satanisme, meurtres, etc.) des pratiques horribles qui ont réellement existait et existent encore..
L'auteur aime lister, il est préférable d'avoir un dictionnaire à portée de main..
J'ai été happé dans le roman, nous avons le temps d'être dans les lieux avec les héros, car il y a beaucoup de détails.
Décidément, je trouve que le XIXe siècle est riche en littérature, mais aussi assez sombre..
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Là-Bas, c'est le temps passé et révolu, celui du Moyen-Age plein d'occultisme et de satanisme. L'époque sanglante où Gilles de Rais égorgeait de jeunes garçons, les violait, les brûlait, s'asseillait dans la tiédeur de leurs intestins fraichement découverts. Là-Bas. C'est le regard en arrière de Durtal, biographe de ce démoniaque Barbe Bleu, célibataire, ennuyé par son siècle, intrigué par le passé reculé. Durtal est un libre penseur taciturne et mélancolique, qui vit presque en hermitte dans le Paris de la fin du XIXème siècle. Il commence un voyage de l'esprit et de la plume, au XVIème siècle, à la rencontre du monstre Gilles de Rais. Fascinant et horrible personnage, il entraîne Durtal dans les tréfonds du Satanisme et des crimes, loin, très loin de sa vie de dandy reclus et sage. Avec des Hermies et Carhaix, ses proches camarades, il se jette à la découverte d'univers qu'il ne soupçonnait pas encore actifs de son temps.

Là-Bas nous propose une vision riche et documentée de l'occultisme, de l'alchimie et de l'astrologie. On découvre aussi le regard acerbe de Huysmans sur son époque. le cynisme et l'amertume de l'auteur jaillissent du récit à travers les réflections de Durtal et la verve de des Hermies. Ce roman à la construction verticale, du matériel au spirituel, de la réalité au surnaturel, est un témoin de ce XIXème siècle, plongé dans le spiritisme et les mystères. Huysmans nous fait voyager. Mais pas physiquement. C'est un voyage de l'esprit qui s'entreprend. L'air sévère, inquiété, fiévreux, on sort de cette histoire sous le choc, imprégné de cette pensée gnostique, de cette lutte de l'âme sur le corps, du tourment mystique de Gille de Rais au rejet de Durtal pour son environnement et ses semblables. Et cette plume, cette façon d'écrire magistrale et recherchée... On n'écrit plus comme ça.

Je ne résiste pas au plaisir de vous laisser là un extrait :

"- Alors, comment espérer en l'avenir, comment s'imaginer qu'ils seront propres, les gosses issus des fétides bourgeois de ce sale temps? Elevés de la sorte, je me demande ce qu'ils feront dans la vie, ceux-là?
- Ils feront, comme leurs pères, comme leurs mères, répondit Durtal ; ils s'empliront les tripes et ils se vidangeront l'âme par le bas-ventre !"

Ah! Tout simplement jouissif.
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LÀ BAS de J.K. HUYSMANS
Durtal discute avec son ami Des Hermies, ce dernier lui reproche son naturalisme »l'immondice de ses idées, d'avoir incarné le matérialisme dans la littérature et d'avoir glorifié la démocratie de l'art ».Durtal de son côté défend le matérialisme mais il est ébranlé par ces discussions et dans ses convictions, de toute façon il s'est lancé dans l'écriture d'une biographie de Gilles de Rais, et il voit bien la stérilité de cette voie à laquelle manque la spiritualité. Dégouté par l'amertume des temps à venir, il songe à la religion qui met du miel sur les plaies, la naïveté de la vie des saints il n'y croit pas mais il est prêt à accepter une part de surnaturel. C'est peut-être parce qu'il abomine son temps qu'il va se plonger en plein moyen âge avec Barbe Bleue, Gilles de Rais! Mais comment faire vivre cette période lointaine alors que Michelet n'avait pu le faire sur des faits bien plus récents?
Tel est le fond du récit que va nous livrer Huysmans, les deux amis vont se voir presque tous les jours et analyser avec l'aide des spécialistes actuels du démon ce qui a bien pu transformer de Rais, homme pieu et craignant Dieu en un barbare sanguinaire prêt à tout pour les secrets de l'alchimie, de la pierre philosophale et la maîtrise du grand oeuvre. Comment un homme qui fût proche de Jeanne d'Arc a t il pu tout abandonner pour dilapider sa fortune et ses biens en s'adonnant au Diable. Et les deux amis vont vite découvrir que le satanisme n'est pas qu'une affaire moyenâgeuse mais qu'il est toujours actif et dans de mystérieux et savoureux rendez vous nocturnes, ils vont assister à de sombres messes noires célébrées par rien de moins qu'un chanoine et apprendre qu'il se passe bien des événements inattendus dans l'enceinte des couvents!
Un livre passionnant, qui nous tient en haleine sous forme de longs dialogues, on sent la passion de Huysmans pour le sujet car il fût, paraît il, passionné d'occultisme.
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Là-Bas- Huysmans
Là-Bas avant de signifier au loin signifiait en dessous désignait les profondeurs celle de l'enfer où séjournent les trépassés.
Là- Bas est une incursion au coeur du mal, et c'est le plus frileux des célibataires, Durtal, porte-parole de Huysmans qui, pour échapper à sa vie morne, se précipite vers la souillure, le péché. Durtal ne va pas cesser de grimper et de descendre la tour de St Sulpice entre supérieur et inférieur sous l'oeil ingénu du sonneur Carhaix. Pas de vie vers le très haut qui ne passe pas vers le très bas Ce livre peut avoir une lecture mystique et philosophique. On peut trouver Huysmans d'une crédulité incroyable mais comme l'écrit St Augustin seule la Grace de Dieu permet la rédemption et la foi et il faut s'y préparer. La théodicée, cette justification d'un Dieu bienveillant malgré le mal, Huysmans va l'expérimenter en plongeant Là-Bas pour pouvoir s'élever. Très Augustinien, Huysmans décrit des hommes, même des hommes de Dieu qui transgressent les lois divines par leur libre arbitre. Dieu n'à rien avoir avec le mal qui est dans l'homme. La conversion de Huysmans au catholicisme est en marche.
Durtal agit en reporter de l'irrationnel. le 19ème siècle est l'âge du spleen et des partances pour soigner l'âme Là-Bas. Huysmans, par son héros Durtal, à un immense dégout pour l'ici de ce siècle qu'il n'aime pas. Ce roman est d'abord une raillerie du positivisme et du naturalisme dominant et un long chemin de l'occultisme au satanisme. On peut lire Là-Bas comme une encyclopédique compilation de l'inexpliqué, de l'étrange, un pot-pourri de diableries, de satanisme. Une autre lecture permet de voir le journal intime d'un homme qui est en route vers le seigneur, le mal étant une étape décisive vers la foi chrétienne. Si le XIXème siècle est marqué par l'opposition du progrès et l'occultisme, ce siècle du positivisme est féru de sciences maudites Rose Croix, Franc- Maçons, magnétiseurs, alchimistes … tous combattent le matérialisme de l'âge industriel prétendant être les dépositaires du savoir originel. le siècle s'enivre de satanisme.
Huysmans a cru naïvement aux incubes ou aux succubes séduits par les pratiques de l'abbé Boulleau. Là-Bas se veut le glissement de la croyance vers la foi, de la superstition vers la religion.
Si étrange que puissent sembler les récits Huysmans en garantie l'absolu vérité. Mais l'homme qui a la foi n'a pas besoin de preuve pour croire. Il croit. Un texte d'une actualité brûlante.
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Une structure à la precision diabolique, l'érudition habituelle de Huymans au service d'une plongée dans le satanisme, l'ésotérisme, longtemps avant le pendule de Foucault d'Umberto Ecco. On assiste aux joutes intellectuelles entre les rebelles de la fin de siècle dont Huymans s'efforce de faire partie. Il se définit contre le naturalisme, expérimente, cherche le salut dans la fange des originaux, des fous. Car Durtal, l'alter-ego, poursuit ses questionnements, tâtonne au gré des rencontres, sans doute sans se rendre compte qu'il donne naissance au mouvement décadent..
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On ne dit plus assez quel immense écrivain était et demeure Joris-Karl Huysmans (1848-1907). La beauté, l'ampleur de son style, sa liberté de ton, l'originalité de ses écrits méritent d'être redécouverts.

Quelle ne fut pas ma surprise de le voir classé dans les écrivains étrangers lors de ma dernière visite dans une grande librairie de Toulouse ! Preuve que ce génial écrivain, bien français est oublié aujourd'hui.

« Là-bas » est un roman, un essai historique et philosophique et s'inscrit dans les préoccupations intemporelles que sont la part du bien et du mal en chaque individu. Questionnements qui ont marqué et la littérature d'Huymans et sa vie puisqu'il perdit puis retrouva la foi.

C'est parce qu'il souhaite construire avec conscience son étude sur le plus grand criminel que notre monde ait connu Gilles de Rais (1405-1440) que Durtal, le héros de « Là-bas » va enquêter sur le satanisme en France en cette fin de XIXeme siècle. Prouvant que le mal loin de s'éteindre avec les infantiles croyances du Moyen-âge, s'est au contraire étendu sur le monde moderne.

Julien Gracq écrivait à propos de Huysmans : » Il est difficile de trouver un écrivain dont le vocabulaire soit plus étendu, plus constamment surprenant, plus vert et en même temps plus exquisément faisandé, plus constamment heureux dans la trouvaille et même dans l'invention » et il avait totalement raison !

On découvre sur le premier tiers du livre qu'un dictionnaire est nécessaire à la compréhension de certains mots qui, oh surprise n'y figurent pas !

On ne dira jamais assez tout ce que la littérature contemporaine doit à Huysmans. Il a à l'évidence inspiré bien des auteurs qui n'ont su retrouver son humour mordant, sa satire habile ou parfois cruelle des salons parisiens, son pessimisme et parfois aussi son sexisme. Etrangement, il semble aussi avoir deviné ce que deviendrait la littérature car voici ce qu'il fait dire à ses protagonistes Durtal et des Hermies :

— Oui, c'est exact ; maintenant les hommes jouent et ne lisent plus ; ce sont les femmes dites du monde qui achètent les livres et déterminent les succès ou les fours ; aussi, est-ce à la dame, comme l'appelait Schopenhauer, à la petite oie, comme je la qualifierais volontiers, que nous sommes redevables de ces écuellées de romans tièdes et mucilagineux qu'on vante !

Ça promet, dans l'avenir, une jolie littérature, car, pour plaire aux femmes, il faut naturellement énoncer, en un style secouru, les idées digérées et toujours chauves.

« du mysticisme exalté au satanisme exaspéré, il n'y a qu'un pas. »

Christian Attard

J'ai eu le plaisir d'enregistrer ce livre pour le site Litteratureaudio.com. Téléchargement MP3 gratuit, sous forme de fichiers séparés ou d'archives groupées ; durée : 12 h 20 min environ.
http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/huysmans-joris-karl-la-bas.html
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