AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gavarneur


Deuxième lecture de Hwang Sok-Yong, qui est décidément un auteur « sérieux », bien différent des coréens plus jeunes que les éditions Picquier nous aident aussi à découvrir. Il a vécu en Corée du Nord et a connu dans sa chair les soubresauts de la guerre et de la dictature. Son Princesse Bari m'avait remué, décrivant les souffrances de l'émigration et de ses trafics, mais avec quelque chose de magique.
Toutes les choses de notre vie, pour les personnages de ce roman, ce sont des objets glanés sur une gigantesque décharge publique, qui fournit le gîte et le couvert à une communauté en marge, victime d'une forme d'apartheid (par l'odeur, entre autres). Aujourd'hui encore dans d'autres parties du monde, et dans un passé proche en Corée, le traitement des ordures se réduit à un entassement, à petite distance des villes, et la survie de familles délaissées passe par l'utilisation de ces déchets, dans des conditions que ce roman nous aide à imaginer.
Ce n'est pourtant pas un ouvrage désespérant. Maître Hwang nous invite à suivre quelques adolescents et leur entourage, leur adaptation à ces conditions de vie démentes, le fonctionnement de cette communauté très organisée. Mais il le fait par le regard de ces jeunes qui malgré la violence, l'alcoolisme, la misère qui les entourent arrivent à rester optimistes, solidaires. Un élément fantastique apporte une vision à la fois nostalgique et qui donne espoir, il n'apparaît pas comme une facilité de l'auteur mais comme un supplément de complexité. L'auteur ne me semble pas donner de leçons, juste porter un regard et laisser chacun réagir. J'ai été plus sensible aux émotions positives et à l'entraide entre ces jeunes qu'à l'horreur objective de leur situation.

La postface des traducteurs est très utile : elle permet au non-coréen de décoder quelques scènes et expressions liées à la période de la dictature (je parle bien de Corée du Sud) qui a suivi la guerre. Mais lisez ce livre plus naïvement, sans tout savoir, laissez-vous remuer par cette communauté et par ces mystères, sans avoir besoin de tout comprendre tout de suite.


PS : quelques notes plus personnelles, en vrac.
Cette lecture m'a incité à réviser ce que signifie Lumpen prolétariat, et les visions différentes de Marx et Bakounine. le mot Lumpen n'est pas dans le roman, Hwang aborde la politique par l'exemple, pas par la théorie, et ce terme n'est d'ailleurs pas forcément approprié. C'est mon amie Nam-Ju qui a qualifié l'auteur de « sérieux », en me confirmant que ses livres ont des gros tirages en Corée. Et je me souviens de cette colline au bord du fleuve Han en aval de Seoul, aujourd'hui lieu de promenade arboré, autrefois empilement des ordures de la ville. Je ne sais plus si je souriais ou si je frémissais à cette évocation ; ce livre m'y fera repenser intensément et avec compassion. Il me rappelle aussi qu'au début des années 2000, même le centre ville était parcouru par des personnes très âgées, le dos cassé, promenant des ballots de papier ou de métal à recycler, probablement pour des sommes ridicules, probablement faute de retraite permettant de vivre. Je pense à elles et à celles qui leur ont sans doute succédé.
Commenter  J’apprécie          535



Ont apprécié cette critique (47)voir plus




{* *}