La vie terrible de Patrick est décrite dans le moindre détail, par des phrases très courtes...et le lecteur devient comme l'objectif d'une caméra.
Peu à peu, le lecteur entre dans l'univers de Patrick, et avec lui, il se retrouve dans sa chambre, avec lui il s'assoie à la table, et il pénètre dans ses visions et ses turbulences du moment. Cette immixtion devient de plus en plus troublante, douloureuse. le lecteur se sent happé du fait de cette écriture saccadée, hâchée qui le précipite dans un destin qu'il pressent funeste.
Comment vivre sans reconnaissance, sans attention, sans contact physique, ...sans amour ?
Patrick comble ses manques par un amour inconsidéré de sa boîte à outils (qui lui permet d'être reconnu professionnellement comme un mécanicien Unique, exceptionnel), par l'alcool, par la recherche de contacts physiques mais combien de fois sentira t-il que les mains se dérobent.....
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De la première à la dernière ligne, l’écriture de M. J. Hyland fait tenir ensemble la tension psychologique, le point de vue de Patrick et celui des autres sur lui, ou en tout cas ce qu’il en comprend, de façon magistrale.
Lire la critique sur le site : Liberation
Je regarde son grand corps endormi sur le dos et j'écoute le gargouillis humide dans sa gorge grasse. Son bras droit pend par-dessus le bord du matelas et ses doigts touchent presque le goulot de la bouteille de whisky vide.
Je suis tout à côté de son lit.
Ian ? Réveille-toi. C'est Patrick.
Il ne bouge pas. Il est plongé dans un épais sommeil d'ivrogne et il continue de ronfler.
Ian ? C'est Patrick. Réveille-toi.
Il dort du paisible sommeil qu'il ne mérite pas.
Je retourne dans ma chambre et m'assieds sur mon lit mais voilà, j'ai une mauvaise soif, la soif brûlante et desséchée d'une fièvre. Je vais au lavabo et je bois deux verres d'eau puis je m'agenouille près de la caisse à outils vide et je la remplis. Quand tout a retrouvé sa place, tout sauf le marteau à panne ronde, je prends la clé à molette et je vais dans sa chambre.
Debout à coté de son lit, j'attends.
Je ne sais pas pourquoi j'attends.
Je le prends par l'épaule et je le secoue.
Il grogne, se tourne sur le côté, semble sur le point de se réveiller. Je recule, fais un pas vers le milieu de la pièce. Mais il ne bouge plus et sa lourde respiration continue à lui tirer la morve du nez.
Je m'avance, je lève la clé dans ma main droite et je l'abats. Une seule fois, un bon coup, assuré, sur sa tempe, pas lourd, et la clé rebondit.
Je recule et je fais passer la clé de ma main droite dans ma main gauche, j'éprouve le poids du manche, le change à nouveau de main, le bouge encore.
Son corps tremble, ses jambes donnent des coups de pieds, d'abord la droite puis la gauche, puis les deux jambes en même temps, comme s'il se débattait pour se dégager du poids des couvertures. Ses yeux sont ouverts, écarquillés, mais il n'y a aucun signe de douleur. Deux convulsions rapides, puis plus rien.
Il ne ronfle plus.
Je retourne dans ma chambre, je mets la clé dans le lavabo et je ferme la fenêtre pour ne pas être réveillé par le bruit de la rue.
Je dors.
Je me réveille le cou et la poitrine couverts de sueur, je me tourne sur le côté, regarde vers la fenêtre. La nuit laissera bientôt place au matin et il y a déjà un ciel bleu sombre.
Les canalisations gémissent dans la rue, je parie que Welkin a laissé ses robinets ouverts.
Et puis je me souviens.
Je me lève, je m'habille et je vais à côté.
Je frappe à la porte, doucement, plusieurs fois, et comme il ne répond pas, j'entre, je vais jusqu'à son lit.
Ses yeux sont ouverts et il y a une odeur de merde dans la pièce et quelque chose a changé. Ils ne bouge pas mais il y a autre chose, quelque chose qui le fait paraître petit dans le lit.
Je mets mon doigt sous son nez. Il n'y a pas de respiration. Je colle mon oreille contre sa bouche ouverte. Pas de respiration et pas de bruit. Je recule. Je continue à reculer jusqu'au deuxième lit puis je m'assieds.
Je ne suis sûr de rien, de rien du tout. Je me lève, je vais jusqu'à lui, je vérifie à nouveau sa respiration, recule, m'assieds, me relève.
Je sors et je reste sur le palier. Ma peau est devenue froide.
Je veux plus de lumière, je veux que le jour se dépêche.
Elle a dit qu'elle me plaquait parce que je ne savais pas exprimer mes émotions. Pour tout dire, je n'en avais pas tant que ça, des émotions. Pour moi, c'était très simple. J'étais amoureux d'elle et j'aimais notre vie, on riait beaucoup et c'était si bon d'être au lit avec elle et qu'elle me touche. J'aimais ce que nous avions.
Une horrible douleur lancinante me bat dans le crâne et j'ai la tête qui tourne et la nausée, un peu comme quand on a le vertige. On a beau n'avoir jamais songé à sauter, lorsque le sol se met à monter vers vous en tourbillonnant, l'impulsion maladive de sauter vous prend.
J'ai tellement mal au coeur d'avoir mal au coeur et je suis tellement fatigué d'être fatigué. Je n'ai même pas d'énergie pour le désespoir. Il ne reste rien.
Il continue de me dévisager. Il a le blanc des yeux jaune avec des traînées rouges, comme des oeufs avec du sang.