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Critique de Bookycooky


Suite à son superbe premier roman inspiré de la vie de sa grand-mère, qui décrivait les dures conditions de vie des paysans tatares déportés massivement au début des années 30, l'écrivaine russe Gouzel Iakhina aborde ici une autre minorité opprimée , les Allemands de la Volga. Une communauté venue peupler la Russie au XVIIIe siècle à l'instigation de l'impératrice Catherine II, et qui subira aussi réquisition, famine et déportation.
Notre protagoniste cette fois-ci est Jacob Bach, un drôle de bonhomme, qui semble s'être échappé d'un conte des frères Grimm. Instituteur dans les années 20, dans le petit village de Gnadenthal, au bord de la Volga, féru de poésie, ne s'exprimant qu'à travers Goethe, Schiller, Heine, et portant une passion sans bornes pour les tempêtes. Une drôle d'invitation va l'immiscer dans une tempête plus foudroyante et imprévue , faisant perdre même aux plus puissants orages sur la Volga tout pouvoir sur lui. Elle s'appelle Klara.....et est la fille d' Udo Grimm 😊, nom prémonitoire au monde des contes dans lequel va bientôt basculer le récit, bien que dans le fond basé sur des faits historiques véridiques ( détaillés dans les « Commentaires » de la fin ). Un monde de contes et légendes où vont se blottir les protagonistes pour fuir les réalités difficiles et douloureuses de l'existence. Mais même isolés ils seront vite rattrapés par la folie du “vaste monde”, où échapper à la dichotomie du Bien et du Mal sera presque impossible.....Une dichotomie où le Mal est aussi directement lié aux faits historiques, dont l'avènement du communisme qu'Iakhina critique virulemment ,”....le monde, dévasté par les éléments en furie, n'en gardait pas moins ses composantes principales – le ciel, le soleil, la terre ferme. Or, à présent, à Gnadenthal, il n'y avait plus ni le premier, ni le deuxième, ni le troisième : le nouveau pouvoir installé à Pétersbourg avait supprimé le ciel, déclaré que le soleil n'existait pas, et remplacé la terre ferme par de l'air...La foi, l'école et la communauté – les trois piliers immuables de la vie de la colonie – avaient été confisquées aux habitants de Gnadenthal.......”

Iakhina est une magicienne des mots, une conteuse sublime qui arrive même à maquiller le pire, l'horreur, muant sa plume en caméra ( l'écrivaine a fait une école de cinéma ), avec de très belles images et descriptions qui redonnent espoir et énergie au lecteur pour la suite. Sublime la scène de billard de Staline, lorsque la nuit tombe et son adversaire allume une lampe électrique...Un monde de réalisme magique où dans la misère totale on arrive à échanger proverbes et dictons contre des verres de lait pour un bébé, à traverser à pied un fleuve gelé alors que la glace craque, à écrire des contes prémonitoires qui redonnent vie et prospérité à un village.....le pouvoir de l'écrit ! Un monde où elle transite non seulement à travers des personnages fictifs mais aussi des vrais personnages historiques, dont Staline ici l'un des personnages du roman, qui permet de ne jamais perdre pied avec la réalité. L'univers ensorcelante d'Iakhina, d'une richesse insondable où on voudrait déchiffrer chaque détail m'interpelle infiniment , un livre que j'ai dévoré le temps d'un rêve éveillé, allongée sur les rives de la Volga 😊!

« ....contes merveilleux....ils sont les clés de ces coeurs enfantins. Enfantins parce qu'ils ne peuvent pas cesser de croire aux contes de fée....Les contes et les légendes-c'est la base ! La base de l'âme , ses fondements qui sont posés dans l'enfance, sue lequel repose toute l'essence humaine. »


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