La littérature américaine n'est pas avare de livres sur la période esclavagiste des États du sud. Pourtant
Laila Ibrahim réussit à renouveler le genre avec un roman émouvant, l'histoire de Lisbeth et Mattie.
Une histoire de lien intense entre une nourrice esclave et l'enfant des maîtres qui lui est confiée. Mattie a à peine 20 ans et un petit garçon âgé de 3 mois, Samuel. Mais la femme du maître de la plantation de tabac va accoucher de son premier enfant et Mattie a été choisie pour être la nourrice. Elle va devoir abandonner son fils pour s'occuper à plein temps de la petite Elisabeth, qu'elle appelle Lisbeth.
Ann, jeune maman elle aussi, a peu de différence d'âge avec la nourrice, et est une maîtresse de maison totalement inexpérimentée qui se montre rapidement incapable de s'occuper de sa fille. Quel décalage entre ces deux femmes, ces deux mondes. Mattie doit apprendre à vivre au rythme de ses maîtres dans leur maison, apprendre à voir ses journées non plus rythmées par la course du soleil mais par le dictat de l'horloge. Et apprendre à aimer cette innocente enfant qui est involontairement la cause de la séparation entre Mattie et son fils.
J'ai dévoré ce roman à l'écriture fluide. On s'attache très vite au personnage de Mattie. J'ai eu de la peine pour elle lorsqu'elle observe de loin la vie de son fils sans elle. J'ai tremblé et eu peur pour elle. J'ai été touchée par la détresse de la petite Lisbeth, rejetée par sa mère naturelle et accueillie dans le coeur d'une étrangère.
L'histoire est centrée sur les personnalités, les sentiments, les émotions de Mattie et Lisbeth, tout en s'inscrivant dans une réalité économique, politique et sociale. Situé dans une plantation de tabac de Virginie, le roman n'occulte pas les enjeux entre le nord abolitionniste et le sud esclavagiste sans vraiment les développer. À la veille de la guerre de sécession, ce qui intéresse l'auteure, c'est le destin de deux femmes liées par un lien plus que filial, et Mattie va transmettre à Lisbeth des valeurs d'humanisme et de justice qui vont influer sur leurs deux vies. L'évolution de Lisbeth lorsqu'elle est en âge de se marier perd un peu en consistance et en crédibilité. La seconde partie du récit perd elle aussi un peu en intensité.
Ce roman n'est reste pas moins une belle histoire pour un beau premier roman.