Je n'avais jamais entendu parler de ce livre, mais la couverture a tout de suite titillé ma curiosité. Elle prend d'ailleurs tout son sens à mesure que l'on pénètre l'intérieur du foyer de
Nora et de son mari Helmer, qui a le don de trouver les surnoms les plus infantilisants possibles pour sa femme. Il faut dire que l'on comprend très rapidement que leur mariage est basé sur la soumission souriante et enjouée d'une
Nora qui incarne la femme-enfant par excellence. Ainsi, Helmer, attendri par son oiseau chantant, veille à ce qu'elle reste bien sagement dans sa cage dorée afin qu'elle égaie le foyer par son doux caractère, alternance de naïveté et de joie enfantine.
Une
Nora qui cache pourtant un secret. Pour aider son mari, elle a contracté, avec une insouciance caractéristique des personnes élevées dans une bulle, une dette auprès d'un homme peu recommandable venu en réclamer le paiement. Un paiement qui n'est pas celui que
Nora pensait ; un paiement qu'elle n'est pas en mesure d'assurer. Elle va pourtant faire de son mieux pour tenir le danger à distance, aidée par le retour d'une amie et puisant dans son imaginaire presque exalté pour détourner son mari de la vérité… Mais si finalement, seule la vérité pouvait la libérer ?
Car cette histoire, c'est bien celle d'un enfermement ! Un enfermement que la victime a accepté – puisque c'était là le destin d'une femme – passant de l'influence d'un père qui l'a façonnée à sa guise aux bras d'un mari qui l'a remodelée selon ses attentes. Mais, et c'est là que j'ai été très agréablement surprise vu l'époque de la publication, c'est également l'histoire d'une émancipation et d'ailes qu'une femme a fini par déployer. Il faut dire qu'alors que
Nora était prête à tous les sacrifices pour le bien de sa maisonnée, elle va réaliser que son mari, qui se targue pourtant d'être noble d'esprit, est loin d'avoir son courage et sa pureté de coeur. Il y a une nette différence entre affirmer posséder des qualités et les démontrer face à l'adversité…
Plus on avance dans la pièce, pris en étau entre le secret de
Nora, le désespoir d'un homme prêt à tout pour conserver sa place dans une société prompte à juger et à exclure, un mari infantilisant et paternaliste fier de sa position sans réaliser ce qu'il doit à sa femme, un admirateur… plus la pression monte, nous faisant ressentir une certaine angoisse. Un peu comme si on était dans l'expectative du pire en espérant, sans trop y croire, une douce résolution permettant à
Nora de retrouver une certaine sérénité sans y laisser (trop) de plumes.
Je dois avouer que la fin m'a surprise, n'ayant absolument pas lu le résumé et n'ayant donc absolument pas anticipé le revirement de situation, et la prise de position audacieuse de l'auteur, qui nous offre ici une pièce féministe et en avance sur son temps. Une pièce qui évoque le rôle de la femme dans la société, un rôle imposé, un rôle de dévouement au mari et aux enfants, mais un rôle qu'il est possible de rejeter. Il est question ici de destin que l'on choisit après des années à se l'être vu imposé. Un point m'a chagrinée, ayant tendance à considérer que certaines responsabilités ne peuvent s'effacer parce qu'on le décide, mais j'ai aimé la prise de conscience de
Nora, et encore plus qu'elle prenne les mesures qui s'imposent.
Alors que durant une bonne partie de la pièce, elle semble pétrie de naïveté, parfois un peu niaise par sa manière de considérer la situation, elle nous surprend et nous dévoile une force de caractère et une détermination insoupçonnées. Sa décision irrévocable que j'ai comprise, pas totalement approuvée, nous prouve qu'un oiseau peut décider d'arrêter de chanter pour les autres afin de trouver sa propre mélodie ! le message est puissant et se pare d'une belle aura de modernité à une époque où une femme était encore définie par son sexe, son statut d'épouse et de mère.
Quant à la partie audio, de nouveau Audible propose une adaptation qui convainc et permet d'effacer la barrière de la narration pour vivre tous les événements de l'intérieur. Au gré des modulations de voix, j'ai eu l'impression de voir
Nora virevolter au sein de sa maisonnée, et de découvrir sur un visage, que j'ai imaginé avenant, les traces de l'inquiétude au gré des imprévus et autres tracas. Mon seul petit regret est la manière dont est à chaque échange énoncé le nom du protagoniste. Bien inutile et surtout exaspérant, ces informations ayant leur place à l'écrit, pas vraiment à l'oral…
En conclusion,
Une maison de poupée de
Henrik Ibsen est l'une de mes plus belles découvertes de ce début d'année. D'une incroyable modernité, cette pièce de 1879 nous propose une histoire d'émancipation féminine à travers l'histoire d'une femme-enfant qui décide de (re)déployer ses ailes. Dans une atmosphère alternant entre légèreté et tension, l'auteur captive avant de surprendre par une fin audacieuse qui rappelle la force de la détermination et le droit de chacun à choisir son destin !
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