Le titre m'avait beaucoup plu aussi me suis-je laissée tenter par la lecture. «
Je reviendrai avec la pluie » de
Takuji Ichikawa est un roman sur le deuil d'un être cher, sur le quotidien que l'on doit vivre sans lui, sur la difficulté à vivre sans lui.
Takumi est un jeune veuf, un homme qui a toujours été timide, replié sur lui-même, qui a peur des transports en commun, des voitures, il n'a donc pas le permis, et qui se déplace à pied ou à vélo. Depuis qu'il est veuf, il doit se débrouiller seul avec son jeune fils, Yûji, et ce n'est guère facile car, avant Mio organisait tout, l'air de rien, pour que le quotidien de ses deux hommes soient sans heurt. Takumi tient bon car Mio lui a fait une promesse au moment de passer de l'autre côté, elle lui a promis de revenir avec la pluie pour voir comment il se débrouille. Alors, il ne craque pas malgré les lessives en retard, la cuisine sans dessus-dessous, les vêtements décorés par les traces des repas, les cheveux non coupés, les vêtements pas assortis. Il veut revoir Mio, son unique amour.
Yûji et Takumi se rendent en forêt, près d'une usine désaffectée, lieu habituel des promenades avec Mio. le petit garçon n'a pas perdu l'habitude de chercher des vis et boulons pour sa collection, il recherche l'objet rare avec persévérance. Il n'oublie pas de déposer une lettre, chaque dimanche, dans la vieille boîte aux lettres, pour sa mère qui vit dans un pays appelé, par Takumi, Archivie où les disparus vivent tant qu'on se souvient d'eux. On ne sait pas s'il se rend compte que sa mère est morte, il est distrait, il dit souvent « Vraiment ? » ou encore « Hmmm ».
Au début de la saison des pluies, Mio revient, ils la rencontrent près de l'ancienne usine. Tout naturellement, ils reprennent leur vie d'avant. Cependant, ils sont prudents car pour les voisins et proches, Mio n'est plus de ce monde. Seul, le vieil homme, surnommé
Le Professeur, qui promène son chien muet dans le parc sait que Mio est de retour et n'en est pas étonné, comme si Mio, qui discutait très souvent avec lui, le lui avait confié avant son départ.
Pendant six semaines Mio et Takumi, dit Tak-Kun, se redécouvrent, parce que Mio, à Archivie a perdu une partie de ses souvenirs. Tous les trois se réapprennent, Mio et Takumi se relatent, la nuit, leurs souvenirs d'enfance et d'adolescence, comment ils se sont plu sans se le dire, combien leur attirance a mis du temps à s'avouer, comment ils se sont aimés avec amour et tendresse infinie. Ils retombent amoureux l'un de l'autre.
Mio apprend à son fils et son mari à tenir une maison, à cuisiner sainement, à harmoniser les couleurs des vêtements, à ranger, à faire le ménage, à se nettoyer les oreilles régulièrement, à réaliser les petits riens du quotidien afin de pouvoir partir, définitivement, l'esprit tranquille.
Il y a des moments poétiques, des moments de grande émotion et une pointe de fantastique avec le retour du fantôme de Mio. Cependant, j'ai trouvé que l'auteur forçait le trait lorsqu'il fait dire à Mio que Tak-Kun ou Yûji « Tu es une personne merveilleuse », « Aies confiance en toi », « Tu vas à fond », ces petites phrases telle une antienne mille fois entendue, ternissent l'histoire avec leur côté développement personnel. Pourtant, ce qui m'avait agacée chez
Marc Levy, dans les deux seuls romans que j'ai lus, ne m'a pas fait hurler ici. Sans doute parce que je sais qu'au Japon, la bienveillance envers les enfants est sacrée, que les adultes font tout pour que les petits grandissent dans la confiance, dans la sécurité et avec tous les encouragements du monde lorsqu'ils réalisent des progrès vers l'autonomie. L'auteur parvient à éviter les écueils de la mièvrerie, même si le franchissement de la ligne est proche, et du ridicule. A petits pas japonais, l'équilibre est rétabli avec grâce. L'auteur a pris un risque, c'est évident, avec son roman d'amour qui aurait peu être aussi pénible qu'un Harlequin. C'est, au final, ce qui fait tout son charme : la guimauve est, certes, présente mais elle ne dégouline pas du tout. Tout est en délicatesse et suavité.
«
Je reviendrai avec la pluie » de
Takuji Ichikawa est un roman d'une immense sensibilté, imprégné de poésie et de tendresse, doté des personnages attachants.
Roman traduit du japonais par
Mathilde Tamae-Bouhon
Lien :
https://chatperlitpopette.wo..