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Critique de Eejil9


Dans un univers où cohabitent plusieurs peuples, les Humains et les Neltiads (race proche des humains ayant pour traits caractéristiques des yeux violets et des marques noires sur les bras) se font la guerre. Fait étonnant, tous les peuples de ce monde révèrent les mêmes dieux, associés aux quatre éléments, et enfants de la déesse mère Dorina.
Diphtil, jeune Neltiade aux traits particuliers (elle porte une marque sur le front au lieu de la porter sur les bras), voit son village attaqué alors qu'elle est encore enfant. Elle tente de fuir avec son frère cadet Naid, mais ils sont séparés. Elle le perd et se perd, demandant finalement asile dans l'église d'une ville, Myrtis. le prêtre de ce lieu, le père Sarïn, la repousse d'abord violemment avant de remarquer le symbole sur son front. Il reconnait alors en elle la cinquième déesse annoncée par une ancienne prophétie, et l'accueille dans son monastère. Recluse, elle fait la connaissance d'Astiran, l'apprenti forgeron du village, qui devient son seul ami.
A l'aube de l'âge adulte, elle est retrouvée par son frère Naid, devenu guerrier. Ce dernier lui révèle les funestes intentions de Sarïn à son égard : il ne la protégeait que pour permettre au roi des humains de prendre parti de ses pouvoirs de déesse. Accompagnés d'Astiran, ils fuient à travers le pays.


La première partie du premier tome des Chroniques des Fleurs d'Opale révèle une saga de fantasy de facture assez classique (héroïne aux pouvoirs étranges, prophétie mystérieuse et fuite épique à travers un univers dépaysant). Cependant, cette première partie témoigne aussi d'incroyables qualités : il s'agit certes d'un roman de fantasy très classique, mais il est aussi extrêmement bien exécuté. La gestion du rythme et de l'intrigue est assez incroyable, impossible ou presque de lâcher le roman avant de l'avoir fini. Les personnages sont très profonds, construits et intéressants, et l'univers est d'une complexité à couper le souffle. Je pense par exemple à la vision de la religion, qui s'apparente aux monothéismes occidentaux dans son organisation (prêtre, église, nones...), mais est en réalité un polythéisme qui révère les éléments.

Le style marque originalité, force et faiblesse... Je sais, ce n'est pas très logique, mais je m'explique : le style est original, et c'est une force. La narration se fait à la première personne, derrière la voix d'une Diphtil adulte qui raconte ses aventures à sa fille. Or, Diphtil a reçu une éducation noble, dans un monastère... Elle parle donc d'une manière très complexe et châtiée. C'est original, et ça rend le roman unique en son genre. Cependant, quand je dis châtiée, je devrais dire précieuse. Parce que oui, Diphtil parle comme une précieuse. Elle a des tournures substantives qui me font penser à Marivaux (et j'étudie Marivaux), où des objets inanimés deviennent sujets d'actions par effet de style. Je pense par exemple à « et j'affichai des yeux implorants (...) Il hésita à croiser leur regard ». le regard des yeux, ça fait un peu beaucoup, et c'est pour ça que je qualifie la manière de parler de Diphtil de précieuse.
C'est une force parce que je ne pense pas qu'on trouve beaucoup de romans de fantasy rédigés comme des romans précieux, et puis ça apporte une complexité et une poésie appréciable. C'est une faiblesse à double titre. Déjà, la complexité de certaines tournures implique, de ci de là (même si ça reste très rare, soyons honnêtes), des maladresses un peu gênantes, comme des verbes qui ne sont pas utilisés avec le bon pronom, ou alors utilisés de manière intransitive alors qu'ils sont transitifs par exemple. Il y a aussi des endroits où le sens des mots est un peu détourné, et d'autres où un mot est utilisé à la place d'un autre (« à l'accoutumance » à la place de « à l'accoutumée » par exemple).
D'un côté, l'oeil de lynx que je suis relève tout ça, et en me lisant, on pourrait croire que le style et mauvais ce qui est très loin d'être le cas. D'abord parce que les maladresses restent peu nombreuses, et surtout, parce que l'étrangeté de l'expression, dans son ensemble, crée un climat dépaysant qui m'a beaucoup plu.

J'avais annoncé une faiblesse à double titre, le deuxième aspect est un peu capilotracté (en tant que faiblesse, pas dans le roman. Enfin ça veut dire que c'est moi qui tourne du chapeau, pas Ielenna. Ce que je raconte n'est pas clair du tout, désolée...). En fait, Diphtil parle comme une précieuse, et, au fil de l'histoire, j'ai commencé à ne plus supporter Diphtil. C'est un personnage plein de candeur et d'innocence, chaste, pur et prude, un peu victime... Et elle a vite commencé à me taper sur le système. J'ai vite rejoint le fanclub de Yasalyn, qui rejoint nos trois compagnons en cours de périple, et est une guerrière à la langue bien pendue qui rabroue Diphtil tout le temps parce que... Bon sang Diphtil mais faut se réveiller hein ! Faire les vierges effarouchées ça va bien deux minutes ! Donc voilà, comme Diphtil m'agace sa manière de parler m'agace, au bout d'un moment j'avais envie de la secouer un peu... Preuve que j'étais à fond dans le roman.

En fait, à part Diphtil, j'ai aimé tous les personnages sans exception (c'est faux j'aime cette brave Diphtil aussi, elle m'énerve juste un peu), avec une nette préférence pour les durs à cuire de première, Naid et Yasalyn, parce que j'aime bien les guerriers qui foncent dans le tas.
Pour ce qui est du reste de l'intrigue, je ne vais pas trop en révéler pour ne pas spoiler, mais j'ai apprécié la manière qu'a Ielenna d'être très directe et cohérente par rapport à son univers. Sans en faire trop, comme dans certaines sagas où il y a moult meurtres et viols à chaque page, elle ne sourcille pas quand il s'agit d'en faire baver à ses personnages, et c'est bien !


En résumé, un premier tome assez classique au niveau de sa structure, mais avec une intrigue et un univers extrêmement bien construits, des personnages complexes et intéressants, et un style à double tranchant, car il est extrêmement original mais un tout petit peu bancal par moments (je sais qu'il y a déjà eu une relecture très attentive, mais peut-être faudrait-il être plus attentif encore).
Cela dit, la plus grande qualité de ce roman est la gestion du rythme, entre pauses et voyages, révélations et suspense, amour et aventure, humour et tragique... C'est un roman monde dans lequel on trouve chaque aspect de la vie, en plus grand, en plus beau. C'est sans doute pour ça que je l'ai dévoré et c'est sans doute pour ça aussi que je vais acheter la deuxième partie en e-book pour la lire plus vite, et en édition papier parce que ce sont des objets absolument magnifiques. D'ailleurs, je n'en ai pas parlé, mais l'objet-livre des Chroniques des Fleurs d'Opales est absolument magnifique, sublime, incroyable ! La couverture est OUF les pages sont belles, la typo est géniale... C'est un vrai petit bijou que je suis plus qu'heureuse d'avoir dans ma bibliothèque !
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