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Antoine Volodine (Traducteur)Dominique Petit (Traducteur)
EAN : 9782020638913
192 pages
Seuil (28/08/2004)
3.8/5   71 notes
Résumé :
Que faire de la jambe que la paysanne Krotova a coupée à son mari un soir de dispute bien arrosé ? Comment utiliser une machine à laver sans évacuation d'eau ? Les questions auxquelles se confrontent les personnages d'Ikonnikov sont toujours inattendues... et hilarantes.
Avec un sens aigu de la satire, il nous offre dans ces nouvelles un tableau saisissant de la Russie contemporaine, plein d'humour, de tendresse... et de vodka !
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Vous rêviez de vous promener le long des canaux de Saint-Pétersbourg, de vous perdre dans les rues tentaculaires de Moscou, de découvrir enfin cette Russie éternelle qui vous charme tant avec ces églises aux pommettes saillantes et ces filles aux dômes dorés… Mais vous vous êtes trompé de correspondance, vous avez suivi Ikonnikov, et vous voilà au coeur de la Russie profonde, ou plutôt au coeur de la Russie tout court, une espèce de Groland à la sauce slave. Ces nouvelles livrent un constat nihiliste d'une cruelle drôlerie. Les histoires sont à la fois sinistres et cocasses. Il est par exemple question d'un pope poursuivi pour le vol du toit en tôle d'un silo destiné à la réfection de son église. L'affaire se règle à l'amiable autour d'un déjeuner, en plein Carême, le directeur du sovkhoze se voit offrir des cérémonies, le milicien repart avec une liasse de roubles. Au fond de leurs trous à rats, de leurs villages perdus, de leurs appartements exigus, les Russes volent, flemmassent, se saoulent et montent toutes sortes de combines. C'est un bordel général auquel tous participent : hommes politiques, miliciens, soldats, paysans, ingénieurs, retraités, prostituées, etc. J'ai retrouvé dans ces textes la « folie ordinaire » évoquée par Bukowski. La limite qui sépare l'absurde de la démence est aussi fine que la cloison d'un kommunalka. le recueil n'est que le miroir ricanant, à peine déformant, d'un pays engoncé dans un bourbier géographique mais surtout moral. Alexandre Evguenievitch Ikonnikov nous livre l'âme russe, nue sur un plateau : « En fait, la prétendue âme russe se réduit à quatre composantes: la croix russe, la langue, la vodka et le bonheur dans la souffrance. » Ce recueil drolatique se lit rapidement. C'est un moment de lecture agréable que vous oublierez très vite.
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Ca se passe dans la Russie profonde. Des scènes de la vie de tous les jours. Tragicomiques, grotesques, absurdes. Pas de sentimentalisme ni de jugement moral. C'est court et ça va droit au but. J'en ris, mais c'est souvent le rire du désespoir. Coup de coeur, malgré la qualité inégale des nouvelles. Par exemple La Tsigane, quel navet.

Extraits de la nouvelle La Ruelle Verte
Au cours des quinze années précédentes, les habitants du village de Riabovo s'étaient régulièrement cassé bras, jambes, cou et mâchoire. Cela se produisait la plupart du temps dans la Ruelle Verte et généralement la nuit. Sur l'un des côtés de la Ruelle Verte s'élevait la gigantesque clôture en plaques de béton de la scierie, de l'autre côté se trouvait un profond fossé qui gagnait du terrain d'année en année. Dans la journée, à condition de s'accrocher à la clôture, on pouvait encore traverser sans encombre la Ruelle Verte, mais la nuit on courait le risque de tomber dans le fossé. Personne n'y échappait : qu'on soit à jeun ou ivre, jeune ou vieux, du cru ou de passage. Seul Patapov le facteur n'y était jamais tombé, mais cela tenait à sa longue expérience professionnelle.

Durant quinze ans, les habitants de Riabovo avaient assailli l'administration du village – d'abord le premier secrétaire du Parti, puis le maire fraîchement élu - de leurs lettres furieuses et courroucées, les prient de faire abattre la clôture ou tout au moins d'installer un réverbère.
Ce qui fut fait […]

La lumière bleutée a fait naître une sorte de fierté tout en suscitant bien des rêves. « Qui sait, pensaient les habitants de Riabovo, dans vingt ou trente ans, notre village sera peut-être une ville, et il n'y aura pas seulement un réverbère dans la Ruelle Verte, mais des centaines dans toutes les rues anciennes et nouvelles de Riabovo… Mais Riabovo ne serait pas un nom très adapté à une pareille ville. Une ville ne peut pas s'appeler ainsi. Peut-être la nommerait-on alors Riabovsk… »

Mais en ce monde, rien n'est éternel. L'automne dernier, à la suite d'une violente averse, le bas-côté de la Ruelle Verte s'est effondré, entraînant dans la chute les bancs et les plaques de béton qui clôturaient la scierie.
Aujourd'hui, les habitants de Riabovo doivent faire un long détour par la Ruelle des Jardins. »p106
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« Plus il y a de souffrances, plus il y a d'humour » (entretien avec Alexandre Ikonnikov)


C'est un livre avec des histoires, plein de petites histoires qui finissent par donner une vue d'ensemble, sensible et drôle.
Édité en Allemagne sous le titre de « Taïga Blues » évoquant mélancolie et absurde.
En France, sous le titre « Dernières nouvelles du Bourbier » avec, donc, une couleur plus satirique.
Mais il ne faut pas toujours regarder ce que le doigt vous montre !
De l'ironie il y en a :
Sous la rubrique "Temps Modernes", des textes sarcastiques montrent les Russes face à la société de consommation et au post soviétisme. le médecin urgentiste abandonne l'hôpital pour devenir gardien de supermarché. Faute d'évacuation, le superbe lave-linge qu'achète le kolkhozien Valentin ne peut être mis en service et sa femme continue de faire la lessive à la rivière.
A ce thème moderniste s'oppose celui du "Village éternel" des paysans roublards. Ici, du moujik au directeur du kolkhoze, tous pensent prioritairement à la vodka. « La fête de la Moisson se prolongea ainsi jusqu'aux premières gelées…»
Un aperçu de la Russie profonde, dérisoire, drôle et touchante où « l'âme russe » est ivre mais souvent bienveillante.
Le régime soviétique n'est pas plus critiqué que la Russie libérale. Les hommes ne semblent pas plus heureux dans l'une ou l'autre société.
Lorsque le propos devient moins politique et plus humain, la tristesse prend le relais du rire.
Mais, malgré la difficulté à vivre, malgré le manque même de sens, le rire cède peu de terrain.
Les derniers textes invitent à relire les premiers et l'ensemble sous l'angle du rire, du tragique et de l'absurde, de la tendresse et la brutalité, la dureté et l'émotion.
Rire et larmes de Gogol et drôlerie incisive de Tchekhov : au XXI° siècle bien sûr.

Pour ceux qui s'intéressent à la littérature russe contemporaine : quelques remarques.
Ces textes ont été écrits dans les années 2002/2004.
Malgré mes recherches ( y compris sur 'Yandex ', le Google russe) : aucune nouvelle de cet écrivain
depuis 2008.
Il était alors employé d'une société de création et promotion de sites Internet : viatka.net.et déclarait :
« Ce que dit Putik( ?), tout le monde est immédiatement d'accord, et personne ne fait rien. Une sorte de retour à l'URSS : armes à feu et missiles, anciennes méthodes de consolidation du pouvoir par la création d'influences extérieures et ennemis internes... Drôle et amusant ! « . « Goethe l'a bien dit : il n'est pas nécessaire de parcourir le monde pour comprendre que le ciel est bleu partout »
A rapprocher d'un autre écrivain russe de la même génération : Vladimir Kaminer, (né en 1967), à la trajectoire différente : réfugié en Allemagne depuis 1990 et qui écrit en allemand : cf. son blog : https://www.wladimirkaminer.de/blog
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Il y a quelques années, j'ai eu ma période "littérature russe".
Cela a commencé par Guerre et Paix (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! :) puis par la découverte de Dostoïevski et son Idiot ou les frères Karamazov.
De belle lecture, assurément mais j'avais aussi envie d'avoir une vision de la Russie plus contemporaine.

Après quelques recherches, me voilà en train de lire Dernières nouvelles du bourbier d'Alexandre Ikonnikov. Un livre qui regroupe plusieurs petites nouvelles.
J'en gardai un bon souvenir, me rappelant qu'il m'avait touché en me décrivant une société conservationniste, presque archaïque, prétextant tout et n'importe quoi pour se bourrer mais peut-être, avant tout, pour oublier dans quel bourbier ils ont les pieds.
Une société regroupant des êtres attachants, drôles, absurdes, créant des situations grotesques.

Dernières nouvelles du bourbier, c'est aussi des moments doux, émouvants presque poétiques avec peu de chose, ce qui rend le travail d'écriture de l'auteur encore plus savoureux.

Pour écrire cette critique, je me suis replongée dans sa lecture.
Le goût ne fût malheureusement pas le même car je fus moins sensible à cette absurdité ambiante au point parfois de me sentir un peu à côté, ratant le "sens" des chutes.

Néanmoins malgré cette re-lecture un peu moins enthousiasme que la première, je reste convaincue par ses qualités et lui laisse donc les 4 étoiles que j'avais mis de ma première lecture.
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Ces nouvelles d'un jeune écrivain russe né en 1974 et qui n'a guère connu l'Union Soviétique d'avant 1989, laissent la curieuse impression qu'en Russie les gens sont tous plus ou moins alcooliques, voleurs et fraudeurs, fainéants ou tire au flanc. A travers de courts tableaux dont beaucoup n'excèdent pas trois pages, regroupés par thèmes (Russie, grande Russie, Voisins, voisins, Village éternel, etc.), sont évoqués avec une dérision désabusée le non sens et l'absurdité du fonctionnement d'un pays encore marqué par les pesanteurs du système soviétique, mais ou le « libéralisme » n'a fait naître que des profiteurs. Mais la tendresse pour ses concitoyens perce aussi sous la satire…
A lire pour mieux imaginer les transitions difficiles d'un système politique imparfait à un autre qui ne l'est pas moins, et pour l'ironie de la narration.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
L’optimisme russe est impressionnant. Dans la misère à laquelle ils font face, ils restent debout. À moins que ce soit le faite de n’avoir le choix qu’ils continuent, tel l’ordre 227. On ne peut recommencer mais on peut essayer que l’avenir nous soit mieux. . . Si les uns arrêtent aussi de nous saboter l’existence, et les autres nous épauler. Munis-toi de patience petit peuple, car un jour viendra… ou tu sortiras de ce bourbier

La vodka, un vice qui une fois en bouche, coule et coule sans étancher la soif. Ceci étant légal, mais ravage la population. Et quand elle vient à manquer il ne leur vient pas à l’esprit de s’arrêter. Un poison qui rend esclave, et fait office de salaire. Nous petits français ne sommes pas mieux à nous vanter de nos soirées alcoolisées passant 2 - 3 jours sans dessaouler, quand certain Russe, c’est leur quotidien.


Un livre mélodieux de plusieurs très courtes histoires sur l’âme du citoyen Russe. Un mélange de mélancolie, de solitude, de pauvreté, contrastant à des joies simples, de chaleureux contact, de riche partage… le tout distillé dans de la vodka de ce pays froid.
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- Léna, il est temps que tu te maries, lui conseillons-nous.
- Vous m'avez dégoté un vieux riche ?
- Pourquoi un vieux riche ? Y a rien de plus ennuyeux !
- Dîtes pas ça. Un bon mari, c'est comme un coffre au trésor : suffit pas de le trouver, faut encore l'enterrer.
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Kostia ne nous comprend pas, parce qu'il ignore que nous avons déjà répondu depuis longtemps à la question : quel est le sens de la vie ? Réponse : boire du thé sur le balcon et fumer, c'est à dire être ensemble. Nous sommes très, très sûrs d'une chose : nous n'emporterons rien avec nous dans notre cercueil. Iouri Vassilievich dit que c'est une phrase banale. Stepan et moi, nous pensons le contraire. Nous avons même un slogan : Ne crains pas d'être banal, c'est la vie qui l'est, banale.
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Par un beau soir glacial de février, la vachère Krotova, sous l'emprise de la boisson, se disputa avec son mari, s'empara d'une hache pour fendre les bûches et lui coupa une jambe. Le coup fut si puissant que l'os fut sectionné net, et que le médecin des urgences eut seulement à finir de détacher la peau qui restait. On emmena le mari à l'hôpital, on conduisit la femme au poste, et tous se préparaient à quitter les lieux quand soudain quelqu'un demanda:
- Et la jambe, qu'est-ce qu'on en fait?
Tous regardèrent le membre ensanglanté puis le capitaine de la milice.
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Lorsque les fonctionnaires du Parti ont fait construire ces immeubles gris de cinq étages, tous identiques, ils ont veillé à ce que les citoyens russes puissent vivre âme contre âme - tantôt ton voisin se glisse dans ton âme, tantôt c'est toi qui te glisses dans la sienne.
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