La vérité est que le dépistage précoce transforme des gens qui se sentent bien portants en patients anxieux.
Le niveau de santé ne s'améliore plus, alors qu'augmentent les dépenses médicales : il faut donc conclure soit à l'inefficacité globale croissante de l'entreprise médicale, soit que la société devient rapidement plus malsaine.
La douleur donnait autrefois naissance à une réponse culturelle permettant aux hommes de faire face à la réalité chaque fois que celle-ci se présentait comme une barrière à leur volonté d'action. Désormais, la douleur est transformée en problème d'économie politique, ce qui donne naissance à un processus en boule de neige : l'individu a appris à se percevoir comme "consommateur d'anesthésies" et se lance à la recherche de traitements qui lui procurent une insensibilité, une inconscience, une aboulie ou une apathie artificiellement provoquées.
Un appareil technique imposant allié à une bureaucratie médicale "égalitaire" a créé l'illusion dangereuse d'une corrélation "naturelle" entre l'intensité de l'acte médical et la fréquence des guérisons. Cette hypothèse, qui fonde pourtant la pratique médicale contemporaine, n'a jamais été prouvée scientifiquement.
L’invasion médicale ne connait pas de bornes.
Avec la transformation du médecin artisan exerçant son habileté sur des individus connus personnellement en médecin technicien appliquant des règles scientifiques à des catégories de malades, les malfaçons ont acquis un nouveau statut, anonyme et presque respectable.
Ce qui, jadis, était considéré comme un abus de confiance et une faute morale peut désormais être rationalisé sous la forme d’une panne occasionnelle de l’équipement ou de ses opérateurs.
Dans un hôpital où la technique est complexe, la négligence devient erreur humaine « aléatoire », l’insensibilité, « détachement scientifique » et l’incompétence, « manque d’équipements spécialisés ».
La dépersonnalisation du diagnostic et de la thérapeutique a fait passer les malfaçons du domaine éthique au rang de problème technique.
L’entreprise médicale menace la santé.
Plus les gens pensent avoir besoin d’être soignés, et moins ils se révoltent contre la croissance industrielle.
L’idée qu’un homme sain est capable de disposer de sa vie, et en particulier de l’achever sans avoir recours à l’Église ou à l’hôpital, semble une idée scandaleuse à la plupart des avocats de l’euthanasie
Aujourd’hui, il est devenu extrêmement difficile de reconnaître que la capacité de souffrir peut constituer un signe de bonne santé