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EAN : 9782020042512
Seuil (01/10/1975)
3.9/5   36 notes
Résumé :
Ce texte a une histoire. Une première rédaction en français, établie avec l'aide de Luce Giard et de Vincent Bardet, parut dans le Monde en trois livraisons (mai 1973). Développée et remaniée, elle fut l'objet d'une première édition. Sur cette trame, complétée et enrichie de travaux conduits au Cidoc de Cuernavaca, fut établie une version anglaise plus longue et plus détaillée qui engendra ensuite, par le même processus, une nouvelle version en allemand.

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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
On n'ignore plus les ordres de grandeurs énergétiques liés aux contraintes environnementales. Je pense que c'était déjà le cas dans les années 70. On se garde pourtant bien de rattacher l'empreinte environnementale individuelle à des problématiques purement sociales. Ce polémiste oublié de la plèbe, mais pas de ceux qui considèrent sérieusement la question, nous a pourtant prévenu de la vacuité de la planification écologique orientée uniquement vers le "milieu", c'est-à-dire lorsqu'elle a choisie d'ignorer le rôle destructeur des hauts niveaux d'énergie sur la matrice même de la société et de la civilisation.

Personne il me semble n'a si bien mis en évidence, dans une démonstration difficile à contrer, à quel point les effets de l'automobile qui tombent pourtant sous le sens sont ignorés de la manière la plus trompeuse - le moyen joue encore une fois contre la fin -.

"elle s'enfonce comme un coin dans le coeur de la ville et sépare les anciens voisins. La route fait reculer les champs hors de portée du paysan mexicains qui voudrait s'y rendre à pied. Au Brésil, l'ambulance fait reculer le cabinet du médecin au-delà de la courte distance sur laquelle on peut porter un enfant malade. A New York, le médecin ne fait plus de visite à domicile, car la voiture a fait de l'hôpital le seul lieu où il convienne d'être malade. Dés que les poids lourds atteignent un village élevé des Andes, une partie du marché local disparaît."

Voilà bien l'effet du monopole radical de la vitesse. La démonstration est cinglante et implacable. Chaque accélération induit à l'habitant une distance toujours plus importante dans ses deplacements, entre son lieu de vie et son activité professionnelle qui est par là même déportée et re-concentrée sous l'effet de la vitesse. Il vient ensuite une impossibilité croissante de se deplacer aussi simplement qu'autrefois du fait de l'autoroute qui lui barre le passage. Enfin, par l'effet de tout ceci, il est imposé au pauvre un outil des plus couteux qu'il a maintenant l'obligation de posséder. Les plus riches ne sont réelement riche que de leur dépendance à l'outil, les pays pauvres en restent à jamais frustrés.


"S'il exerce une activité professionnelle, l'Américain moyen dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres ; cela représente à peine 6 km/h. Dans un pays dépourvu d'industrie de la circulation, les gens atteignent la même vitesse, mais ils vont où ils veulent à pied, en y consacrant non plus 28 %, mais seulement de 3% à 8%"

On ressort bien dépité que ces faits élémentaires ne suscite que fort peu d'indignations alors que les subventions publiques et privées continuent d'arroser le financement d'outils mis "hors sol" de leur finalité, et persistants parfois dans leur version électrifiée, simple relooking laissant inchangée la structure même de l'escroquerie fondamentale sous-jacente - et toujours au bénéfice de quoi, de qui et dans quel but ?

Sûrement un des textes le plus important de l'auteur, un manifeste de haute volée, au langage soigné, qui ne se réduit pas à un brûlot moralisateur sur la vitesse, mais qui poste bien la règle du "savoir ce qui est assez" comme la racine de toute vision réellement et simplement humaniste au-delà des discours écologistes creux.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
L'industrie du transport façonne son produit : l'usage. Chassé du monde où les personnes sont douées d'autonomie, il a aussi perdu l'impression de se trouver au centre du monde. Il a conscience de manque de plus en plus de temps, bien qu'il utilise chaque jour la voiture, le train, l'autobus, le métro et l'ascenseur, le tout pour franchir en moyenne trente kilomètres, souvent dans un rayon de moins de dix kilomètres. Le sol se dérobe sous ses pieds, il est cloué à la roue. Qu'il prenne le métro ou l'avion, il a toujours le sentiment d'avancer moins vite ou moins bien que les autres et il est jaloux des raccourcis qu'empruntent les privilégiés pour échapper à l'exaspération créée par la circulation. Enchaîné à l'horaire de son train de banlieue, il rêve d'avoir une auto. Épuisé par les embouteillages aux heures de pointe, il envie le riche qui se déplace à contre-sens. Il paie sa voiture de sa poche, mais il sait trop bien que le PDG utilise les voitures de l'entreprise, fait passer son essence dans les frais généraux ou se fait louer une voiture sans bourse délier. L'usager se trouve tout au bas de l'échelle où sans cesse augmentent l'inégalité, le manque de temps et sa propre impuissance, mais pour y mettre fin il s'accroche à l'espoir fou d'obtenir plus de la même chose : une circulation améliorée par des transports plus rapides. Il réclame des améliorations techniques des véhicules, des voies de circulation et des horaires ; ou bien il appelle de ses vœux une révolution qui organise des transports publics rapides en nationalisant les moyens de transport. Jamais il ne calcule le prix qu'il lui en coûtera pour être ainsi véhiculé dans un avenir meilleur. Il oublie que de toute accélération supplémentaire il payera lui-même la facture, sous forme d'impôts directs ou de taxes multiples. Il ne mesure pas le coût indirect du remplacement des voitures privées par des transports publics aussi rapides. Il est incapable d'imaginer les avantages apportés par l'abandon de l'automobile et le recours à la force musculaire de chacun.
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Les architectes futuristes voudraient que les gens vivent et travaillent dans des chapelets de tours autarctiques, reliées entre elles par des cabines très rapides. Solen Doxiadis ou Fuller résoudraient le problème créé par le transport à grande vitesse en englobant tout l’habitat humain dans ce problème. Au lieu de se demander comment conserver aux hommes la surface de la terre, ils cherchent à créer des réserves sur une terre abandonnée aux ravages des produits industriels.
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L'industrie a le monopole de la circulation lorsque la vie quotidienne vient à dépendre de déplacements motorisés.
Le puissant contrôle exercé par l'industrie du transport sur la capacité innée qu'a tout homme de se mouvoir crée une situation de monopole plus pesante que le monopole commercial de Ford sur le marché de l'automobile ou le monopole politique exercé par l'industrie automobile au détriment des moyens de transport collectifs. Par son caractère dissimulé, son retranchement, son pouvoir de structurer la société, ce monopole m'apparaît radical: il satisfait de façon industrielle un besoin élémentaire, jusque-là l'objet d'une réponse personnelle. La consommation obligatoire d'un bien d'échange (le transport motorisé) restreint les conditions de puissance d'une valeur d'usage surabondante (la capacité innée de transit).
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L'Américain moyen consacre plus de mille six cents heures par an à sa voiture. Il y est assis, qu'elle soit en marche ou à l'arrêt ; il la gare ou cherche à le faire ; il travaille pour payer le premier versement comptant ou les traites mensuelles, l'essence, les péages, l'assurance, les impôts et les contraventions. De ses seize heures de veille chaque jour, il en donne quatre à sa voiture, qu'il l'utilise ou qu'il gagne les moyens de le faire. Ce chiffre ne comprend même pas le temps absorbé par des activités secondaires imposées par la circulation : le temps passé à l'hôpital, au tribunal ou au garage, le temps passé à étudier la publicité automobile ou à recueillir des conseils pour acheter la prochaine fois une meilleure bagnole.
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À bicyclette, l'homme va de trois à quatre fois plus vite qu'à pied, tout en dépensant cinq fois moins d'énergie. En terrain plat, il lui suffit alors de dépenser 0,15 calorie pour transporter un gramme de son corps sur un kilomètre. La bicyclette est un outil parfait qui permet à l'homme d'utiliser au mieux son énergie métabolique pour se mouvoir : ainsi outillé, l'homme dépasse le rendement de toutes les machines et celui de tous les animaux.
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Vidéo de Ivan Illich
Et si l'école n'était qu'un instrument destiné à produire des élèves dociles, prêts à obéir aux institutions ? C'était la thèse du philosophe Ivan Illich, dès les années 1970.
#école #éducation #cultureprime _____________
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