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EAN : 9782757845769
464 pages
Points (25/09/2014)
4.03/5   80 notes
Résumé :
Si le mal d’amour a toujours existé, il y a une manière spécifiquement moderne d’aimer et de souffrir de l’amour, que ce livre entend éclairer.
A partir de nombreux témoignages et d’exemples issus de la culture populaire, Eva Illouz dresse le portrait de l’individu contemporain et de son rapport à l’amour, ainsi que des pathologies qui lui sont associées : incapacité de choisir, refus de s’engager, évaluation permanente de soi et du partenaire, psychologisat... >Voir plus
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Le présent ouvrage a pour objet l'analyse comparative de l'idéal-type de la relation afférant à la conjugalité (hétérosexuelle, monogame, occidentale surtout anglo-saxonne et basée principalement sur une perspective féminine) dans la modernité tardive par rapport à l'époque pré-moderne (XIXe siècle avec quelques aperçus précédents) ; cet idéal-type se développe (ou est imposé) culturellement, par la littérature et l'épistolaire jadis, associé à l'image et aux technologies informatiques à présent, au sein de la classe dominante, la moyenne et haute bourgeoisie (masculine).
Sa thèse fondamentale consiste à établir, dans le passage entre les deux modèles, la primauté des déterminants sociologiques – les conditions économiques et sociales de la société – vis-à-vis de la lecture psychologique ou psychanalytique qui focalisent l'interprétation de l'amour sur l'individu ou sur son inconscient (respectivement), puis vis-à-vis de l'épigone de cette lecture, représenté par « l'industrie du self-help » ou développement personnel, vis-à-vis d'un certain féminisme qui aurait fait du recul du patriarcat et de la révolution sexuelle des gages de bonheur et d'épanouissement, enfin vis-à-vis des réductionnismes biologique et neuroscientifique. « Le fait que nous soyons des entités psychologiques […] est un lui-même un fait sociologique. » (p. 31)

Dans cette perspective, la modernité a apporté des changements dans « l'écologie » du milieu des possibilités conjugales, ainsi que dans « l'architecture du choix » du partenaire jusque là inouïs, fondés sur une incomparable liberté personnelle, sur une relative égalité entre les genres (mais au prix d'une inégalité individuelle accrue), sur la quête de la satisfaction sexuelle, sur une rationalisation des critères du choix (malgré la marchandisation de ceux-ci), sur une considération toute nouvelle de l'introspection propre et réciproque (en dépit d'une ontologisation de la personnalité et des sentiments), sur des variables inédites comme l'autonomie et l'engagement asymétrique, enfin sur le phénomène original de la demande de reconnaissance du moi par l'amour. Ces « avancés », dont la valeur n'est point remise en question, n'ont toutefois pas provoqué le bonheur amoureux ; à maints égards, et pour des raisons qui leur sont propres et consubstantielles, elles justifient même un nouveau malheur amoureux, de nouvelles formes de domination, l'approfondissement d'anciennes et de récentes inégalités et injustices. À ce propos, les résultats présentent d'étonnantes analogies avec les phénomènes liés à la libéralisation du marché capitaliste (référence est faite à Zygmund Bauman et à Bourdieu) et le consumérisme sévit d'une façon bien décrite dans le « champ sexuel », là où le choix amoureux – « comme notion conscientisée, réflexive » – prend les formes de la consommation économique.

Thèmes principaux :
La transformation de l'écologie et de l'architecture du choix
due à « des raisons normatives (la révolution sexuelle), sociales (l'affaiblissement de l'endogamie de classe […]), et technologiques (l'apparition de l'Internet et des sites de rencontre) » ;
l'élargissement considérable du choix des partenaires sur un champ indéfiniment ouvert rend le processus plus long et plus complexe, susceptible de réévaluation constante et sujet au calcul des chances d'opérer un meilleur choix ;
il transforme aussi la nature du désir et de la volonté.

L'apparition de champs sexuels
mise en compétition permanente des acteurs et travail incessant d'évaluation de soi et des autres en fonction de leur capital sexuel ;
asymétrie de genre entre la durée de la permanence dans le champ sexuel vs marché matrimonial, laquelle est liée à l'impératif de la reproduction [idée que je conteste] ;
influence du marketing et de l'industrie culturelle dans les critères d'évaluation ;
sexualité cumulative [je dirais plutôt « sérielle »] et détachement de l'affectif et/ou stratégies contradictoires d'attachement et de détachement et leur influence sur la dynamique des rapports ;
phobie de l'engagement (spécifiquement masculine) [idée que je conteste] ;

De nouveaux modes de reconnaissance du moi
dus à l'évolution et la précarisation du statut social provoquant des vulnérabilités accrues dans l'estime de soi, donc « sexualité hypertrophiée » car « transformée en statut » (p. 127) ;
la réussite dans le champ sexuel, et plus particulièrement la contradiction entre autonomie et engagement, ainsi qu'entre attachement et détachement influent sur l'amour de soi, et sa carence entraîne un processus d'auto-accusation ;
« la littérature prolifique consacrée à Mars et à Vénus [... dissimule] une réorganisation des différences de genre autour de l'amour comme source de sentiment de sa valeur (sociale et personnelle) pour les femmes ou du capital sexuel pour les hommes » (p. 376)

L'affaiblissement du désir et le manque de volonté
« L'ironie, la phobie de l'engagement, l'ambivalence, la désillusion […] constituent les composantes principales de ce que j'ai appelé la déstructuration de la volonté et du désir, conduisant de la formation de liens intenses à une froide individualité. Ces quatre composantes expriment la difficulté de s'engager totalement dans le désir de l'autre […] et, plus généralement, un refroidissement de la passion. » (p. 376) ;
très intéressante analyse conclusive (ch. V : « Du fantasme romantique à la désillusion ») de l'évolution de la conceptualisation de l'imagination par rapport au réel (presque un essai autonome), dans le passage entre la littérature et l'Internet : on parvient à la notion très intéressante de « désir autotélique » (i.e. le désir POUR le désir, et le désir DU désir – presque un bouclage de la boucle par rapport à la conception platonicienne de l'amour) [considération mienne propre].

Cette lecture est ardue, truffée de références très hétéroclites, non seulement sociologiques et philosophiques mais allant de la littérature aux entretiens, des blogs aux petites annonces et aux réponses aux lecteurs du New York Times. J'approuve entièrement l'usage du corpus littéraire dans un travail de sociologie culturelle, émettant toutefois la réserve qu'il aurait été plus opportun d'éviter les classiques du XIXe siècle, Jane Austen, Balzac, etc., en leur préférant des auteurs de moindre valeur artistique, donc plus fidèles à l'air du temps et au discours moyen, ne serait-ce que par symétrie avec les sources contemporaines utilisées. Je salue le souci constant de déculpabiliser les amoureux malheureux, contrairement à la démarche psychologique et mercantile américaine (merci à la psychanalyse européenne de nous en épargner aussi).
À certains moments, j'ai eu l'impression que l'effort démonstratif déployé était disproportionné par rapport au consensus autour de la thèse à défendre, provoquant une lourdeur aussi pénible qu'inutile. Je regrette aussi l'absence d'une bibliographie finale, du moment que retrouver une référence dans la pléthore des notes de bas de page s'avère extrêmement difficile.

Par contre j'émets trois critiques très fondamentales sur des questions de fond :

1/sur un aspect de l'asymétrie de genre :
« L'une des principales thèses de ce livre est d'une grande simplicité : les hommes disposent aujourd'hui d'un choix sexuel et émotionnel bien plus grand que les femmes, et c'est ce déséquilibre qui crée une domination affective » (p. 372).
Or, sans essayer de retracer toute une argumentation qui occupe plus de 80 p. soit la totalité du ch. II, il me semble que l'idée peut se résumer à une présence plus longue des hommes que des femmes sur le marché sexuel, et à une moindre perte de valeur sexuelle liée à l'âge chez les premiers : dans ces conditions, l'abondance masculine en nombre et en valeur serait supérieure à tout instant donné, et selon la loi de la demande et de l'offre...
2/ l'aspect culturel est insuffisamment traité : par ex. je sais que, dans le droit américain, la notion de divorce pour faute est encore très prégnante, de sorte que les conséquences financières d'un divorce sont désastreuses pour la partie jugée « fautive » (souvent l'homme), et cela a sans doute des conséquences énormes sur l'engagement matrimonial ; cette situation juridique est absente en Europe.
3/ la primauté (éventuelle) de l'approche sociologique ne peut être que complémentaire par rapport aux autres, dénigrées, et à celles, philosophique et politique, évoquées en filigrane :
« Si le choix est le propre de l'individu moderne, savoir comment et pourquoi les gens choisissent – ou non – de vivre une relation est essentiel pour comprendre l'amour comme expérience de la modernité. » (p. 38). Certes. Encore faut-il aussi savoir, au moins sur un plan personnel, QUI l'on choisit, ne serait-ce que pour tenir compte de tous ceux qui, en dépit de tous les déterminants sociologiques, s'avèrent NE PAS être malheureux en amour.
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ATTENTION CHEF D'OEUVRE ! Quel bijou que ce livre que j'ai acheté par hasard ! Une rigueur dans l'analyse, une véritable reconstruction historique et sociologique des formes amoureuses de notre époque. L'auteur soutient en effet que si l'amour a certainement toujours existé, il existe des amours, des souffrances et des désillusions qui sont typiquement modernes. le plan est solide, les phrases confinent au sublime tant elles sont par moment bien écrites et emplies à la fois de lucidité et de sagesse. Vraiment impressionnant. Les références sont diverses et variées, interdisciplinaires. Jamais un auteur n'a autant montré que la sociologie pouvait être rigoureuse ; et jamais un auteur n'a autant rappelé que la sociologie a pris pour thème de sa recherche les souffrances de la condition humaine : pauvreté, misère, oppression politique, le suicide chez Durkheim, certes ; et maintenant, pourrait-on ajouter, les souffrances de l'amour et des désillusions avec cette sociologue. Ce qui est terrible me semble-t-t-il, c'est aussi ce qui est implicitement suggéré même si l'auteur ne le dit pas : nous sommes faits pour nous faire souffrir au sujet de l'amour. Nous sommes responsables de nos désillusions, de nos déceptions. La rationalisation extrême de nos demandes (sur nous-mêmes : est-ce que j'aime vraiment ? ; sur les causes de notre amour : est-ce une passion passagère ? ; sur les nombreux paramètres espérés : gentil, beau, courtois, intelligent, charmant, etc etc ; sur les modèles idéaux et imaginaires : mais n'y a t-il pas mieux, est-ce qu'il n'y a pas une autre histoire possible qui serait plus épanouissante ?) entraîne une véritable souffrance dont nous sommes la cause. Incontournable.
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Ce n'est pas tous les jours qu'un livre me permet de mieux me comprendre et change durablement le regard que je porte sur le monde !

Eva Illouz examine les relations de couple avec l'oeil du sociologue, et cela change tout ! Alors qu'un nombre infini d'ouvrages vous parle des relations hommes-femmes, d'un point de vue psychologique, ce livre se place sur le terrain de la société et de son organisation. Les livres de psychologies vous expliquent que, si vos précédentes relations ont échouées, c'est quelque part parce que vous répétez des schémas que vous auriez pu changer en faisant un travail sur vous-même, et cela se révèle assez culpabilisant, car cela vous montre que c'est de votre faute si vous n'avez pas su changer. Eva Illouz nous montre, au contraire, comment une grande partie de nos choix amoureux sont guidés par des marqueurs sociaux, dont elle nous fait prendre conscience. Ainsi, la variété des partenaires que je peux choisir et l'architecture même de mes choix amoureux, sont en grande partie limités par ma place dans la société et des marqueurs sociaux dont j'ai hérités et dont je ne suis pas responsable. C'est brillamment démontré dans son argumentation que je ne peux rendre que de façon imparfaite (c'est pour ça qu'il faut absolument lire ce livre !!!).

En plus, Eva Illouz prend de multiples exemples dans la littérature (Jane Austen...) pour illustrer son propos et nous montrer comment les relations hommes-femmes ont évoluées dans le temps. Elle nous montre qu'il y a une façon bien spécifique de souffrir de l'amour dans notre monde contemporain. Une rupture remet en cause notre identité profonde car beaucoup de marqueurs sociaux qui nous permettaient autrefois de nous définir en dehors de la relation de couple ont disparus.

Elle met aussi en lumière deux besoins contradictoires qui mettent en péril nombre de couples qui ne s'entendent pas sur leur juste équilibre : le besoin d'autonomie et le besoin de reconnaissance.

Eva Illouz a mis vingt ans à écrire ce livre et il est passionnant de bout en bout !
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Avec "La fin de l'amour", "Pourquoi l'amour fait mal" est un passionnant essai sur l'amour moderne. La quatrième de couverture résume la problématique à laquelle l'individu est confronté.

Je trouve très difficile de synthétiser le contenu de ce livre tellement les pistes de réflexion sont nombreuses.
Le plan de l'ouvrage :
Introduction : les malheurs de l'amour
1. La grande transformation de l'amour ou l'apparition des marchés matrimoniaux
2. Les phobies de l'engagement et la question du choix amoureux
3. La demande de reconnaissance : l'amour et la vulnérabilité du moi
4. Amour, raison, ironie
5. du fantasme romantique à la désillusion
Epilogue

Je retiens notamment :
- La pychologisation et la subjectivisation croissante du choix du partenaire ce qui rend la relation dépendante d'éléments instables comme l'humeur, les goûts, des différences non essentielles. Sophistication du choix, multiplication des critères de sélection, idéalisation du profil du partenaire au risque de subir la désillusion : "La caractéristique principale de l'intimité moderne, est qu'elle peut être interrompue à n'importe quel moment si elle cesse de correspondre aux émotions, aux goûts et à la libre volonté."
- Tendance aussi à adopter non pas une stratégie de la satisfaction qui incite à une certaine sagesse et à apprécier ce qu'on a, mais une stratégie de la maximisation où la personne a le sentiment de rater de meilleures opportunités sur le marché de l'amour, avec l'espoir de toujours trouver mieux sur un marché où l'offre abonde et pousse à un opportunisme nuisible à la stabilité des couples.
- Ecart entre les fantasmes de l'amour romantique et l'adéquation des outils et modèles culturels utilisés pour les réaliser (internet, rationalisation permanente, désacralisation de l'amour par les sciences comme la psychanalyse, la psychologie, la biologie, les neurosciences, etc).
- Importance prise par la sexualité et l'apparence physique dans la compétition sur le marché de l'amour. A travers la sexualité et l'amour, l'individu remet en en jeu le sentiment de sa propre valeur, ce qui n'était pas le cas autrefois. La souffrance est bannie, alors que le modèle courtois, le christianisme, le romantisme véhiculaient l'idée que la souffrance et la frustration faisaient partie de la vie. Nos efforts désespérés vers un idéal inatteignable finissent par déboucher sur le désenchantement et la désillusion.
- Refus de s'engager, surtout chez les hommes, alors que les femmes continuent à vouloir s'attacher durablement, plus vite poussées par l'impératif biologique de la reproduction à choisir un partenaire durable.
- L'engagement est vécu comme une aliénation de sa liberté.
- Les hommes profitent davantage que les femmes d'un marché sexuel où l'offre sur les sites de rencontres est abondante, les partenaires interchangeables.
- La femme, plus que l'homme, met en jeu le sentiment de sa propre valeur à travers ses relations amoureuses. L'homme, finalement, continue à dominer la femme, du moins à profiter plus qu'elle de la libéralisation sexuelle. Les femmes souffrent davantage de l'amour que les hommes car elles en attendent davantage de reconnaissance qu'eux.

Ceux qui sont intéressés par les thématiques de l'amour, des relations hommes-femmes, de la sexualité, et qui s'interrogent sur le pourquoi de leurs échecs, de leurs frustrations, de leurs répétitions dans l'échec, au-delà des causes purement individuelles et des explications psychologisantes et parfois culpabilisantes, seront enchantés par cet essai d'une grande richesse qui analyse aussi l'impact de la société et de l'environnement sur les moeurs.
Toutes les questions sont posées, toutes les problématiques du marché de l'amour sont développées, on en ressort lucide. Cela n'empêchera pas d'être confronté à nouveau aux difficultés de trouver la stabilité amoureuse avec le partenaire qui convient, mais au moins on aura des clefs de compréhension et des points de vigilance utiles pour faire les bons ou les moins mauvais choix et poursuivre sa route avec plus de sérénité.

J'ai été passionné par ma lecture, j'ai trouvé l'essai brillant. Je mets cinq étoiles.
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Eva Illouz : Pourquoi l'amour fait mal (2012)
Le titre accrocheur est inspiré de Naomie Wolf (Quand la beauté fait mal, 1990, cité page 108) et sous-titré « L'expérience amoureuse dans la modernité ». Il est enrichi de notes, de résumés, de listes numérotées comme un travail critique mais la rigueur manque. Il ne définit pas l'expérience ni la souffrance amoureuses. L'amour est traité comme un sentiment individuel et non interpersonnel, le confinant au désir et à l'amour-propre, et la seule mention d'un amour réciproque apparait p. 222. La modernité est temporellement définie comme étant la période qui succéda à la première guerre mondiale. En occident, domaine exploré par EI, ce siècle hautement hétérogène a vu un doublement de la population et de l'espérance de vie, les bouleversements de l'urbanisation, la régression des convictions religieuses, l'accès des deux sexes à l'éducation, à la responsabilité économique et au vote, et l'émergence de la contraception et de l'avortement volontaire. L'influence de ces mutations n'est guère abordée et la littérature scientifique sur la morbimortalité associée à la rupture des relations de couple n'est pas mentionnée. Les sources déclarées sont les romans sentimentaux pour l'amour romantique, et, pour l'amour moderne (lire du XXIème siècle), un large éventail de manuels dédiés à la relation amoureuse, à la rencontre, au mariage et au divorce ; des sites internet de rencontre ; et pour finir une analyse de la chronique « Modern love » du New York Times. Il est enfin question de 70 entretiens où la personne interrogée la plus jeune a 25 ans, et la plus âgée 67, et toutes ont suivi des études supérieures. Ces interviews excluent les plus jeunes, donc les premières amours, et représentent un point de vue occidental, urbain, féminin, hétérosexuel dans une catégorie socio-culturelle favorisée. L'amour est la recherche du mariage dans l'amour romantique et de la quête impossible d'une relation stable dans l'amour moderne.

La thèse d'EI est que le malheur de l'amour contemporain vient d'une structure concurrentielle et capitaliste du marché amoureux, de l'abondance sexuelle et de la phobie masculine de l'engagement. de ce point de vue et dans ce milieu, le rôle parmi d'autres de ces facteurs est probable mais l'argumentation est purement rhétorique en terrain biaisé. Il manque des faits : ils pourraient venir de la comparaison du milieu urbain et du milieu rural pour le rôle du marché amoureux, de la comparaison du mainstream et des minorités (Pakistanais d'Angleterre, orthodoxes d'Israël, mormons des USA) pour le rôle de l'engagement, avec les ajustement nécessaires sur le revenu et le niveau d'éducation. le style est redondant avec une inflation de mots-valise (phobie masculine de l'engagement, psyché déficiente, sexualisation des femmes), de caricatures (l'hétérosexualité compulsive qui définit les différentes formes d'humiliation, de dénigrement et de mépris dont les femmes font systématiquement l'objet de la part des hommes), et d'affirmations hasardeuses (Dans le texte de Descartes, l'expérience du doute revêt un caractère jubilatoire, dans l'acception lacanienne du terme, semblable au plaisir que prend un bébé à anticiper le contrôle sur son corps , Sex and the City, que beaucoup considèrent comme une bible des relations amoureuses modernes, Marx, héritier et militant des lumières), etc.
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critiques presse (3)
NonFiction
31 mars 2015
Eva Illouz livre une étude fine et inédite de nos rapports amoureux à l'aune des mutations de la modernité, et, au premier chef, de la montée en puissance de l'individu.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LaViedesIdees
23 juillet 2013
Ce livre raconte l’histoire de l’amour hétérosexuel et de la souffrance moderne, une conjugalité non moins violente ni moins asymétrique que l’amour romantique, en particulier pour les femmes.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Bibliobs
30 novembre 2012
La sociologue Eva Illouz brode 400 pages qui mêlent haute littérature et courrier du coeur. Dense, profond, et symptomatique.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Introduction : Les malheurs de l’amour
« Mais le bonheur est chose rare : pour chaque expérience amoureuse réussie, pour chaque brève période d’enrichissement, il y a dix amours qui blessent et les dépressions qui les suivent sont plus longues encore – elles ont souvent pour conséquence la destruction de l’individu, ou du moins elles suscitent en lui un cynisme émotionnel qui rend tout nouvel amour difficile ou impossible. Pourquoi en serait-il ainsi si tout cela n’était inhérent au processus même de l’amour ? » Shulamit FIRESTONE, La Dialectique du sexe (1970)
Peu de nos contemporains ont été épargnés par les souffrances que les relations intimes provoquent. Que la psychanalyse et la psychothérapie en aient eu l’intention ou non, elle ont fourni un formidable arsenal de techniques qui ont fait de nous les responsables intarissables, mais indéniables, de nos déboires amoureux. La croyance profondément enracinée que nos malheurs sont le fruit direct de notre histoire psychique, que la parole et le savoir sur soi ont des vertus curatives et que l’identification des motifs et des sources de nos déboires aide à les surmonter a porté à son apogée l’industrie du self-help. Les souffrances de l’amour sont aujourd’hui seulement attribuées à l’individu, à son histoire privée, et à ses capacités à se façonner lui-même.
Précisément parce que nous vivons à une époque où l’idée de responsabilité individuelle règne en maître, la vocation de la sociologie reste essentielle. Il est désormais urgent d’affirmer que les échecs de nos vies privées ne sont pas – ou pas seulement- le résultat de psychés défaillantes, mais que les vicissitudes et les malheurs de nos vies amoureuses sont le produit de nos institutions.

Contrairement à une mythologie populaire, avancent les féministes, l’amour n’est pas source de transcendance, de bonheur et d’accomplissement de soi. L’amour romantique est plutôt l’une des principales causes de la division entre les hommes et les femmes, tout autant que l’une des pratiques culturelles à travers lesquelles on impose aux femmes d’accepter (et d’ « aimer ») leur soumission aux hommes. Car les hommes et les femmes, lorsqu’ils sont amoureux, sont la proie de divisions profondes qui caractérisent leurs identités respectives : ainsi que le relève très justement Simone de Beauvoir, même dans l’amour, les hommes conservent leur souveraineté, tandis que les femmes aspirent à s’abandonner. Dans son livre controversé, La Dialectique du sexe, Shulamit Firestone allait un peu plus loin encore en affirmant que l’origine du pouvoir social et de la puissance des hommes est l’amour que les femmes leur ont donné et continuent de leur donner, suggérant par là que l’amour est le ciment au moyen duquel a été construit l’édifice de la domination masculine.
En juxtaposant l’idéal amoureux romantique et l’institution du mariage, les institutions politiques modernes inscrivent les contradictions sociales au cœur de nos aspirations.
La sociologie doit impérativement explorer les émotions qui reflètent la vulnérabilité du moi dans les conditions de la modernité tardive. L’amour est de ces émotions. La souffrance amoureuse n’est pas secondaire. Les expériences de l’abandon et de l’amour non réciproque sont aussi cruciales pour notre propre récit de vie que d’autres formes d’humiliation sociale. La souffrance psychique a deux caractéristiques cardinales, comme l’a suggéré Schopenhauer, la souffrance découle du fait que nous vivons à travers « le souvenir et l’attente ». La souffrance fait l’objet d’une médiation par l’imagination : ces images et idéaux qui composent nos souvenirs, nos attentes et nos désirs.
Un certain nombre d’éléments donnent sa spécificité à la souffrance amoureuse moderne : la dérégulation du marché matrimonial (chapitre I), la transformation de l’architecture du choix amoureux (chapitre II), l’importance écrasante de l’amour dans la constitution de l’estime de soi sociale (chapitre III), la rationalisation de la passion (chapitre IV), ainsi que les manières par lesquelles se déploie l’imagination amoureuse (chapitre V). Le malheur amoureux comme le bonheur amoureux ont une forme moderne que ce livre veut élucider.
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En fait peu de nos contemporains ont été épargnés par les souffrances que les relations intimes provoquent. Ces souffrances prennent plusieurs forment : accumuler les déconvenues dans la quête du prince charmant ou de la belle princesse; se lancer dans des recherches internet sisyphéennes; renter seul chez soi après une tournée des bars, une soirée ou un rendez-vous arrangé... Les souffrances ne s'évanouissent pas pour autant lorsqu'une relation s'instaure, prenant la forme de l'ennui, de l'angoisse ou de la colère, de disputes et de conflits douloureux, et aboutissent à la déconfiture, au doute sur soi-même, à la dépression engendrée par les ruptures ou les divorces. Et ce ne sont là que quelques exemples qui montrent combien la quête amoureuse est devenue une expérience douloureuse. Si la sociologue pouvait entendre les voix des hommes et des femmes recherchant l'amour, elle entendrait une litanie, puissante et interminable, de plaintes et de gémissements.
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Les vies familiales modernes sont prévisibles à l’extrême, et leur prévisibilité est agencée par un vaste ensemble d’institutions organisant la vie quotidienne : les livraisons à domicile (nourriture, journaux, shopping sur catalogue) ; la télévision et ses programmes à heures fixes ; la sociabilité, pour l’essentiel planifiée à l’avance ; le loisir standardisé et les heures de repos. (…) la « sécurité » est mise en œuvre à la fois psychiquement et sociologiquement comme un effet secondaire de la rationalisation de la vie quotidienne. Cette vie quotidienne rationalisée est souvent propice à la désillusion, car elle est continuellement comparée à des modèles et à des idéaux d’intensité émotionnelle très différents qui font que les gens évaluent négativement leur mode de vie. Les recherches menées sur la question montrent en effet qu’ils ont bien plus de chances de percevoir négativement leur propre expérience quotidienne quand ils l’envisagent au prisme des images véhiculées par les médias. Les recherches consacrées à l’impact des images médiatiques sur la façon dont les gens perçoivent leur corps montrent que des images de corps parfaits ont un effet négatif sur l’estime et sur l’image de soi. Elles laissent en effet penser à la fois que les autres peuvent s’y conformer plus facilement et qu’ils les considèrent comme importantes. (…) Il est tout aussi possible que l’insatisfaction induite par ce mécanisme alimente une désillusion chronique. (p.344)
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Parce que la souffrance est l'irruption de l'irrationnel dans la vie quotidienne, elle exige une explication rationnelle.
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Quand la souffrance ne peut être expliquée, nous souffrons doublement : de la souffrance que nous ressentons, et de notre incapacité à lui conférer une signification.
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Videos de Eva Illouz (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Eva Illouz
Eva Illouz, sociologue et philosophe, était l'invitée de "La Fabrique des idées", les masterclass de Philosophie magazine, mercredi 24 janvier au Club de l'Étoile, à Paris (17e).
Prochain rendez-vous : Jean-Luc Marion, phénoménologue, académicien, grand théoricien de la "donation", mercredi 6 mars en présentiel ou visio. Informations et résa :
www.philomag.com/masterclass
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