AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de nilebeh


Au bord du lac du Bourget (on suppose), Bianca et son frère François renouent avec leurs souvenirs d'enfance. C'est à l'occasion des obsèques de leur jeune frère Tahir, dit Titi, qu'ils se retrouvent après une longue séparation. Apparemment, tous deux ont réussi à se faire une place au soleil, mettant un terme à une enfance et une jeunesse dans les cités des « Sureaux », en Île-de-France, lieux qu'ils ont quittés suite aux loyers impayés par leur mère. Lui, est devenu éclairagiste pour le cinéma et la télévision, renonçant à son rêve de Beaux-Arts et de création. Elle, prépare un mémoire en vue d'une HDR (habilitation de recherche) qui fait suite à sa thèse. Un beau parcours.

Seul le petit dernier au nom d'Arabe (héritage du grand-père Algérien) ne s'en est pas sorti : prison, maladie, troubles psychiatriques, SDF, marginal, il vient de mourir sous les coups d'autres SDF et la police a remis les clefs du studio-taudis qu'il occupait. Il va falloir, vider, nettoyer les reliquats d'une descente aux enfers. Et Iris, la mère qui les a abandonnés leur laissant le fardeau du petit frère délinquant, va-t-elle venir aux obsèques ?

Comme au hasard d'une remontée des souvenirs du narrateur, nous découvrons les femmes d'avant, arrière-grand mère bretonne, fille bâtarde moquée et endurcie, la grand-mère qui aimera un Algérien avant la guerre d'indépendance et sera donc à la source du nez incliné et des cheveux noirs et crépus de sa fille Marceline-Iris, de Bianca et de Tahir. Comme une signature difficile à porter. Filiation, fierté, richesse, refus, chagrin. Comme un parfum d'Élise ou la vraie vie, la violence physique en moins. Ou pas racontée.

Finalement, Iris va venir, accompagnée de Ryan, son mari du moment. Elle qui s'est enfuie vers d'autres soleils, d'autres îles, elle nie la mort de Tahir, son fils préféré auquel elle a envoyé de photos, des cartes postales, des lieux de rêve où elle a cherché la vraie vie.

Ce livre est comme une tentative de reconstruction d'une filiation, la recherche d'un arbre généalogique, avec des enfants placés en institution, un couple mixte franco-algérien qui ne peut être vraiment accepté par une France en pleine décolonisation d'abord, puis engluée dans des problèmes d'identité : « Dans le fond, tu sais bien que ce pays voit encore son destin mélangé avec celui de son ancienne colonie ! » (p54)
Le regard effaré et tendre de deux frère et soeur penchés sur ce qui reste de la vie de leur jeune frère, le plus « Arabe » des trois, perdu, abîmé par la vie. Et une mère, elle aussi héritière de la mixité culturelle et qui met très longtemps à vivre ses deux origines à part égale.

Ce roman foisonne de thèmes qu'on n'en finit plus de développer sous le regard d'experts doctes et contradictoires, mixité socio-culturelle, minorités visibles (délicieuse expression !), devenir des enfants des cités et, en contrepoint, cette question : peut-on, doit-on quand on est issu de la banlieue, devenir écrivain ? Combien de générations vont se succéder avant qu'on cesse de répéter aux Français « nés en France de parents venus d'ailleurs » qu'ils sont « issus de l'immigration » ?

Un petit tour dans nos arbres généalogiques respectifs permettrait peut-être un peu plus de réflexion...


Enfin, même si c'est pour coller à l'époque, j'ai détesté entendre le mot « bicot » sous la plume de l'auteur. Je l'ai trop entendu dans les années soixante...

Livre lu dans le cadre de l'opération "Masse critique".
Commenter  J’apprécie          52



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}