Ce tome fait suite à Captain America Marvel Now, tome 5, le dernier de la saison précédente qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2015, écrits par
Rick Remender (déjà scénariste de la série précédente), dessinés par
Stuart Immonen, encrés par
Wade von Grawbadger et mis en couleurs par Marte Garcia et Eduardo Navaro. Ce tome regroupe l'intégralité des épisodes de cette série qui s'est interrompue pendant
Secret Wars. Pendant ce crossover généralisé,
Rick Remender a continué son histoire dans une minisérie intitulée Hail Hydra.
Comme le montre la couverture, cette série met en scène un nouveau Captain America : Sam Wilson, ami de longue date de Steve Rogers, et superhéros sous le nom de Falcon (accompagné d'un vrai faucon appelé Redwing). Chacun des 6 chapitres commence par une page ou deux de retour en arrière, pour évoquer l'enfance, l'adolescence ou les débuts de carrière de Sam Wilson. le lecteur assiste à la mort du père de Sam Wilson, à la façon dont il a pris soin de ses frère et soeur, à un dialogue entre lui et Captain America, à un individu contestant sa légitimité à être Captain America.
Comme le titre l'indique, Captain America doit faire face à une résurgence du groupe terroriste Hydra, toujours aussi fanatique. le déclenchement des Inhumains (voir Infinity) sur la planète a fait apparaître de nombreux individus dotés de capacités fantastiques. L'un d'entre eux (Lucas) était un membre de l'Hydra. Baron Zemo (13ème du nom) a trouvé comment exploiter ses capacités. Captain America doit donc affronter Zemo, Batroc (Georges Batroc), Crossobones, Sin (la fille de Red Skull), Cobra (Piet Voorhees) et quelques autres supercriminels pour empêcher que le plan d'Hydra n'arrive à son terme.
En ouvrant ce tome, le lecteur a conscience du défi que doit relever
Rick Remender. Pour commencer, il lui faut légitimer Sam Wilson dans le rôle de Captain America, ce qui finalement n'est pas si difficile que ça. Ce personnage fait partie de la série depuis des décennies, il a déjà été un superhéros (pas vraiment de premier plan). Il a été le meilleur ami de Steve Rogers. Il côtoie les autres personnages secondaires de la série également depuis des années. Bref, il est entièrement légitime dans ce rôle que le lecteur habitué des superhéros sait être temporaire (il n'y a pas si longtemps que ça, c'était encore Bucky Barnes qui portait ce costume).
Ensuite le scénariste doit rappeler qui est Sam Wilson, quelle son histoire personnelle. Plutôt que de consacrer tout le premier épisode à ce rappel,
Rick Remender a choisi de disséminer quelques scènes éclairantes au sein de chacun des 6 épisodes, libérant ainsi le premier pour entrer tout de suite dans le vif du sujet. Grâce à ces quelques pages, le lecteur se souvient ou découvre l'enfance difficile du personnage, la construction de ses convictions morales, et son admiration pour Steve Rogers. En scénariste familier de l'univers partagé Marvel,
Remender va piocher dans un épisode traumatisant où Red Skull se servait du cube cosmique pour inventer un nouveau passé peu glorieux à Sam Wilson. Cette réminiscence jette un éclairage original sur la personnalité de ce héros, sur les conséquences de ses choix de vie courageux. Pour un lecteur ayant suivi la carrière de
Rick Remender (ou ne serait-ce que son travail sur la précédente série de Captain America), il apparaît également qu'il intègre dès le premier épisode un thème qui lui est cher : celui de la filiation, de la transmission de valeurs d'un père à son fils.
Troisième enjeu pour le scénariste : raconter une histoire brève (car interrompue pour cause de crossover), qu'il soit possible de prolonger dans l'environnement très particulier de
Secret Wars 2015. Depuis quelques mois déjà, le lecteur avait remarqué que l'organisation Hydra regagnait du poil de la bête, vraisemblablement en synergie avec la série télévisée consacré au SHIELD. Voilà donc un adversaire tout trouvé. Toujours aussi adroit,
Remender étoffe ce fil directeur en piochant dans un autre élément structurant pour Marvel dans ces années-là : le développement des Inhumains. Il incorpore la nation de Bagalia qu'il avait déjà utilisée dans la série Secret Avengers, ainsi qu'une vingtaine de supercriminels souvent opposés à Captain America, d'Armadillo à BaronBlood, en passant par Absorbing Man (saurez-vous tous les reconnaître ?).
Rick Remender écrit donc un récit de superhéros en respectant les conventions associées, avec une dimension réflexive sur la responsabilité liée à la filiation. Néanmoins, ce thème est nettement moins développé que dans la série précédente, et la composante superhéros repose sur des clichés usés jusqu'à la corde. À la fin de l'épisode 2,
Remender nous refait le coup du superhéros qui meurt, tué par Baron Zemo. Il abuse un peu, parce que ce même scénariste avait déjà tué ce même personnage lors de la saison précédente, et l'avait déjà ressuscité. Il a beau mettre le paquet pour impliquer émotionnellement le lecteur, ce dernier ne s'y laisse pas prendre. Quand il tue un deuxième personnage récurrent, le lecteur n'y prête même plus attention.
Ensuite il intègre le personnage de Sin (Synthia Shmidt, la fille de Red Skull) dans l'épisode 3 de manière abrupte, ce qui arrive comme un cheveu sur la soupe par rapport à l'épisode précédent. Régulièrement, Sam Wilson se confronte à des adversaires qui lui rappellent qu'il est un simple être humain, avec des ailes en plastique, sans force particulière. Effectivement, on voit le pauvre Sam Wilson se prendre plein de coups, et manier le bouclier avec beaucoup moins d'adresse que
Steve Rodgers. Dans l'épisode 5, il doit agripper la lame nue d'une épée des 2 mains pour éviter que son opposant ne lui plonge dans le coeur. Ça saigne, ça fait mal et ça laisse des traces. En fait non, dès la deuxième moitié de l'épisode, il se sert de ses mains comme si elles n'étaient pas sanguinolentes 5 pages avant. Pour le moins, cela nuit à la cohérence narrative, et cela diminue fortement l'impact de toute blessure. D'ailleurs les combattants se tapent dessus avec violence et brutalité, dans un ballet visuellement agréable, mais sans aucune conséquence durable.
Le lecteur savoure à l'avance les belles pages de
Stuart Immonen qui avait réalisé un excellent travail sur les X-Men de
Brian Michael Bendis. Effectivement ça commence fort avec la première page évoquant la mort du père de Sam Wilson, avec des cases de la largeur de la page, comprenant des informations visuelles sur toute leur largeur. Vient ensuite une double page où Captain America plonge vers le lecteur, Redwing à ses côtés. Immonen effectue un travail impressionnant sur les détails du costume (assez complexe visuellement). le metteur en couleurs fait très bien ressortir le personnage, contre la verdure de la cime des arbres.
Tout au long des 6 épisodes, le dessinateur fournit un travail conséquent sur les costumes pour que la trentaine de personnages (y compris les figurants parmi les supercriminels) se distinguent tous les uns des autres et soient reconnaissables par le lecteur expert en personnages Marvel. L'encrage de Wade von Grawbdger est impeccable de précision, qu'il s'agisse de traits fins, ou d'aplats de noir. Il représente les scènes d'action avec implication, intégrant aussi bien des poses iconiques, que des cadrages pour insister sur la force des coups portés, ou encore des dégâts physiques pour montrer les conséquences (qui disparaissent donc 3 pages plus tard.
Lors de la scène où Sin évoque les manipulations mentales sur Sam Wilson par Red Skull, Immonen rend hommage aux dessins de Kirby, puis à ceux de
Gene Colan, reproduisant les poses correspondantes, le temps d'une case. Malgré tous ses efforts, il éprouve quand même de sérieuses difficultés à rendre crédible le costume de ce Captain America, même dans le cadre d'un comics de superhéros. Il faut dire que Sam Wilson porte des bottes de combat à lacets, un pantalon avec des protections aux genoux, une ceinture avec des pochettes dont il ne sort jamais rien, des sortes de plaques lui protégeant le torse et les épaules, des lunettes lui protégeant les yeux, sans oublier le bouclier et les ailes. Ça fait quand même très chargé.
Sans surprise non plus, Immonen se désintéresse progressivement des décors au fur et à mesure des épisodes. C'est particulièrement flagrant dans l'épisode 4 sensé débuter dans un bidonville d'Inde. Une vue du ciel montre à quelle point les constructions précaires sont proches à se toucher. Armadillo engage le combat contre Sam Wilson, et soudain ils semblent se retrouver sur une grande scène vide, valdinguant à plusieurs mètres, sans heurter d'obstacle. Il y a là une incohérence narrative visuelle qui rompt l'immersion du lecteur pour le ramener à la réalité.
Ce premier et unique album de la série "All new Captain America" laisse le lecteur sur sa faim. D'un côté les auteurs réussissent parfaitement à rendre Sam Wilson crédible dans son nouveau rôle. de l'autre côté, l'intrigue et les dessins présentent des lourdeurs qui rompent le charme de l'immersion. 4 étoiles pour le plaisir des dessins de Stuart d'Immonen et la sensibilité de
Rick Remender. 3 étoiles pour un récit pas tout à fait assez abouti.