Citations sur Le fusil de chasse (124)
Tout ce qui dans la nature frappe mon regard se colore de tristesse quand j'essaie de parler. Depuis le jour où j'ai lu le Journal de Mère, j'ai remarqué que la Nature changeait de couleur plusieurs fois par jour, et qu'elle en change soudainement, comme à l'instant où le soleil disparaît, caché par des nuages. (...)
Le saviez-vous ? En plus des trente couleurs au moins que contient une boîte de peinture, il en existe une, qui est propre à la tristesse et que l'oeil humain peut fort bien percevoir.
« Il va me tirer dessus ? » me demandai-je. Bien sûr, le fusil n’était pas chargé, mais il m’intéressait de voir si tu voulais me tuer. Je pris un air indifférent et fermai les yeux.
« Vise t-il mon épaule, mon dos, ou ma nuque ? » pensai-je.
J’attendis impatiemment d’entendre le claquement sec de la gâchette dans la quiétude de la pièce, mais il ne retentit jamais. Si je l’avais entendu, je serais tombé raide, car j’avais envisagé d’agir ainsi si j’avais été la cible chérie de celui qui avait été toute ma vie pendant des années…
A la longue, la patience m’abandonna, et précautionneusement, j’ouvris les yeux afin de te regarder en train de me viser. Je restai ainsi un certain temps. Mais, tout à coup, cette comédie me parut ridicule, et je fis un mouvement. Et quand mon regard se porta vers toi, tu détournas vivement de moi le canon du fusil. Tu te mis à viser les roses alpestres que tu avais rapportés du mont Amagi et qui avaient fleuri cette année pour la première fois, et enfin tu pressas la détente. Pourquoi ne pas avoir tué ta volage épouse ? Je méritais, assez, je pense, à cette époque, d’être abattue. Tu avais clairement l’intention de m’assassiner et pourtant tu n’as pas pressé la détente. […]
Chacun de nous observait le silence comme si nous prêtions l’oreille à la montée d’une eau qui nous eût cernés. Chaque fois qu’un bâton d’encens était réduit en cendres, nous allions chacun à notre tour, en allumer un autre, plongés dans nos prières, les mains jointes, face à une photographie de Mère.
quand tu liras ces mots, je ne serai plus.
J'ignore ce que peux être la mort, mais je suis sûre que mes joies, mes peines, mes craintes ne me survivront pas.
Comme on voit se refroidir le fer porté au rouge, tu te conduisis d’abord avec froideur et je répondis par une froideur égale ; alors tu accentuas encore ton attitude raide, et, de fil en aiguille, nous avons atteint cet actuel degré de froideur, ce merveilleux esprit de famille, si glacial que l’un et l’autre nous avions souvent l’impression que nos cils étaient raidis par le givre.
“les étreintes, les caresses que t’inspirait ta folle passion m’ont fait connaître, je puis l’affirmer, un bonheur plus grand que celui dont peut rêver tout être au monde”
Et l'étincelant fusil de chasse,
Pesant de tout son poids sur le corps solitaire,
Sur l'âme solitaire d'un homme entre deux ages,
Irradie une étrange et sévère beauté,
Qu'il ne montra jamais,
Quand il était pointé contre une créature.
En plus des trente couleurs au moins que contient une boîte de peinture, il en existe une qui est propre à la tristesse et que l’oeil humain peut fort bien percevoir. P 23
Sa grosse pipe de marin à la bouche,
Un setter courant devant lui dans l'herbe,
L'homme gravissait à grandes enjambées, en ce début d'hiver,
Le sentier du mont Amagi,
Et la gelée blanche craquait sous ses semelles.
Il avait vingt-cinq cartouches à la ceinture,
Un manteau de cuir, marron foncé,
Une carabine Churchill à canons jumelés ...
Mais d'où venait son indifférence, malgré son arme de blanc et brillant métal,
À ôter la vie à des créatures ?
Fasciné par le large dos du chasseur,
Je regardais, je regardais.
Depuis ce temps-là,
Dans les gares des grandes villes,
Ou bien la nuit dans les quartiers où l'on s'amuse,
Parfois je rêve,
Je voudrais vivre sa vie ...
Paisible, sereine, indifférente.
Par instants change la scène de chasse :
Ce n'est plus le froid début d'hiver sur le mont Amagi,
Mais un lit asséché de torrent, blanc et blême.
Et l'étincelant fusil de chasse,
Pesant de tout son poids sur le corps solitaire,
Sur l'âme solitaire d'un homme entre deux âges,
Irradie une étrange et sévère beauté,
Qu'il ne montra jamais, quand il était pointé contre une créature.
Il me semble qu'un homme est bien fou de vouloir qu'un autre le comprenne.