Au début du XVIIème siècle au Japon,
Honkakubô, moine du temple Mii-Déra, se fait interpeler par un vieux moine de quatre-vingt-trois ans, Tôyôbô. Ce dernier s'inquiète de voir cet ancien élève du grand Maître Rikyû, se terrer dans une vieille masure depuis plus de six ans.
Dans la salle de thé où tous deux prennent place, les souvenirs reviennent et font ressurgir des interrogations sur le décès de Rikyû. Sa mort par hara-kiri laisse planer un mystère car elle fut demandée par Hideyoshi, un grand seigneur et protecteur du Maître de thé.
Honkakubô commença son apprentissage à trente et un ans et apprit la cérémonie du thé. Il se remémore le service et l'honneur qui lui était accordé de suivre les préceptes de Maître Rikyû. Si aujourd'hui il vit en réclusion comme un ermite, c'est peut-être pour être plus proche de Rikyû, ou simplement par peur. Obsédé par cette mort, il le retrouve dans ses méditations et ses rêves, et cherche la signification d'un songe étrange… Il avait voulu escorter son mentor sur le sentier de Kyoto, un chemin désolé, pierreux, qui le conduisait vers l'exil et la mort. D'un regard, Rikyû l'en avait dissuadé, il devait le laisser cheminer seul vers « l'autre monde ».
Pourquoi s'est-il suicidé ? La question le taraude depuis son entretien avec le bonze Tôyôbô. Sortant de sa léthargie, il commence à rencontrer des Maîtres comme… Kôsetsusaï Okano qui lui confie la copie d'un manuscrit « Les principes de la Voie du Thé » écrit par Sôji Yamanoue, le premier élève de Rikyû… Oribe Furuta, qui a pris la succession de Rikyû… et s'efforce à comprendre.
Cette quête se mènera sur plusieurs années, sur une vie. Lui qui n'avait pas terminé son apprentissage, s'appliquera à acquérir la science, l'art, la philosophie de la Voie du Thé, et percevra l'essence suprême, dévoilée dans une vision… « wabisuki-jôjû, chanoyu-kanyô » « Il faut toujours garder en son coeur l'esprit du thé, simple et sain, même en dormant. »
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Servir le thé est une cérémonie, une danse, un combat, une prière. Les bols sont des calices précieux en grès émaillé, dont les courbes demandent la perfection… L'enquête sur la mort de Rikyû n'est pas le sujet principal de cette lecture. J'ai lu cette nouvelle comme un conte ou une poésie. L'histoire se dépouille de toute pesanteur en nous livrant l'exploration d'un monde particulier… la Voie du Thé. Plus qu'une science ou un art de vivre, elle est une religion. D'un décor épuré, les images défilent. Je les imagine dans une dominante de bruns, d'ocres et d'orangés, des teintes de thé. On tire les cloisons et se découpent des ombres aux gestuelles harmonieuses, simples, spirituelles.
Maître Rikyû a vécu. Il était le spécialiste de la cérémonie du thé. Comme le raconte le journal de Honkakubô à travers l'écriture de
Yasushi Inoué, il s'est vraiment suicidé à la demande de Hideyoshi.
Il est difficile d'expliquer le ressenti de cette lecture, mais je tiens à souligner dans ce billet, que les sentiments alternent… j'ai perçu la sagesse bouddhiste et ses principes, mais aussi de la violence. Je la sentais latente. Derrière la modestie et l'effacement, il y a beaucoup d'honneur et de fierté.
Dorénavant, j'essaierai de servir le thé avec l'esprit. « Préparer le thé, laisser faire le destin et ne pas tenter d'y échapper ».