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Critique de kuroineko


Cher Yamanaka Shinsuke-san, c'est avec beaucoup de regrets que je vous quitte, après 750 pages passées en votre compagnie. Je ne suis pas prête de vous oublier, vous et votre petit monde centrés autour du quartier Nezu de Tôkyô.

Inoue Hisashi est un romancier et dramaturge célèbre et récompensé à de multiples reprises au Japon. Grâce aux éditions Picquier, et au travail des traducteurs et traductrices à qui on ne peut assez dire merci, il nous est possible en France de découvrir deux de ses romans. Dont le vaste Les 7 Roses de Tôkyô qu'il mit treize années à écrire. Il présente son ouvrage sous la forme d'un journal intime rédigé par Yamanaka Shinsuke, entre avril 1945 et avril 1946. Époque cruciale, s'il en est, tant à l'échelle mondiale qu'à celle de l'archipel.

Shinsuke est un citoyen lambda, artisan en éventails réduit au chômage faute de matières premières, à cause de la guerre. Sur son triporteur, il s'efforce de se débrouiller en touchant bon gré mal gré au marché noir afin de faire vivre sa femme, ses trois filles et son fils.
Shinsuke est d'un tempérament pondéré, nonchalant même. Certes il désire la victoire de son pays et s'engage de son mieux dans l'association de quartier. Mais il est loin des extrémistes va-t-en guerre comme il y en a beaucoup. Pour lui, il s'agit surtout de résoudre les problèmes du quotidien (nourriture, chauffage, ...) déjà bien assez nombreux.

A travers ce journal, Inoue Hisashi retrace les derniers mois de belligérance du Japon et les premiers de sa défaite, marquée par l'occupation américaine sous les ordres du général MacArthur. L'histoire de Shinsuke et de ses proches marché main dans la main avec l'Histoire. L'auteur nous fait vivre le dénuement de cette période, le marché noir, les alertes quotidiennes aux B29, les bombardements qui transforment une grande partie de la capitale impériale en un vaste champ de ruine et en cimetière, la stratégie incompréhensible et suicidaire des Forces Spéciales (les fameux kamikazes), la reddition sans condition et la désacralisation de la figure de l'empereur. Période de profonds bouleversements à tous niveaux. La capitulation marque un changement notoire dans les mentalités et met symboliquement à genoux tout un peuple.

Roman passionnant par les récits et anecdotes de Shinsuke qui, loin de tout misérabilisme outré, garde le moyen dans ces circonstances de faire de l'esprit et de se servir de l'ironie pour contrer les difficultés. Et témoignage enrichissant sur ces douze mois qui vont modifier en profondeur l'image et le devenir du Japon.

J'ai beaucoup aimé cette lecture dense et foisonnante, sans y trouver la moindre longueur. Je me suis attachée à la famille Yamanaka, Shinsuke en tête, à qui il en arrive de drôles avec la fin de la guerre. On peut dire qu'il est ballotté par les événements et par les fameuses 7 roses de Tôkyô, qui prennent tout leur sens dans la dernière partie du roman.
Enthousiasmée par cette fresque, j'ai acheté avant même de la finir, Je vous écris, le second roman traduit en français de Inoue Hisashi. J'espère que d'autres viendront enrichir le panel disponible tant cet auteur se révèle un conteur hors pair tout en glissant dans son texte nombre de réflexions matière à débat sur le militarisme et ses dangers, sur la guerre, sur la langue japonaise face aux velléités américaines de la "simplifier" en en supprimant les idéogrammes et ses caractéristiques intrinsèques. M'étant penchée sur la représentation du concept d'idéogrammes et l'influence qu'ils ont dans la conception du texte et de l'apprentissage, cet aspect m'a beaucoup interessée et appris.

Un auteur que je recommande chaleureusement à tous les passionnés du Japon et des bonnes histoires en général.
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