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EAN : 9782707185495
208 pages
La Découverte (07/05/2015)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Depuis 2002, la Turquie est dirigée par l'AKP (Parti de la justice et du développement) et par son leader charismatique, Recep Tayyip Erdogan. Ce pouvoir " musulman-démocrate " a profondément modifié le pays : urbanisation, forte croissance de l'économie, négociations avec l'Union européenne, rôle majeur au Moyen-Orient, etc.
Pour autant, le bilan de ce long règne est ambivalent. Les avancées sur le front de la démocratisation ont progressivement laissé place... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
J'étais vraiment curieux d'apprendre d'un serieux journaliste comme Ahmet Insel, ancien éditorialiste du Cumhuriyet (un peu le Monde turc), ce que Recep Tayyip Erdogan pouvait avoir comme qualités, car personnellement je n'en voyais pas beaucoup, plutôt le contraire. Essayant de corriger mes préjugés et antipathies, j'ai décidé de compulser son ouvrage "La nouvelle Turquie d'Erdogan" avec la plus grande ouverture d'esprit dont je suis, en l'occurrence, capable.

Pour dissiper un relent de résistance, j'ai d'abord vérifié que je ne m'étais pas trompé d'auteur avec Ahmet Insel. Eh non, Insel c'est du solide. Né à Istanbul en 1955, diplômé en économie à la Sorbonne, professeur émérite de l'université de Galatasaray (Istanbul ), coordinateur à la maison d'édition qui a publié les oeuvres du Nobel Orhan Pamuk, défenseur d'un accord pacifique avec les Kurdes et de la reconnaissance du génocide arménien. À ce propos, il a écrit "Dialogue sur le tabou arménien" et collaboré avec Michel Marian à l'ouvrage "Le génocide arménien : de la mémoire outragée à la mémoire partagée". On peut donc lui faire confiance.

L'auteur explique l'avènement, en 2002, du parti d'Erdogan, l'AKP (Parti pour la justice et le développement), créé un an avant sa victoire aux élections. Les raisons de ce succès sont multiples, mais essentiel étaient la grosse magouille, la corruption et l'instabilité politique. le progrès économique dont le pays a profité au début de son règne, ainsi que l'islamisation de la société et de l'État ont grandement contribué à sa popularité. Mais une fois arrivé au plus haut point de son pouvoir, la situation s'est vite détériorée. Si au début il n'était que premier ministre de ce pays de presque 80 millions d'habitants, il en devint vite président avec un premier ministre, puis depuis l'année dernière même sans. le coup d'État avorté du 15-7-2016 lui a permis une véritable mainmise sur son pays : liquidation virtuelle de toute opposition et de liberté d'expression et arrestations à grande échelle. Une politique étrangère fantaisiste, qui lui a coûté tout crédit en Europe et une genuflexion devant Poutine, pour ne pas se trouver complètement isolé sur le plan diplomatique. La dernière phrase est de mon cru, car personnellement je ne suis toujours pas convaincu qu'il ne fût pas d'une ou autres façons derrière ce fameux putsch. C'est peut-être un peu naïf de ma part, mais à qui ce crime a profité ? Sûrement pas à son ex pote, Fethulah Gülen, qui il en a accusé !

Le livre compte 9 chapitres dont les titres ne laissent guère de mystère sur son contenu : les facteurs d'ascension et l'origine de l'AKP, les métamorphoses de l'islam politique, l'AKP comme parti dominant, conservateur et autoritaire, Erdogan comme le nouveau puissant de la Turquie et le coup d'État comme "une grâce de Dieu". Fort utiles sont les repères chronologiques en fin de volume.

J'ai commandé un autre livre d'un journaliste turc, Kadri Gürsel, "Turquie, année zéro", bien que j'ai des doutes si je vais apprendre encore beaucoup après lecture de l'oeuvre de son ancien collègue au Cumhuriyet.

Ahmet Insel a écrit un ouvrage intéressant et instructif, bien argumenté et documenté, mais je reste d'avis que si Erdogan-le-Magnifique s'occupait un peu moins de sa propre gloire et de son rôle sur la scène mondiale, ça irait beaucoup mieux pour le monde et surtout pour les Turcs.
Un petit conseil, Excellence, : prenez votre retraite, achetez-vous une jolie résidence dans une île du Bosphore, lisez votre compatriote Orhan Pamuk et laissez tomber la politique, qui de toute façon n'est clairement pas votre fort. Et surtout n'oubliez pas de libérer votre homonyme, Asli Erdogan, et tous les autres intellectuels, en prison à cause de vos caprices.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L'arrivée au pouvoir de l'AKP représente une réelle rupture dans le paradigme dominant en Turquie depuis les années 1920, mais, dans le même temps, une continuité dans le mode d'exercice autoritaire du pouvoir. Cet autoritarisme est devenu beaucoup plus visible et dominant avec l'élimination progressive de la capacité d'intervention et d'influence des forces tutélaires du kémalisme, mais aussi avec le brouillage de la perspective d'adhésion à l'UE, qui a poussé le chef de l'AKP à se tourner vers le répertoire de la droite traditionnelle turque, renforcés par les thèmes de l'imaginaire historique de l'islamisme turc. D'un côté, l'aggravation des atteintes aux libertés sous couvert des exigences de l’État sécuritaire et, de l'autre, la mise en place d'une politique d'islamisation de l'espace public.
Le rêve démocratique qui dominait dans la première moitié de la décennie 2000 a laissé la place à un autoritarisme conservateur rampant. D'aucuns pourraient soutenir que l'attitude méfiante de l'Europe vis-à-vis de la Turquie en général, et de la Turquie de l'AKP en particulier, a peut-être joué le rôle d'une prophétie autoréalisatrice. On peut aussi espérer que ce rêve démocratique aille au-delà des capacités des conservateurs musulmans à régenter la société, qu'il continue à travailler dans les profondeurs l'imaginaire social, et qu'il est devenu désormais un référent constitutif et par conséquent pourrait rejaillir, surtout lorsque la société turque saura chasser ses démons, qui entretiennent la permanence de l'autoritarisme sous en emballage de démocratie.
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Plusieurs hommes politiques qui ont participé à l'aventure de la création de l'AKP et qui s'en sont éloignés vers la fin de la décennie 2000 soulignent l'écart entre la conception de démocratie qui y régnait au début et son acception actuelle. Selon eux, l'AKP a été au départ une large coalition, regroupant la plupart des opprimés de l'Etat kémaliste autoritaire. Une fois les facteurs d'oppression et d'exclusion des populations musulmanes turcophones éliminés, son autoritarisme serait revenu à la surface et s'est renforcé au fil de l'exercice d'un pouvoir de plus en plus total. Autrement dit, l'AKP n'a pas transformé l'Etat autoritaire. Il a chassé de l'Etat ses anciens occupants et a pris leur place, sans changer fondamentalement les structures du pouvoir et l'imaginaire politique hérité. Cette continuité dans l'autoritarisme provient d'une conception instrumentale de la démocratie. Dengir Mir Firat, fondateur et pendant longtemps adjoint du président de l'AKP, le résume ainsi : "Tayyip Erdogan ne conçoit la démocratie que comme la fin de la pression qui s'exerce sur les musulmans." Une fois cette oppression éliminée, il peut proclamer l'avènement de la "démocratie avancée". Rappelons néanmoins, à la décharge du chef de l'AKP, que cette vision strictement instrumentale et utilitariste de la démocratie ne lui est pas propre ; elle est largement partagée dans la société, non seulement dans le camp musulman mais aussi chez la plupart des adversaires de l'AKP. L'autoritarisme de l'AKP et sa conception très instrumentale de la démocratie s'inscrivent dans la continuité historique de la République.
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Le pouvoir de l'AKP incarne en quelque sorte l'ambivalence démocratique dans ses deux pôles, avec d'un côté une forte légitimité électorale qui se renforce au fil du temps et de l'autre un fort penchant autoritaire accentué par cette même légitimité électorale et qui permet la subsumption de la volonté nationale et du vote pour l'AKP.
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Vidéo de Ahmet Insel
Ce dimanche 14 mai 2023, les électeurs turcs sont appelés aux urnes. Après plus de 20 ans passé au pouvoir, Recep Tayyip Erdoan, fragilisé, va-t-il enfin passer la main ? C'est en tout cas ce que souhaite une grande partie du monde de la culture et du monde intellectuel.
Guillaume Erner reçoit : Ahmet Insel, professeur retraité de l'université de Galatasaray à Istanbul et éditeur Sedef Ecer, romancière franco-turque, autrice de Trésor national (Lattès, mai 2023) Emin Alper, cinéaste
#Turquie #erdoan #politique __________ Découvrez tous les invités des Matins ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDroMCMte_GTmH-UaRvUg6aXj ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins
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