AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,62

sur 303 notes
Je me souviens d'avoir lu La cantatrice chauve toute jeune, à seize ans - oui, car je n'étais pas tout à fait aussi précoce qu'Orson Welles, qui exigea à trois ans qu'on lui fournisse le roi Lear dans le texte. Quelques temps plus tard (j'avais alors atteint l'âge canonique de dix-sept ans), un prof de français parle à ma classe de la pièce (celle de Ionesco, pas celle de Shakespeare ; ça n'aurait aucun sens si je commençais à pérorer sur le roi Lear dans une critique concernant La cantarice, ce serait parfaitement insolite, voire absurde). Bref, le prof en question veut savoir si quelqu'un l'a lue et, pour mon malheur, je réponds que oui. Ce qui entraîna de fâcheuses conséquences, puisqu'il voulut savoir ce que j'en pensais et que je répondis naïvement que je l'avais trouvée drôle mais que je n'avais rien compris. Regard atterré de sa part : il me prit aussitôt pour une sombre idiote, tandis que je décidai en mon for intérieur qu'il ne fallait jamais dire ce qu'on pensait à un professeur, quelle que ce soit la discipline qu'il enseignât. N'empêche... Je me rends compte aujourd'hui que ma réponse était tout à fait pertinente, étant donné que cette pièce est faite, justement, pour plonger le lecteur/spectateur dans un univers de non-sens.

Ionesco a largement commenté cette pièce tout au long de sa carrière, multipliant les commentaires plus ou moins contradictoires ; quant aux critiques, ils en ont donné mille interprétations : bien malin qui se vantera d'avoir trouvé la bonne. Toujours est-il qu'on sait que la genèse de cette pièce est due à la tentative d'apprentissage de l'anglais via une méthode Assimil par Ionesco, qui le plongea dans des abîmes de réflexion, les personnages présentés dans le manuel (deux couples, les Smith et les Martin) affirmant des vérités aussi évidentes que stupéfiantes que "Nous vivons à Londres et notre nom est Smith", tout en utilisant des expressions idiomatiques (en anglais, naturellement, ce qui, sinon, n'aurait pas de sens). Je crois pouvoir affirmer que beaucoup d'entre vous ont dû avoir droit à ce genre de pédagogie à l'aide de manuels particulièrement bien pensés (ah, que de souvenirs impérissables!) Ceci explique donc cela : je veux dire que la forme et l'idée de départ de la cantatrice chauve prennent racine dans cette rencontre de Ionesco avec la méthode Assimil.

Ce que, personnellement, je retiendrai de la cantatrice, au-delà des passages comiques, burlesques, ridicules, grotesques et délirants (ah, le passage avec les Bobby Watson, ah, le raisonnement sur les coups de sonnette à la porte d'entrée !!!), c'est ce travail sur le langage qui est au centre de sa conception. Un langage vidé de son sens, ce qu'on sent particulièrement à travers les répétitions de mots ou à travers des dialogues à base d'échanges de proverbes, de jeux de mots, d'expressions idiomatiques. Les personnages, sans caractère, y sont dénués de toute personnalité, à tel point qu'ils sont interchangeables. Finalement, ce qui ressort de la cantatrice, c'est l'image d'une société aseptisée où on ne réfléchit plus mais où l'on parle par mécanisme, où l'on ne sait pas communiquer (et d'autant plus si l'on a rien à dire), où l'on ne peut pas se faire comprendre, où toute discussion se termine sur un conflit.

Pour autant, je ne suis pas une adepte de la pièce. Il est clair que lorsqu'on est jeune et qu'on a pour seules références des dramaturges comme Molière, Marivaux ou Racine, on est quelque peu stupéfié par cette fameuse Cantarice chauve. Mais une fois passé le temps de l'étonnement, puis celui de l'analyse (même superficielle), je ne la trouve pas si passionnante que ça. Je n'ai pas l'impression que je pourrais la lire dix fois et y trouver à chaque fois des merveilles, et, surtout, je n'ai pas envie de la lire dix fois. Son aspect très répétitif me rebute un peu, et je trouve qu'on se lasse facilement de son côté ludique, malgré un format assez court. Après tout, c'était la première fois que Ionesco s'essayait à la dramaturgie, ce qui explique sans doute ses défauts (du moins les défauts que je lui trouve) et peut-être est-elle plus intéressante en tant que partie d'un corpus qu'en elle-même. J'essaierai tout de même de trouver une captation vidéo de sa mise en scène par Jean-Luc Lagarce : peut-être découvrirai-je par cette entremise des trésors que je ne soupçonnais pas jusque-là...
Commenter  J’apprécie          346
Si vous aimez l'absurde, cette pièce est fait pour vous !...
Il y a énormément d'inventivité dans cette pièce d'Ionesco, dont les dialogues au ton souvent acides, sont un vrai plaisir à suivre, un véritable délice pour les amateurs d'absurdité !
Ionesco invente des dialogues absurdes comme personne, pour notre plus grand plaisir !...
Chaque scène est une pépite, et les scènes, assez surréalistes, se succèdent et c'est un vrai bonheur de pièce, distrayante à souhait ( mais avec une réflexion des plus intéressantes derrière ! )
Une lecture jubilatoire !
Commenter  J’apprécie          3110
Est-ce qu'il y avait une cantatrice ?
Etait-elle chauve ?
Est-ce qu'elle se coiffait toujours de la même façon comme le dit Mme Smith ?

Si vous lisez cette pièce de théâtre, vous verserez dans l'absurde,
mais quel plaisir, ce fut, de partager ces instants de lecture avec mon cher ami, qui lui, je dois bien admettre avait le ton plus juste que moi.

Pièce vraiment tirée par les cheveux ! Un comble !

Le final se termine en délire absolument libre, dans un rythme soutenu que se renvoient du tac au tac M. et Mme Smith et M. et Mme MARTIN, avec une série de vocables dans une incongruité totale.

(p.96)
M. SMITH : Kakatoes, kakatoes, kakatoes, kakatoes, kakatoes,
kakatoes, kakatoes, kakatoes, kakatoes, kakatoes, kakatoes.

Mme SMITH : Quelle cacade, quelle cacade, quelle cacade, quelle cacade,
quelle cacade, quelle cacade, quelle cacade, quelle cacade, quelle cacade,
quelle cacade, quelle cacade.

(p. 97)
Mme SMITH : Les souris ont des sourcils, les sourcils n'ont pas de souris.
Mme MARTIN : Touche pas ma babouche !
M. MARTIN : Bouge pas la babouche !
M. SMITH : Touche la mouche, mouche pas la touche.
Mme MARTIN : La mouche bouge.
Mme SMITH : Mouche ta bouche.
M. MARTIN : Mouche le chasse-mouche, mouche le chasse-mouche.


Commenter  J’apprécie          294
Le problème que me pose cette pièce, c'est son titre, parce qu'il est impossible de la conceptualiser cette cantatrice chauve, de la ramener à quelque chose d'abstrait bien que concrètement, il y a le capitaine des pompiers qui demande de ses nouvelles (c'est gentil de sa part) mais on sent bien qu'elle n'a rien à faire là cette cantatrice, que c'est une bonne blague qu'on se raconte pour passer le temps, qu'elle est mise sur le même plan qu'un fait divers qu'on piocherait au hasard dans le journal pour alimenter la conversation.
L'anti-pièce de Ionesco ne raconte donc pas l'histoire de la cantatrice tout comme elle ne raconte pas l'histoire de M. et de Mme Smith, ni même celle de M. et Mme Martin, ni même celle de Mary et du capitaine de pompiers, ni même celle de Bobby Watson. Rien d'extraordinaire en fait, c'est une conversation somme toute banale entre amis et même lorsqu'ils annoncent de l'extraordinaire, c'est encore du banal.

Les échanges sont vides de sens. La conversation laisse libre cours au non-sens, à l'absurde. Mme Smith parle toute seule et son mari ne lui répond qu'en claquant la langue, tout concentré qu'il est sur son journal. La langue, ici, s'ankylose mais à la fin, elle sera à l'inverse, déchaînée, jusqu'à ce qu'on se fasse le plaisir de prononcer des phrases sans queue ni tête pour le plaisir de les prononcer ( c'est un bon exercice d'articulation que la fin de la pièce). La langue et le cerveau sont les outils privilégiés de la conversation détraquée aussi s'abandonne-t-on à tue-tête aux faux syllogismes, à la tautologie, à la logique qui ne rime à rien. La philosophie de salon s'arrête ici à l'esprit de contradiction. La pendule a l'esprit de contradiction, tout comme la sonnette qui provoque un incident à l'échelle internationale. Et puis A dit bleu, B dit jaune, C dit vert alors tout le monde est content. Il y a des moments de gêne, des moments d'ennui ( alors même qu'on est au spectacle, du coup rien que ça, c'est absurde parce que c'est un comble tout de même de s'ennuyer au théâtre), des moments de fou rire et des moments dramatiques parce que suivre la conversation du couple Smith, c'est suivre un dialogue entre deux petits vieux qui se comprennent bien qu'ils perdent tous deux la tête alors que suivre la conversation du couple Martin (Scène IV) c'est suivre la conversation de deux petits vieux ayant Alzheimer. Chaque personnage essaie de comprendre l'autre mais Mary, la bonne, insiste : c'est impossible parce que la perspective est nécessairement différente pour tout un chacun. L'un verra un oeil rouge à gauche et un oeil blanc à droite, l'autre verra un oeil rouge à droite et un oeil blanc à gauche.

Une pièce décalée du fait que les personnages s'assoient soit les uns en face des autres, soit légèrement "à côté" mais il arrive qu'on se mette à la place des autres. du coup, j'imagine que quelqu'un parmi les Smith, les Martin, le capitaine des pompiers, Mary, s'est assis à la place de la cantatrice ?
Commenter  J’apprécie          200
Je me souviens avoir lu cette pièce de théâtre alors que j'étais au lycée, sur les conseils d'un prof de Français..... Par contre je ne me souvenais absolument pas de la pièce elle même... et je pense qu'à l'époque je n'avais rien compris, pour autant qu'il y ait quelque chose à comprendre.
Je ne crains pas l'absurde, je me suis bien amusée de certaines situations. Mais même s'il y a de nombreuses indications visuelles, je pense que c'est un texte qu'il faut voir jouer, plutôt que de le lire.
Commenter  J’apprécie          200
Pour moi "La Cantatrice chauve" est le théâtre de l'absurde par excellence. C'est la première pièce écrite par Eugène Ionesco en 1950.
Il n'y a pas vraiment d'histoire mais ce sont des situations, des dialogues du quotidien qui semblent avoir un sens mais qui n'en n'ont pas toujours.
Monsieur et Madame Smith sont dans chez eux, ils n'attendent pas Monsieur et Madame Martin, leurs amis qui viennent leur rendre visite. Arrive ensuite le capitaine des pompiers qui connaît bien la bonne et cherche des feux à éteindre.
J'adore ce texte qui part dans des délires de haute volée. D'ailleurs, le titre "La Cantatrice chauve" n'a absolument rien à voir avec ce qui se passe et ça me fait rire.
Je crois qu'Eugène Ionesco a eu l'idée de cette pièce quand il a voulu apprendre l'anglais. Il a donc choisi de situer la scène dans la banlieue de Londres. C'est comme quand on utilise des méthodes d'apprentissage de langues en répétant des phrases un peu idiote comme "my tailor is rich".
C'est une pièce qu'il faut absolument voir jouer sur scène parce que le jeu des acteurs accentue l'absurdité des situations hilarantes.


Challenge Riquiqui 2021
Challenge XXème siècle 2021
Commenter  J’apprécie          192
Etant donné que je suis très friand d'absurde, je ne pouvais qu'aimer La Cantatrice Chauve !
C'est acide, c'est plein d'idées et de rythme, c'est inventif, bref : c'est une magnifique pièce de théâtre que nous livre ici Eugène Ionesco.
Les scènes se succèdent, avec des idées, des idées constamment… Un véritable torrent d'idées, même !
Une référence en matière d'absurde.
Commenter  J’apprécie          150
J'ai découvert Ionesco avec la pièce Rhinocéros que j'ai adooooooré et que j'ai même mis dans mes lectures de l'année. Bien qu'absurde, le message de cette pièce est incroyablement vrai ! Je m'attendais un peu à retrouver la même chose dans celle-ci... Pas du tout ! Absurde ? vous avez dit absurde ? comme c'est absurde !! Encore aujourd'hui, il est difficile de converser et de se faire comprendre car “Entre Ce que je pense, Ce que je veux dire, Ce que je crois dire, Ce que je dis, Ce que vous avez envie d'entendre, Ce que vous entendez, Ce que vous comprenez... il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même...” !
Tout ça pour dire qu'il y a une chance sur dix pour que l'on soit synchro dans notre conversation ! donc 9 chances sur 10 pour qu'à l'inverse notre conversation soit vide de sens !! Pas si absurde que ça au final ... Et, à propos de la cantatrice chauve ? Elle se coiffe toujours de la même façon !
La pauvre... contrairement à elle, je ne chercherai pas davantage à comprendre cette pièce ni le titre !!! je ne veux pas y perdre mes cheveux !!!
Commenter  J’apprécie          91
Mon challenge de l'année, c'est de lire un classique par mois minimum, et pour corser le tout, ce mois-ci j'avais décidé de relire un livre que je n'avais pas apprécié au lycée (oui oui, c'est bizarre).
En fait, je me disais que ce livre que j'ai lu il y a ... bien trop longtemps pouvait être perçu différemment avec quelques années de plus… Et effectivement, ce qui ne me touchait pas à l'époque m'a fait sourire aujourd'hui. Je ne suis pas particulièrement fan des pièces de théâtre (je préfère les voir et non les lire), mais j'ai pris beaucoup de plaisir ce jour à le lire. Cela se dévore en 1 petite heure mais j'avoue avoir eu une préférence pour le début de la pièce qui est absurde, contradictoire, à la fin qui ressemblait plus au Kamoulox.
La préface est importante, savoir que c'est la méthode Assimil pour apprendre l'anglais, qui lui a donné envie d'écrire cette pièce sans queue ni tête change totalement le regard que l'on peut porter à l'ouvrage. Cette pièce est barrée incohérente mais terriblement drôle. Une maison de fous comme où pourrait la voir chez Astérix !!

J'ai d'autres livres non appréciés il y a quelques années que je retenterai pour leur laisser une seconde chance avec un tout autre regard.
Commenter  J’apprécie          82
De l'absurde dans toute sa splendeur. J'ai aimé cette pièce autant en la lisant qu'en la voyant jouer. Les dialogues n'ont régulièrement aucun sens, tout comme le déroulement de la pièce ou certains éléments du décor (la pendule sonne bizarrement !) mais c'est savoureux :-)
À lire, c'est l'une des meilleures pièces du théâtre de l'absurde
Commenter  J’apprécie          60




Lecteurs (1143) Voir plus



Quiz Voir plus

Eugène Ionesco

Eugen Ionescu, alias Eugène Ionesco, est né à Slatina (Roumanie) en ...

1899
1909
1919

12 questions
56 lecteurs ont répondu
Thème : Eugène IonescoCréer un quiz sur ce livre

{* *}