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EAN : 9782234050631
Stock (02/12/1998)
4.2/5   46 notes
Résumé :

Au commencement était la luxure", pense Herman Broder, le héros de Ennemies.Est-ce là le thème d'une histoire d'amour qui n'est pas tout à fait comme les autres ?Broder a perdu sa famille dans l'holocauste nazi en Pologne ; il a échappé à la mort, vivant pendant deux ans caché dans un grenier à foin. Il habite maintenant un appartement à Brooklyn et vit avec sa seconde femme, Yadwiga, la petite paysan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Pour ma 200e chronique sur Babelio, j'ai choisi une histoire d'amour, mais pas n'importe laquelle : une sortie de la plume du seul Nobel en Yiddish, en 1978, Isaac Bashevis Singer, 1902-1991, "Ennemies", sous-titrée d'ailleurs "Une histoire d'amour". La version originale "Sonim, di Geshichte fun a Liebe" date de 1966. La traduction anglaise "Enemies : A Love Story", de 6 ans plus tard.

Afin de vous permettre de mieux vous représenter les personnages principaux de cette tragicomédie , je vous les mentionne en indiquant les actrices et l'acteur qui les ont incarné dans le film homonyme que le régisseur américain, Paul Mazursky, a fait de l'oeuvre de Singer en 1989. le rôle du héros de l'histoire, Herman Broder, est interprété par Ron Silver (1946-2009), acteur et régisseur juif, connu comme avocat d'O.J.Simpson dans "American Tragedy" et celui de l'avocat de Claus von Bülow dans "Le mystère von Bülow". Les 3 femmes dans vie d'Herman sont : Anjelica Huston - fille du régisseur John Huston et pendant des années la compagne de Jack Nicholson - dans le rôle de Tamara ; l'actrice suédoise, découverte par Ingmar Bergman, Lena Olin, interprète la sensuelle Masha et Margaret Sophie Stein (pseudo de Malgorzata Zajaczkowska) Yadwiga.
Surtout les actrices ont été merveilleusement bien choisies en fonction des personnages de Singer. L'affiche du film nous montre la jolie tête des 3 "élues" de Herman, et mérite d'y jeter un coup d'oeil.

Le maître lui-même nous prévient, dans un avant-propos, qu'il s'agit d'une histoire fictive autour d'un cas exceptionnel. Les protagonistes ne sont pas seulement des victimes du nazisme, mais aussi de leur propre personnalité et croyances.

Herman Broder, unique survivant de sa famille juive polonaise de l'holocauste, débarque peu après la fin de la 2ème guerre mondiale à New York.
Il vit à Brooklyn avec Yadwiga, qui, pendant 3 ans l'a caché dans un grenier à foin, et avec qui il a passé un an dans un camp nazi. Et bien qu'ils se soient mariés, Yadwiga se comporte toujours comme si elle était encore la servante du père d'Herman. En fait, à 33 ans, elle est restée la jeune fille de campagne polonaise, dévouée et timide, illettrée qui bredouille quelques mots américains. Pendant que son mari s'absente pour colporter des bouquins, elle s'enferme dans leur flat et s'imagine toujours à Lipsk, un village polonais près de la frontière lituanienne, d'où elle est originaire.

Herman, torturé par des cauchemars de guerre, vit partiellement dans le Bronx, où il occupe une chambre dans l'appartement de Masha. La femme qu'il aimerait marier dès qu'elle a obtenu le divorce d'avec son mari, de qui elle s'est séparée. Comme lui, Masha est en proie à des cauchemars de ses passages dans les camps, comme juive.

Outre ses ventes de livres, Herman gagne son minimal revenu "comme nègre" pour le riche rabbi Milton Lampert de qui il écrit les livres, articles et discours. Masha, qui ne peut survivre des 15 dollars par semaine d'alimentation qu'un juge a imposée à son mari - mais qu'il oublie de payer - travaille comme caissière dans une cafétéria, d'autant plus qu'elle a à sa charge les soins de sa mère Shifrah, sortie de la guerre très malade.
Nous sommes donc loin de l'aisance des Rothschild et co.

Comme si son existence n'est déjà pas assez compliquée, il apprend que sa 1re épouse, Tamara, qu'il croyait morte, a également survécu la Shoah et qu'elle se trouve à Broadway (New York). Leurs 2 enfants, Yocheved et David sont morts. Suit une scène pénible, lors de laquelle, elle lui reproche que leur union était, par sa faute, une caricature de mariage et qu'il lui faudra divorcer avec cette "simplette" de Yadwiga.

Comment notre Herman, légalement bigame, va se débrouiller avec ses "trois amours", je ne puis évidemment vous le raconter sans nuire à votre plaisir de lire cette oeuvre un peu particulière de ce Nobel. Masha la Belle, Yadwiga la Bonne, Tamara la Forte ? Mais, soyez rassuré, du plaisir vous aurez en lisant ce roman ! Pour construire une comédie réussie autour, après tout, de victimes de l'holocauste et l'Allemagne nazie, il faut avoir beaucoup de délicatesse et de talent ou s'appeler Isaac Bashevis Singer. On y retrouve l'auteur de "La famille Moskat", de "Satan à Goray" , "Le Manoir", "Le Spinoza de la rue du Marché" etc.

"Ennemies" ne constitue pas le chef-d'oevre de Singer, mais vaut absolument la peine d'être lu à plus d'un titre : son art de raconteur-né, combiné avec sa maîtrise d'évocation de situations complexes et sa grande compréhension du coeur humain, sans oublier des considérations philosophiques bien à lui.

L'écrivain était un homme foncièrement modeste. À ce propos, Florence Noiville dans sa biographie épatante de lui - qui porte comme titre tout simplement son nom - note qu'il détestait les biographies : "lorsqu'on a grand faim, on se moque bien de la vie du boulanger. C'est l'oeuvre qui compte, pas le bonhomme."

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New-York, fin des années 40.
Il est à la fois pitoyable et attendrissant, Herman Broder le héros de ce roman. Nègre littéraire d'un rabbin riche et célèbre, il vivote dans l'ombre - et dans un costume râpé. Polonais juif, il a survécu pendant trois ans, dissimulé dans un grenier, avant d'émigrer aux États-Unis à la fin de la guerre.
Yadwiga, la paysanne catholique qui l'a caché… et bien il l'a épousée, malgré leur différence de condition et de culture. Avec elle aussi il vivote, pas amoureux mais reconnaissant, à la fois de son sauvetage et du tranquille bien-être quotidien.
En revanche c'est avec sa maîtresse qu'il se sent vivre pleinement : Masha est un peu perturbée certes, mais sensuelle et passionnée.
Quitter l'une ? Quitter l'autre ? Là-dessus aussi Herman est pitoyable, empêtré, mentant aux deux sans parvenir à prendre une décision.
C'est ainsi que commence ce roman, sur un ton un peu vaudeville, un peu burlesque et plein d'humour : Yadwiga qui tente de devenir une bonne épouse juive en prenant conseil des voisines ; la mère de Masha qui, cliché de la mère juive, remplit Herman de nourriture.
Quand soudain surgit dans leurs vies une figure du passé.
Car le passé est là, indicible.
Masha et sa mère sont des survivantes des camps de la mort.
La première épouse d'Herman, elle, a été tuée par les Nazis, tout comme leurs deux enfants.
Cette communauté juive new-yorkaise, ce sont des personnes qui ont tout perdu dans d'atroces circonstances, qui ne peuvent dormir sans cauchemars, qui vivent dans la terreur de voir ressurgir l'horreur, d'entendre frapper et de voir un Nazi devant leur porte.
Des âmes déracinées, qui errent dans une vie qui n'est plus tout à fait la leur, tout comme Herman erre dans New-York, d'une femme à l'autre, d'une ligne de métro à une autre.
Une écriture romanesque d'une grande puissance d'évocation.

Traduit par Gilles Chahine avec Marie-Pierre Castelnau.
Challenge Nobel
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Isaac Bashevis Singer (1902-1991) est un écrivain juif polonais naturalisé américain en 1943. Après avoir abandonné le rabbinat pour se consacrer à la littérature et au journalisme, il débute sa carrière en 1925 en publiant, sous divers pseudonymes, des nouvelles et en traduisant en yiddish des romans de Knut Hamsun ou de Thomas Mann. Auteur de dix-huit romans, quatorze livres pour enfants et plusieurs recueils de nouvelles, il a reçu le prix Nobel de littérature en 1978. Son roman, Ennemies, est paru en 1975.
New York, quartier de Brooklyn, au début des années cinquante. Herman Broder a fui sa Pologne natale pour échapper à la barbarie nazie. Seul survivant, après la mort de sa femme Tamara et de leurs deux enfants, il vit désormais marié avec Yadwiga, leur ancienne domestique, une petite paysanne inculte et ne parlant pas anglais, qui l'avait aidé à se cacher. Herman Broder a aussi une maîtresse, Masha, qui elle vit avec sa vieille mère Shifrah Puah et voudrait bien épouser son amant.
Si Woody Allen ne tournait pas des films basés uniquement sur ses propres scénarios, il pourrait fort bien adapter ce roman pour le cinéma. Car enfin, il y a là dans ce bouquin de Singer, tout ce qui fait le pain (azyme) des films du cinéaste binoclard. La preuve : le court résumé donné ci-avant, va bigrement se compliquer quand Tamara – finalement toujours vivante – va débarquer dans la vie d'Herman ! Un Broder devenu bigame et pourquoi pas polygame, vu l'insistance de sa maîtresse.
Nous nous retrouvons en terrain connu – si vous êtes amateurs des écrivains américains Juifs – c'est-à-dire que tout comme les polars ont leurs codes et repères, les romans de ces écrivains ont leurs propres points communs : un héros avec une sexualité envahissante, des vies compliquées par des mensonges et une difficulté à agir car paralysée par des tourments existentiels, tourments faits de souvenirs douloureux liés au nazisme et de l'emprise de leur judéité dans leur vie quotidienne. Ajoutons-y pour faire bonne mesure, un entourage féminin assez possessif, et vous avez là tous les ingrédients d'un bon roman.
Je vous laisse découvrir les multiples rebondissements de l'intrigue, grincer des dents devant l'incapacité de Broder à gérer sa vie, sourire des traits d'humour et d'ironie de l'écrivain, réfléchir avec lui quand il appelle en soutien Kant, Spinoza, Schopenhauer et d'autres. Un roman salé/sucré qui mêle humour et réflexion sur la nature humaine sans jamais la juger, le poids de la religion et cette constatation, les souffrances indicibles devraient anéantir tout espoir de futur et pourtant, la vie continue.
C'est bien écrit, bien mené et pas très long. Moi, j'appelle ça un bon roman.
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Coup de coeur pour ce livre puissant qui dit la torture morale de survivants de la Shoah installés à New York.Les Juifs ici dépeints ont beaucoup de difficultés à se faire à la vie.C'est un récit très poignant qui dit la misère humaine , la misère des rescapés.
Dans ce roman Shiftah Puah, une vieille femme, mère de Masha, s'en veut d'être encore en vie quand tant d'autres innocentes victimes ont été martyrisées.
Il y a ceux que l'on dit morts dans les camps et qui font leur retour dans une histoire commencée avant la guerre . Ainsi Tamara arrive-t-elle en Amérique après les camps alors que son mari Herman Broder la pense morte.Herman a épousé Yadwiga, une paysanne polonaise , qui l'a caché pendant 3 ans dans un grenier ,De plus Herman a pour maîtresse Masha toujours mariée à Leon Tortshiner.
Les personnages sont des vivants en sursis, ils sont hantés par les morts . Et paradoxalement alors qu'ils ont émigré en Amérique , pays de la liberté , ils se sentent menacés,Herman a le pressentiment qu'une catastrophe est proche mais il ne renonce nullement à une vie dissolue, où le mensonge tient lui de réponse, alors qu'il se dit que le Salut est dans la Torah.
Herman est incapable de choisir entre trois femmes et c'est ce dilemme que l'auteur explore dans le livre.
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Hermann Broder est la plume d'un rabbin riche. Sa foi se ressent de son expérience de l'holocauste, encore très présente à son esprit. Il balance entre observation très relative des préceptes religieux et crises d'incroyance envers ce Dieu qui a laissé faire l'innommable. À cela s'ajoute son mariage non conventionnel avec une "shikse" polonaise, ancienne bonne au service de sa famille et qui lui a fourni asile durant la guerre, et sa relation guère plus orthodoxe avec sa belle maîtresse juive, rescapée des camps. Son existence s'écoule ainsi dans le mensonge, en d'incessants déplacements dans un New York neigeux et glacial, entre Brooklyn et le Bronx. Comme si la situation n'était pas assez compliquée, elle se corse franchement avec la réapparition d'entre les morts de sa première épouse, mère de ses deux enfants assassinés durant la shoah, survivante de la folie hitlérienne et des horreurs stalinienne. Voilà notre homme qui se retrouve bigame, très inquiet de sa situation matrimoniale au regard des lois de son pays d'adoption.

Ennemies met en scène les inconséquences d'un homme empêtré dans ses tromperies, ballotté entre la jalousie de trois femmes, jouet de sa lâcheté qui le paralyse au moment du choix. Ce qui m'a le plus intéressé est l'évocation périphérique de la vie transitoire du métro new-yorkais, autant dire que je n'ai pas été le lecteur fasciné dont il est question dans la quatrième de couverture de mon vieil exemplaire de la Bibliothèque cosmopolite Stock.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Ici et là, des clients attablés lisaient ouvertement des journaux yiddishs. Ils n'avaient à se cacher de personne. Pour Herman, ce spectacle était toujours une sorte de miracle et chaque fois il se demandait : "Combien de temps cela durera-t-il ?"
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Herman passa la soirée avec Masha. Ils se querellèrent, se réconcilièrent, se querellèrent encore. Comme à l’accoutumée, leurs propos furent un tissu de promesses que l’un et l’autre se savaient incapables de tenir, de voluptés imaginaires qu’ils n’éprouveraient jamais, de questions posées pour aiguillonner mutuellement leur désir. Masha se demandait si elle aurait permis à Herman de coucher avec sa sœur (à supposer qu’elle en eût une). Si elle eût pris plaisir à se partager entre Herman et le frère qu’il n’avait pas. Ce qu’elle ferait si son propre père vivait encore et se prenait pour elle d’une passion incestueuse. Herman la trouverait-il encore désirable si elle décidait de revenir à Léon Tortshiner ou d’épouser, pour son argent, un homme riche ? Et si Shifrah Puah venait à mourir, Masha se mettrait-elle en ménage avec Herman et Yadwiga ? L’abandonnerait-elle s’il devenait impuissant ? Leurs conversations aboutissaient souvent à la pensée de mort. L’un et l’autre étaient certains de mourir jeunes.
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Chaque fois qu' Herman avait assisté au massacre des animaux et des poissons, il avait toujours eu la même pensée: dans leur comportement avec les créatures vivantes, tous les hommes étaient des nazis. La suffisance avec laquelle l'homme disposait des autres espèces comme il lui plaisait était un exemple des théories racistes les plus extrêmes, du principe que la force fait le droit.
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S'il existe, dans les Sublimes Hiérarchies, un Dieu de Miséricorde, il ne peut être qu'un pauvre petit Dieu sans pouvoir, une sorte de Juif céleste perdu au milieu d'un Olympe de non moins célestes nazis. À qui n'a pas le courage d'abandonner volontairement ce monde, une seule issue est offerte : se cacher et tuer le temps à l'aide de l'alcool, de l'opium- dans une grange à Lipsk ou dans une petite chambre chez Shifrah Puah.
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Dans cent ans d'ici, on aura si bien idéalisé l'image de nos ghettos qu'on les verra peuplés uniquement de saints. Rien ne saurait être plus faux.
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