Nocturnes : Cinq nouvelles de musique au crépuscule

Depuis quelque temps j'ai de la peine à me détendre convenablement dans mon propre appartement. Si je suis seul chez moi, je suis gagné par la nervosité, obsédé par l'idée de manquer un rendez-vous crucial à l'extérieur. Mais si je me retrouve livré à moi-même chez quelqu'un d'autre, je suis souvent envahi par une agréable sensation de paix. J'aime m'enfoncer dans un canapé inconnu avec un livre pris au hasard.

A cet instant, tu as le choix entre elle ou moi, je le crains. Un peu comme dans ces pièces où le même acteur joue deux rôles.

Un pareil moment est donc un rappel fâcheux de la rapidité avec laquelle les choses changent. Comment les amis de cœur d'aujourd'hui deviennent des inconnus demain, dispersés aux quatre coins de l'Europe, jouant le thème du Parrain ou Autumn Leaves sur des places et dans des cafés que vous ne verrez jamais.

[Violoncellistes]

Maintenant il n'y a plus rien à faire, je suppose, à part attendre qu'on m'enlève ces bandages. Et après ? Peut-être que Lindy a raison. Peut-être ai-je besoin de faire la part des choses, peut-être la vie est-elle beaucoup plus grande que l'amour d'une personne. Il se peut que ce soit vraiment un tournant dans mon existence, et que la cour des grands se profile à l'horizon. Peut-être qu'elle a raison.

[Nocturne]

Mais ce serait... satisfaisant, non ? Tous ces trophées dans la poubelle. Je parie que chacun de ces lauréats est un imposteur. Je parie qu'à eux tous ils ne réunissent pas assez de talent pour remplir un petit pain à hot-dog.

[Nocturne]

Je l'interrompis là pour souligner que même si avec les années je m'étais habitué aux abîmes où il pouvait sombrer quand il me persuadait de faire quelque chose qui sur un plan professionnel tournerait à son avantage, cette dernière ruse était enfouie en un lieu si profond qu'aucune lumière n'y pénétrait et que le crottin de cheval fumant y gèlerait en quelques secondes.

[Nocturne]

Parce que ce qui importait, c'était l'image, la "marketabilité" [...].
Tout ça me rendait malade. J'étais musicien, pourquoi fallait-il que je participe à cette comédie ? Pourquoi ne me laissait-on pas jouer ma musique du mieux que je pouvais et continuer de m'améliorer, même dans mon réduit, et peut-être qu'un jour, peut-être seulement, des mélomanes sincères m'entendraient et apprécieraient mon travail ? Qu'avais-je besoin d'un spécialiste de chirurgie esthétique ?

[Nocturne]

nous avions une dette de neuf mille cinq cents dollars. C'était typique de Helen. Une personne formidable sur beaucoup de plans, mais cette faculté d'oublier complètement l'état réel de nos finances et d'envisager de nouvelles dépenses colossales, c'était tout elle.

[Nocturne]

- J'en ai seulement quarante-sept...
- Comment ça, tu en as seulement quarante-sept ?"
[...]
Ce seulement, c'est ce qui détruit ta vie, Raymond. Seulement, seulement , seulement. Je fais seulement de mon mieux. J'ai seulement quarante-sept ans. Bientôt tu auras seulement soixante-sept ans et tu tourneras seulement en rond en essayant de trouver un putain de toit à mettre sur la tête !

[Advienne que pourra]

J'ai longtemps vécu ici, en Espagne, et aussi en Italie et au Portugal, tandis que Charlie est toujours resté basé à Londres. Si ça donne l'impression que je fais partie de la jet-set et qu'il est casanier, c'est comique. Car en fait c'est Charlie qui s'envole toujours - pour le Texas, Tokyo, New York - vers ses réunions de haut niveau, tandis que je reste coincé dans les mêmes bâtiments humides année après année, à préparer des tests d'orthographe ou à mener les mêmes conversations dans un anglais au ralenti.

[Advienne que pourra]