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Luba Jurgenson (Traducteur)Anne Coldefy-Faucard (Traducteur)
EAN : 9782848050768
264 pages
Sabine Wespieser (30/11/-1)
3.5/5   13 notes
Résumé :

Contes du chemin de fer. La vie a bien changé à Guilas, paisible bourgade d'Ouzbékistan, depuis que le train s'y arrête : les tribus d'Asie centrale, les voyageurs de toutes origines, et bientôt les populations déportées par le régime communiste y côtoient les autochtones, forcés de s'habituer à leurs nouvelles conditions de vie. Pendant la Seconde guerre mondiale, période sur laquelle s'ouvre ce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Des récits qui, mêlés à des contes et légendes juxtaposés à la manière des contes de "Mille et une Nuits",racontent l'histoire des habitants d'une paisible bourgade d'Ouzbékistan,Guilas.
Cette petite ville imaginaire est un microcosme de cette partie de l'Asie Centrale,où l'auteur,à travers le XXème siècle,de l'avènement de l'impérialisme russe à la fin de l'ère soviétique ,nous fait défiler une myriade de personnages hauts en couleurs,de tout bord,Ouzbeks, Kazaks,Kirghizs,Ossétes,Tsiganes,Vietnamiens,Coréens....Dans cet univers où se mêlent le grotesque au sordide, le mystique au réel, la vie de ces personnages dont les habitudes culturelles sont profondément ancrées dans l'Islam traditionnel , chamboule avec la venue du communisme : l'usuel polygamie devient un choix entre bigamie et déportation,les fonctionnaires d'Etat se hissent au niveau des traders de Wall Street, les mollahs se reconvertissent en jardiniers...
L'autre grand changement est l'arrêt du train à Guilas, y amenant voyageurs de toutes origines et où le tchaikhane(littéralement café où on boit du thé), devient l'épicentre de la bourgade où ragots et anecdotes sont égrenés.
Les personnages (Oppok Oim qui savait tout sur tout le monde/Zollmourade le Stérile/Bakhri-Mémé Fortune la diseuse de bonne aventure...), les anecdotes (celle de Fathula le Borgne et Boikouch la Bigleuse qui arrachait avec la racine tout ce qu'elle touchait / Un enterrement où la plaisanterie du mollah tourne à la farce...) sont tous plus truculents les uns que les autres.
Un roman polyphonique,anachronique ,simple,drôle,où le seul bémol est de s'y retrouver avec les très nombreux personnages qui reviennent dans les divers anecdotes.
Un livre qui rappelle les films du cinéaste géorgien Otar Iosseliani et l'excellent livre de Panos Karnezis, "Histoires Infâmes ",dont le cadre aussi est une bourgade imaginaire en Gréce.
Un livre très riche dans tous les sens du terme, un vrai plaisir de lecture!
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Quel tourbillon ! on se croirait chez Kusturica , avec des poules qui volent et des trompettes qui sonnent.
Ca court, ça trompe, ça vole, ça entourloupe, ça ruse dans la steppe , les montagnes, les déserts...
Ce recueil de contes qui a pour théâtre la partie musulmane de l'ex URSS est un véritable souffle de vie , aidé par une écriture acérée qui donne un grand tonus au texte.
On est principalement à Guilas et les histoires se déroulent entre le début du XX ème et la fin des années 50. L'arrivée du chemin de fer a bouleversé le paysage et la population locale , qui visiblement n'avait déjà pas besoin de ça pour être détonante. L'arrivée des bolcheviks aussi a secoué le microcosme local et a suscité des vocations pour la gouvernance.
on croise beaucoup de peuples des steppes asiatiques, on y découvre quelques coutumes.
Une lecture originale qui a cependant eu un défaut pour moi, mais sans doute en suis je la cause : il y a quelques contes auxquels je n'ai rien compris , comme s'ils étaient écrit dans une langue que je comprenais mais qui m'était inaccessible : Trop de personnages, trop de surnoms, trop de non dits et résultats, j'y pige que dalle. Mais bon , quatre ou cinq pages plus loin , on repart sur une autre cavalcade, en espérant ne pas être lourdé dès l'entame !!!
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Découverte d'un auteur merveilleux, avec un recueil de contes nouvelles vraiment magnifiques, balançant entre la sensibilité de la littérature russe et le goût du fantastique turco-persan : salopards hilarants, gens simples et naïfs oscillant entre chance et malchance, roublards maladroits, et toute cette foule de peuples, ouzbeks, kirghizes, sarts, luli, juifs, communistes, mollahs, cheminots, ivrognes et mouchards… Guilas, 'paisible bourgade d'Ouzbekistan' semble à elle seule un concentré des républiques soviétiques d'Asie centrale, dont le seul lien avec la Russie est le chemin de fer, convoyant marchandises, soldats, déportés, aller simples ou aller-retour, hasardeux et arbitraires, inspirés par la politique du tsar, des soviets ou du Guide.

Mon personnage préféré est Obid-cori, mollah kirghize ayant épousé par amour une Ouzbek, qui resta indélébilement kirghize chez les Ouzbeks, et qui, du jour où tout le monde fut fortement incité à devenir kirghize, refusa et resta ainsi le seul Ouzbek de Guilas, comme il en resta le seul et unique mollah.

"La vie est tissée de mots : on dit ou on pense avoir bien ou avoir mal agi. Or, que sont le bien et le mal en dehors des mots ? Lorsque les mots sont retournés, ce ne sont plus les feuilles qui projettent de l'ombre mais l'ombre qui engendre des feuilles. (…)
Lien : http://sohrawardi.blogspot.c..
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Une fois le prologue lu et oublié, on entre dans le monde fantasque, drôle et féroce de cet auteur ouzbèke qui fut expulsé de chez lui pour "inacceptables tendances démocratiques".
Une belle découverte pour moi !
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Un livre qui ne m'a pas laissée complètement insensible, même si je l'avoue j'ai eu du mal à m'y investir.
Ismaïlov raconte une ville, une ville comme entité à part entière, à travers l'identité de ses cellules que sont ses habitants. Il nous fait découvrir une hydre, un monstre avec ses têtes les plus belles, les plus poétiques, mais aussi les plus cruelles.
Lien : http://livre-monde.com/?p=795
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L’été, on installait les tables de la tchaïkhana sous les immenses peupliers argentés près de la gare. L’année où la guerre éclata, il y avait également cinq supas sur le sol. Il restait de moins en moins de monde à l’ombre des peupliers : les habitants de Guilas étaient partis au front, les blessés et les fuyards n’étaient pas encore arrivés. Il y avait Oumarali l’Usurier, réformé pour avoir pris seize kilos pendant son séjour en prison, avant le conflit, et aussi Tolib le Boucher, qui, à l’époque, comme pour faire baver d’envie Oumarali, était si maigre qu’on lui confiait le dépeçage et la distribution de la viande rationnée : on pouvait être sûr qu’il ne serait pas tenté de s’en mettre plein la panse. Pourtant, Boïkouch la Bigleuse avait bien dit, à l’époque, qu’un homme qui n’avait que la peau sur les os serait incapable de veiller au bien-être des autres. À l’aube, apparaissait sous les peupliers Koutchkar la Tchéka, auquel Oppok la Belle avait un jour crevé un tympan en lui tapant dessus, si bien qu’aujourd’hui, il n’avait qu’une oreille pour faire son travail de mouchard.
Le matin, tous les trois occupaient leur supas, bien séparés, afin que personne ne pût les soupçonner de comploter ; glissant une petite boule d’opium sous leur langue, ils fermaient leurs paupières enflées en attendant soit l’aube, soit des rêves, soit le train de 7 h 12 et le Bureau des informations de Guilas.
Parfois, le doux bruissement des feuilles chauffées par le soleil était interrompu par des remarques d’Oumarali l’Usurier, dont la grosse tête s’appuyait sur un poing de la taille d’un gant de boxe.
« Il paraît que les Allemands sont tout près. Hier, Oktam le Russe a dit qu’on en avait aperçu un à Tchengueldy... »
Quelques minutes passaient, pendant lesquelles on n’entendait à nouveau que le chuintement des feuilles ; puis, Tolib le Boucher prenait la parole. Deux mouches qui venaient de se réveiller rampaient déjà sur son visage exposé au soleil :
« S’ils viennent du côté du Kazakhstan, ils arriveront forcément par le chemin de fer... »
Nouvel instant de silence et, ayant enfin enregistré ces informations de son unique oreille, Koutchkar la Tchéka, ratatiné comme un abricot sec, ajoutait :
«S’ils arrivent de Guilas, ils passeront fatalement par la tchaïkhana... »

Une longue pause s’ensuivait, rompue par le grincement des traverses de bois ou les craquements des gros troncs de peupliers, qui semblaient annoncer un lointain écho : un train approchait... ou étaient-ce les Allemands ?
« Parpi le Serpent est un malin. Il leur servira du pilaf, pas vrai?»
Oumarali l’Usurier s’en léchait la moustache qu’il avait monstrueuse.
Le vent soufflait. Les minutes passaient. Le chétif Tolib ajoutait son grain de sel :
« Et avec de la viande par-dessus le marché ! »
Enfin, Koutchkar la Tchéka tressaillait au sifflement de la locomotive dans le lointain, comme si quelqu’un lui avait crié : « Garde-à-vous ! » Il concluait, impassible : « Il les volera, ce salaud. Il prendra aux Allemands tout leur argent, leur or. Il leur servira à manger, les baratinera et les dépouillera... »
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Un jour, le petit-fils de Tolib le Boucher, Nassim Beaugosse, surnommé - Dieu sait pourquoi ! - Passage à niveau, fut convoqué au bureau de recrutement. Il se tenait devant la commission militaire, perdu dans une file de gars aussi malingres et basanés que lui. C'est alors que le chirurgien Ichankoul Ilitchevitch leur ordonna à tous de baisser leurs caleçons (bleus, en coton)et de se pencher en écartant les jambes, pour la détection des hémorroïdes. Jeanne, à son habitude, se mit à examiner les anus poilus et malpropres, mais arrivée au milieu de la rangée... Elle ne comprit pas tout de suite de quoi il retournait et crut qu'on lui proposait un pot-de-vin.
Tolib avait toujours, à un crochet de sa boucherie, un long morceau de bavette. De même, entre les jambes écartées de son petit-fils pendait, presque jusqu'à terre, quelque chose d'incroyablement long et mou. Jeanne en eut le souffle coupé. Toutefois, son intuition professionnelle lui souffla que ce n'était pas de la bavette...
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Sur le chemin de l'adhésion au Parti, Koun-Okhoun tomba sur Timourkhan, un Tatar bigle qui se reposait dans une clairière près du chemin de fer, après une nuit d'amour avec Mourzina la Mordve.
"Où vas-tu, s'enquit Timourkhan par pur désœuvrement, en fixant le passant d'un œil.
- C'est hors de question ", répondit Koun-Okhoun le Sourd, pensant que le Tatar cherchait, à son habitude, un compagnon pour boire un coup.
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