Dans ce recueil de poèmes,
Florence Issac abrite l'éternité et défie l'Infini à dévaster l'horreur. Telle qu'une louve haletante et anxieuse, pure lumière,elle cherche fiévreusement des lueurs pour l ́Humanité et pour elle-même. Quelques-uns de ses poèmes ressemblent bien à «La liberté en guidant le peuple», de Delacroix, devenu parole écrite, mais ils sont traversés par sa fraîcheur, son innocence lucide et son enfance adulte. Et c'est alors que la Vérité, si terrible soit-elle, se résout en Beauté guidée par sa main. D'autres poèmes ont la tendresse de«Femme penchée sur la table» d'
Eugène Carrière,également béni. Mais tous sont amour-poème pour elle qui, comme un souffle d'anges, dessine avec une plume d'oie le portrait de chaque strophe, ses yeux vers le ciel.«
Juste un peu d'amour avant la fin» est un duel entre la Vie et la Mort, dans un livre qui est à la fois poésie et narration. Florence a le courage de se regarder intérieurement et de nous raconter ses différentes morts et résurrections, comme seulement les grands poètes peuvent le faire. Ainsi, en lisant la dernière ligne de la dernière page, on a l'impression d'avoir assisté à un défi entre la sève et les cendres. Mais, au contraire de ce qui arrive dans le film le septième sceau de Bergman, c'est le chevalier et pas son sinistre rival qui gagne la partie d'échecs.En ce cas-ci, la dame, notre auteur.«Écrire en plein jour le coeur de sa nuit», c'est ce que Florence révèle en un cri qui chuchote, tel qu'un manifeste d' intentions, depuis la première page de son livre. Et l'intention se réalise. L'auteur, fidèle à l'esprit de
Whitman, dans sa rencontre avec le poète«...Que tu es ici/que l a vie existe/Et l'identité/ Que le prodigieux spectacle continue/Et que tu peux y apporter la rime» , dénude le sombres qui la contournent et qui des fois, tant de fois , la pénètrent et la plongent dans un abîme. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu'elle meure. Non. Elle écrit habitée par le jour, depuis l'amour et la joie de vivre.«L'ailleurs existe-t-il?» se demande-t-elle, et elle nous répond en«Quête»,même si l'affirmation prend forme de question, dans son vertige Azur.D'un regard spirituel et rempli de couleurs, elle nettoie les miroirs de l'Univers et fait finalement échec et mat au Roi des Ténèbres («La mort n'existe plus si la mémoire reste»). Et c'est donc pour cela que certains de ses poèmes parmi lesquels Délires circulaires(«Il est un jour où je ne peux plus...Il est un jour où mon moi inconnu me pèse...Il est un jour où tout devient ‘non'...Il est un jour où j'ai froid, je pleure, je n'essaie plus...» ) , où elle se révèle si
courageusement faible, nous donnent en même temps l'impression que se referme jamais. D'après
Olga Orozco la réalité,cette clé closant toutes les portes du désir, la frappe. Or,
Octavio Paz affirmait déjà que le destin du mot désir,de
Baudelaire jusqu'à Breton,se confond avec celui de la poésie.C'est ainsi que, pour la poésie, Florence a toujours une fente qui permet à la lumière de se filtrer: la grâce de vivre, les grâces à la vie . On a touché aucoeurde la nuit, et pourtant elle reste fermement ancrée au jour.En plein jour. Au soleil.Chez Florence il y a une mémoire de la berceuse. Il y a une mémoire de son temps d' enfant. Il y a une mémoire de l'absence qu'elle n'oubliera jamais, et qui est toujours présence. Elle n'occulte pas ses fêlures intérieures à travers lesquelles se filtrent goûte à goûte les mesquineries du monde, qu'elle veut changer. Oui,même si,et pour cela tel qu'elle le dit enFragile¾, le soleil est...«triste» («Il ne donne plus qu'un rayon gris sur mon visage»);ou bien noir, comme elle l'évoque dans son poème «Noir soleil» ( sorte de poème-prose-aphorisme). Noirceur.Mais non. Dans ce livre, autobiographique et pas en même temps, notre poète de fenêtres vers l'intérieur («Je n'irai pas me promener. J'aime mieux mélanger et gribouiller») montre bien que, même si elle est toutes les musiques, son essence est une seule. Certes, elle peut bien être un hymne, une symphonie, un allegro, un adagio ou un gospel, selon se présente la vie. Mais son Être qui abrite l'éternité, son Être profond –qui est son foyer, dont elle émerge avec des bouquets de graines et d'amour permanent-, c'est un mot et de Pergolesi ou de Vivaldi. Alors là, renaissant en elle-même, elle atteint des horizons fugitifs et défie le silence. On lui a accordé le don de la parole et celui de la beauté, et elle s'y soumet.C'est une beauté qui ne se rend pas à la facilité , une beauté qui ne concède pas,mais qui s'emploie à faire l'effort le plus difficile, celui de la transparence. Elle ne se rend pas non plus à la Mort, ce soleil noir, ce joueur d'échecs noir qui la visita tout au long du «film de ma vie» (Amour Éternel), portant à chaque fois un masque différent.«Film». Ce livre est lui-même un film, puisque chaque vers ou chaque ligne de sa prose poétique est un photogramme lumineux pour un monde désespéré d'aube.
Il n'y a plus de retour pour les lecteurs. Maintenant, on connaît le coeur de la nuit, depuis le jour. Maintenant, il bat de ses ailes dans notre coeur, tel des oiseaux au gré du vent.Et, tout comme Roméo et Juliette, on entend dans
Juste un peu d'amour avant la fin, venant du puit profond des ombres devenues lumières, le chant du rossignol. CRISTINA CASTELLO Buenos Aires, le 28 février 2005 http://www.cristinacastello.comTraduction: Patricia Cadranelpatriciacadranel@yahoo.com.ar
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http://www.florenceissac.com..