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EAN : 9782070375936
592 pages
Gallimard (07/06/1984)
4.31/5   8 notes
Résumé :
Dans ce groupe de livres, on retrouve Adrien Zograffi dans de nouvelles aventures. Il entre comme valet chez un armateur et connaît ainsi un bref moment de sécurité. Mais la révolte des dockers lui donne l'occasion de s'exprimer avec fougue. Un grand journal veut l'embaucher. Il préfère reprendre ses vagabondages, ses rêves d'amitié, dans une Méditerranée où la misère est toujours cachée par de prodigieux mirages : Égypte, Syrie, Liban, la Roumanie de nouveau jusqu'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Panaït Istrati. Heureux hasard que cette rencontre ! Merci à celui.elle qui a déposé ce roman dans une boite à livres ! Je ne connaissais pas cet auteur. Je ne connaissais pas son destin. Je ne connaissais pas l'intrépide et poète Adrien. Je découvre la Roumanie en ce début du 20e siècle, quelques années avant la première guerre mondiale.. La Syrie, le Liban, l'Égypte... L'écriture est vivante, rebondissante, les personnages attachants. Et c'est avec bonheur que l'on suit Adrien tout au long de ses réflexions, ses errances, ses combats, ses vagabondages. J'ai tout simplement adoré la lecture de ces trois textes: La maison Thüringer, le bureau de placement, Méditerranée.
Panaït Istrati fut l'ami fidèle de Romain Rolland. Et tout en le lisant on ne peut que comprendre les liens fraternels qui les unissaient.
Astrid Shriqui Garain
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
LE train omnibus déposa Adrien à Bucarest un soir d'avril 1904. C'était un train de pauvres, composé uniquement de troisièmes et de wagons de marchandises. Depuis Braïla, il avait mis plus de huit heures à faire les 230 kilomètres environ qui séparent cette ville de Bucarest, traversant une interminable plaine noirâtre et semblant ne plus vouloir repartir après chaque arrêt dans les haltes soli- taires de la steppe du Baragàn. Pauvre train. Adrien, passant près de la locomotive ahanante, suintante, toute rafistolée, lui jeta un regard de commisération :

« Ces machines, pensa-t-il, on dirait qu'elles ont une âme. Lorsqu'on les fatigue trop, elles gémissent comme des êtFes animés. »

Il se serait complu à poursuivre cette idée de la machine — bête de trait, mais, dans la bousculade de la sortie, le visage tourmenté d'une paysanne lui rappela sa mère et il s'attrista aussitôt. Encore une fois elle l'avait gourmande et s'était opposée à son départ. Il avait passé outre comme de coutume, néanmoins les paroles de la mère l'agaçaient :

— Tu pars, tu reviens... Tu pars vêtu, tu rentres dégue- nillé. Combien de temps cela va durer ?. Tu as vingt ans et point de profession définie. Tu fais tous les métiers, mais aucun convenablement. Autant dire, tu ne fais rien, quoil Vagabond !

Adrien savait que, selon sa mère et selon tout le quartier, n'était convenable qu'une vie pareille à celle de la locomotive — bête de trait. Bien pis, lui, il devait encore se marier, user ses os entre une famille misérable et un infâme atelier.

Non. Pas ça ! Plutôt le vagabondage ! Plutôt le mépris universel ! N'était-il pas maître de son existence ? Pourquoi lui imposer la charge d'une famille et le bagne d'un atelier ? Non, non ! Il aimait courir la terre, connaître, contempler. Voilà la vie qu'il aimait, au prix même de tous les sacrifices, de toutes les souffrances.
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Ramassé en boule, sur un tabouret bas, dans un coin de cette énorme cuisine de grosse maison bourgeoise, le jeune Adrien se tenait coi et semblait prêter l’oreille à quelque chose qui se serait passé dans sa poitrine. Il en-était tout préoccupé, depuis une heure qu’il était là. Sa mère l’avait fait venir, afin de le placer comme « garçon de courses », et, malgré l’heure trop matinale, la pauvre femme commençait à s’inquiéter de l’attitude, à son avis, peu convenable, que son fils adoptait au moment même où il allait être présenté aux patrons.

Dieu, qu’il est bourru ! – pensait-elle, se tenant debout, pour éviter toute surprise désagréable. Ce garçon n’arrivera jamais à rien.

Blanchisseuse dans la maison Thüringer, depuis des années, la mère Zoïtza savait que, d’un moment à l’autre, madame Anna, femme de M. Max Thüringer, allait faire irruption dans la cuisine, le fer à friser à la main. Elle s’installerait, comme d’habitude, devant la portière du fourneau, assise sur ce même tabouret bas qu’Adrien avait pris sans demander permission à personne. Là, jacassante ou morose, selon son humeur, madame Anna passait une petite demi-heure à faire trois choses à la fois friser ses cheveux, prendre son café et établir, d’accord avec sa mère, cuisinière de la maison, les menus de la journée. Puis, jolie, pimpante, elle allait faire le marché, accompagnée d’un domestique.

Adrien ne savait rien de tout cela, mais il sentait, de temps à autre, que sa mère n’était pas contente de lui. Il ne la regardait pas. Il fixait constamment le sol, à ses pieds, et mille souvenirs, mille sentiments, divers, contradictoires, tantôt gais, tantôt tristes, défilaient sous ses yeux. Il apercevait cependant, parfois, les pieds de sa mère qui changeaient de place, impatients.

Elle voudrait que j’attende debout, comme elle, se dit-il. Pour le respect de qui ? Les patrons, les deux frères Thüringer, ne peuvent pas venir à la cuisine. Ce sont de trop gros messieurs, et « rigides comme tous les Allemands Serait-ce pour le respect de madame Charlotte, mère de madame Anna? Ou pour madame elle-même ? Ou, encore, pour Mitzi, la jeune sœur de celle-ci ? Allons donc ! Ces trois femmes, aujourd’hui maîtresses de grande maison et bien braves, du reste, il ne les connaissait que trop, les ayant connues autrefois, et non comme « grandes dames ?. Six années auparavant, alors qu’il était âgé de treize ans, il avait habité la même maison qu’elles, sise place du Marché- Pauvre. A cette époque-là madame Charlotte venait de perdre son mari, M. Müller, mécanicien allemand débarqué en Rou- manie au temps des premiers chemins de fer, pensionné depuis longtemps et paralytique. Adrien avait beaucoup admiré la gravité de ce vieillard qui, cloué dans son fauteuil, lisait jour et nuit le Ber/Mer Tageblatt et la Frankfurter Zeitung. La misère régnait alors, dans cette famille, mais Adrien avait remarqué déjà que,, chez les Allemands, la misère pouvait être digne. Point de vêtements déchirés, ni sales, comme on en voyait chez « les nôtres ». Et les raccommodages, toujours savants, presque invisibles. Quant à la popote, c’était avec des sommes dérisoires que madame Charlotte parvenait à fabriquer des plats savoureux et même des gâteaux.

Toutefois, la misère harcelait de plus en plus la veuve et ses quatre enfants, trois filles et un garçon, dont aucun encore ne gagnait. On s’endettait. On emprunta de l’argent même à la mère d’Adrien, la plus pauvre des veuves. Puis les créditeurs devinrent agressifs. On dut vendre du mobilier. Enfin, toute honte bue, la puînée, Anna, alla se placer comme servante chez les frères Max et Bernard Thüringer, grands exportateurs de céréales, à Braila, ville où se déroule notre chronique et second port danubien de la Roumanie, alors bouillant d’activité.
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