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Critique de fanfanouche24


Acquisition en 1984- Relectures régulières... dont une, en diagonale...le 29 juillet 2019

Mes rangements drastiques du Printemps s'étirant "dangereusement"et à souhait sur l'été, j'en profite pour écrire quelques lignes sur des livres,des auteurs qui ont compté... et pour lesquels je n'ai pas eu le temps de le faire [ces lectures étant très lointaines !!]. C'est le cas pourPanaït
Istrati, cet écrivain roumain, autodidacte brillant, ayant réussi à écrire ses ouvrages en français...

Nous ne pouvons qu'être reconnaissants à jamais envers l'écrivain , Romain Rolland qui a sauvé Istrati du suicide,
et l'a très fortement encouragé à écrire...

Cette publication m'est d'autant plus chère que je l'ai acquise dans des conditions peu banales...J'étais libraire depuis 3 années...et la directrice de la librairie parisienne où "j'officiais" m'avait demandé d'aider une "ancienne" de la maison, préposée "exclusive" pour sortir des rayons
les ouvrages récents à "retourner", n'ayant pas été vendus une fois, les trois premiers mois de leur publication...

J'avoue que c'est une des tâches incontournables et vitales pour une gestion "saine" d'un libraire, même si cela induit des regrets, des tristesses que tel ou tel auteur, tel ou tel livre apprécié partent "au cimetière des livres" !!!

Ce fut le cas pour ce "Pèlerin du coeur"... que je devais retourner selon les critères décrits ci-dessus... j'en étais malade... Alors même en ayant dépassé largement mon budget -livres ce mois-là... j'ai acquis ce livre très éclairant, captivant (pour tous les passionnés d'Istrati ... et pour tous les curieux), ne me résignant absolument pas à ce qu'il rejoigne les orphelins, mal-aimés, et oubliés !!

Livre des plus intimes puisqu'il ne réunit que des textes autobiographiques, regroupés en cinq sections:

1. -Autobiographie- qui résume la vie d'Istrati de sa naissance (1884) jusqu'à la veille de la parution de -Kyra Kyralina- (1924)

2.- La naissance d'un écrivain- reconstitue le parcours d'un "vagabond sans sou ni maille-, sans aucune notion de français et qui, après" quelques années de misère, de détresse et de mort", surgit un "écrivain de langue française, dont la renommée se répand à travers le monde"...

3. -Témoignages- publiés dans la presse de l'époque.

4. -Le Pèlerin du coeur- "Pages écrites en souvenir d'amis disparus et qui témoignent de son culte pour l'amitié, avec un amour digne d'une page de Montaigne "

5. -Les dernières années- de solitude, de maladie et de confiance dans sa vérité...Parmi ces pages, il y a deux documents autobiographiques de base: -"Pourquoi je me suis retiré à Braïla", où il explique l'abandon de l'Occident, et -Pages de carnet intime", écrites six mois avant sa mort. Comme le préfacier, Alexandre Talex le formule si bien: " Pages d'anthologie et testament spirituel qui résonne comme un "chant du cygne..."


Quelles drôles de coïncidences, ou de familles de pensées se dévoilent sans que nous nous en rendions vraiment compte dans l'instant de nos choix..; Je lis un roman de Gyorgy Siro, "Diavolina", autour de l'écrivain , Maxime Gorki... et ...me revient en mémoire que Panaït Istrati était surnommé le nouveau "Gorki balkanique " !!

Une publication extraordinaire au titre des plus justifiés... de cet homme talentueux, épris de justice sociale et d'empathie envers les hommes les plus défavorisés , obligés pour survivre à la soumission et au silence...

"Nul ne peut aimer l'humanité. On ne peut aimer ce qui est anonyme et ce qui vous échappe totalement. Mais on peut aimer un être humain, dix, vingt, au long de toute sa vie. On peut leur sauver la vie, au besoin, et eux peuvent sauver la vôtre. C'est cela toute l'humanité ! Je me suis brouillé avec elle en allant à sa découverte sans la trouver, en essayant de l'aimer sans le pouvoir. Aujourd'hui, à Braïla, ne courant plus après personne et ne me faisant plus un devoir de l'amour, je découvre des êtres humains sans les chercher et ils me sont sympathiques sans peine. Et , d'ailleurs, je ne vois plus que des vaincus, étant moi-même le vaincu de ma propre victoire.

(...) Seuls les vaincus sont dignes de sympathie. L'être humain devient un fauve dès qu'on lui accorde un brin de pouvoir, c'est-à-dire de l'importance. Il l'utilise, sur- le-champ, pour écraser son semblable. de sorte que j'en ai assez des hommes importants et que je me séparerai, à l'avenir, de tout ami qui deviendra important." (p. 230-231)

Une lecture bouleversante qui ne peut que provoquer la relecture de cet écrivain- humaniste- autodidacte... qui se retrouva calomnié, abandonné, critiqué de quasiment tous... car, entres autres "fautes", il fut un des premiers à faire une critique lucide, et clairvoyante, mais dérangeante... du régime communiste russe...

"J'épuiserai ma vie tel qu'on le voit, je mourrai penché inutilement sur cette feuille de papier, mais je dirai sans cesse que l'art est plus fort que la vie, plus précieux que de "beaux enfants", qu'une femme qui aimerait "sans réserve"; il est plus fort même que cette nature splendide qui n'a pas de splendeur pour les yeux dépourvus d'art.
Sans art, le monde n'existerait pas, il ne pourrait pas respirer." (p. 113)
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