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La jeunesse d'Adrien Zograffi tome 3 sur 5
EAN : 9782070308187
144 pages
Gallimard (13/05/2005)
3.84/5   51 notes
Résumé :
Gamin dans une petite ville roumaine le long du Danube, le narrateur rêve d'aventures et d'horizons lointains. Curieux et débrouillard, il découvre le monde à travers son Dictionnaire universel et travaille dans une taverne jusqu'au jour où les circonstances le poussent à quitter son pays. Il s'embarque alors en rêvant de la France...Anecdotes savoureuses et personnages hauts en couleur forment la trame des souvenirs de jeunesse de l'écrivain et aventurier Panaït Is... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Récit extrait de "La Jeunesse d'Adrien Zograffi: Codine. Mikhaïl. Mes
départs. le pêcheur d'éponges"[Folio]

Un gamin, l'auteur lui-même, raconte ses débuts dans le monde; voulant aider financièrement sa mère, veuve, blanchisseuse qui se tue au travail, il quitte l'école... se fait embaucher dans une taverne... et nous assistons , révoltés, aux maltraitances faites aux enfants qui travaillent, corvéables à merci, que l'on exploite plus de 18 heures d'affilée, sans la moindre vergogne !!

"Que doit-il savoir, l'enfant qu'on place au service d'un maître ? Qu'il est là pour servir ? Non. Il doit savoir, il l'apprendra tout seul, qu'en dehors d'une fatigue que les lois épargnent aux adultes mêmes, son droit sacré de partir après la journée faite, de sortir dans la rue, de se fondre avec la nuit et avec ses propres pensées, ce droit lui est dénié à lui, le rêveur avide de liberté, à lui, le débutant dans la vie" (p. 31)

Dans ce récit, Istrati se révolte, parle au nom de tous les opprimés, explose de rage en voyant les hommes s'acharner sur plus faible qu'eux, miséreux malchanceux, ou même sur les animaux. Il enrage de constater la noirceur de l'âme humaine, trop souvent... Mais il est aussi illuminé par les rencontres amicales, bienveillantes qui se présenteront sur son chemin, comme ce pauvre "capitaine de bateau", déchu et trahi par sa femme, ayant tout perdu, qui le protégera dans cette première taverne, où il fait l'âpre connaissance du monde du travail..;Ce capitaine Mavromati qui lui fait le plus beau cadeau de la terre à ses yeux... présent qui l'aidera à tenir et à apprendre tout seul , la nuit...

Ce cadeau mirifique, c'est un "Dictionnaire universel":

" Je ne compris pas tout de suite ce que voulaient dire les mots -Dictionnaire Universel-; mais en feuilletant au hasard, je sentis mes jours s'empourprer de plaisir: termes scientifiques et néologismes que j'avais rencontrés dans les journaux et sur lesquels je passais navré, je les trouvais ici rendus à ma compréhension. Les quelques expressions qui s'éclairèrent aussitôt pour moi mirent en branle mon intelligence, m'apportèrent du soulagement au cerveau et de la joie au coeur" (p. 58)

Un court récit mais très dense où le lecteur passe par toutes les émotions, vivant en communion les malheurs, aventures malchanceuses de notre "aventurier" qui veut gagner sa vie, ne plus être à la charge de sa mère, qui est aussi habité par une soif d'apprendre , encore et encore, lui, qui n'aimait pas l'école, à cause de maîtres brutaux..qui brillait cependant en "Lecture".
Une fois parti du système scolaire, il n'a qu'une idée fixe: lire, apprendre la langue de son père: le grec ! et APPRENDRE, tout court.

Comme l'extrait suivant nous le fait sentir, Istrati est en quête d'un sens à sa vie, à l'existence humaine , en général. Il est en recherche ...perpétuelle.
Ces "Départs" s'arrête à son exil en Italie, à Naples...où il mange de la "vache enragée"... Il voulait atteindre la France, mais cela ne se fera que 10 années plus tard, en 1927 !

"Loin, mon ami. Loin, ma mère. Et moi, qu'est-ce que fais ici ! Je pense à notre foyer, humble, mais propre, douillet. Je pense aux camarades de mon âge, presque tous mariés, chacun dans sa famille, à son travail. Pourquoi cette malédiction de ne pas pouvoir faire comme eux, comme tout le monde ?
Qu'est-ce qui me pousse continuellement sur des routes lointaines, quand, dans mon pays, les étrangers mêmes se créent une vie et demeurent ? Qu'est-ce que je veux ? Après quoi est-ce que je cours ? (p. 106)"
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Souvenirs de jeunesse de l'écrivain Panaït Istrati , de rêves évanouis en envie de fuir, il nous fait découvrir son voyage. La vue du Danube l'ensorcèle comme un ruban d'espoir, puis les mots du Dictionnaire Universel lui donnent la clé pour ouvrir le monde, l'amitié perdue le pousse à poursuivre son chemin, toujours plus loin.

Éternel optimiste, ne restant jamais en place plus d'une minute de cafard, gamin débrouillard, il échappe toujours de justesse à la tristesse, à la faim, à la solitude, par sa force d'y croire encore.

Il est pourtant conscient que les rêves ne sont souvent qu'illusion, qu'on risque, à s'y frotter, de manger de la salade romaine pendant une semaine, dans un Naples sans espoir. Mais pour lui l'essentiel se passe sur le chemin de ce rêve, peu importe les batailles, les trahisons, et les échecs, peu importe la salade. Il y a tant à découvrir.

L'écriture n'est pas aussi tragique que dans « Les chardons du Baragan ». La souffrance s'efface devant l'envie de vaincre, le rêve et l'aventure. Drôle et cruel à la fois, ce court voyage raconté par l'auteur nous montre un monde plus bête que méchant, qui laisse place aux courageux rêveurs.

« Pauvre humanité ! Que tu es bête… Plus bête que méchante… »
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J'ai découvert ce petit texte ( extrait de " La jeunesse d'Adrien Zograffi") par hasard, dans une caisse de livres. Il m'a tout de suite attirée .J'étais curieuse de lire pour la première fois un auteur roumain, que je ne connaissais que de nom.

" Mes départs" , récit autobiographique,raconte la fin de l'enfance et les premiers pas dans la vie de l'auteur, entre douze et vingt-trois ans. Nous sommes à la toute fin du 19ème siècle à Braïla, petit port du Danube, en Roumanie.

Quel texte ! Quel mélange saisissant de désespérance et d'énergie pour survivre ! Et surtout, quel goût d'apprendre, de lire, chez ce jeune garçon pauvre, exploité, battu par un caissier brutal et sans scrupules, chez son employeur grec, un tenancier de café! Il trouvera en lui des forces impensables pour relever la tête et ne plus être martyrisé.Il dénoncera par ses mots et sa révolte intérieure cette oppression faite aux enfants, alors.

Quelques affections , celle de sa mère et d'un pauvre capitaine déchu fréquentant le café où il travaille, la lecture,l'apprentissage du Grec et la contemplation éblouie du Danube, " le Danube éternel des enfances millénaires" seront ses lumières qui l'aideront à survivre.

Après la mort de son ami le capitaine, il s'embarque , pensant aller en France, la patrie rêvée, mais se retrouve à Naples, où il souffrira horriblement de la faim.Puis ce sera Alexandrie...

En lisant la biographie de l'auteur, j'ai été surprise par le tumulte qu'a été sa vie, notamment cette tentative de suicide se terminant de façon très romanesque puisque un de ses amis trouve sur lui une lettre pour Romain Rolland, que l'auteur admire, et qui lui facilitera ensuite la publication d'un de ses romans.

J'ai aimé cette saveur des mots, ce lyrisme pour évoquer pourtant les tourments physiques et moraux d'une enfance, ce chant du pays natal, cet élan vers les livres, cette soif de savoir, qui auront permis à l'auteur de sortir de sa condition et de s'élever l'âme, même au prix de la souffrance.

Une belle découverte, qui me donne le désir de découvrir l'univers d'Istrati.
" Mes départs", comme autant de portes ouvertes sur un ailleurs, au-delà du désespoir...
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Panaït Istrati (1884-1935) est un écrivain roumain de langue française. Il naît dans un petit port roumain sur le Danube, fils d'une blanchisseuse et d'un contrebandier grec qui sera tué par les garde-côtes alors qu'il est encore bébé. Dans les dernières années de sa vie, il publie des articles dénonçant les injustices sociales de son temps. Il meurt de la tuberculose dans un sanatorium de Bucarest, vilipendé tant par les communistes que par les fascistes. Figure très célèbre de la littérature de l'entre-deux-guerres, Panait Istrati tombe dans un oubli quasi complet pendant plusieurs décennies et son oeuvre est interdite en France durant la guerre, et en Roumanie durant le régime communiste. Elle est peu à peu rééditée en France à partir des années 1960. L'écrivain est surtout connu pour son livre Kyra Kiralina.
Court récit autobiographique, Mes départs nous conte les débuts dans la vie de Panaït Istrati. Elevé par une mère ayant bien du mal à joindre les deux bouts, il doit quitter l'école très vite à la déception de son maître qui entrevoyait des possibilités chez le jeune garçon. Il trouve un boulot dans une taverne appartenant à un Grec, Kir Leonida, occupé par de multiples activités autres. L'apprenti est chargé des besognes les plus difficiles, s'épuisant à courir des caves à la salle, dix-neuf heures par jour, deux journées de repos par an, maltraité par le caissier qui gère la boutique tout en volant le patron. Une vie d'esclave mais le gamin est costaud et ambitieux, il veut apprendre la langue grecque, celle de son père envolé, et puis le fleuve Danube l'attire comme un aimant, symbole de la vie qui court là-bas au loin.
Dans ce cabaret pas très bien famé, il croisera le destin du capitaine Mavromati devenu le souffre-douleur des autres employés de la taverne, qui lui fera un cadeau inestimable, un dictionnaire avec lequel le jeune Istrati s'enrichira intellectuellement, dès qu'il pourra avoir un instant de répit dans sa longue journée. Après le décès tragique du capitaine, le garçon est comme libéré de ses dernières attaches, il quitte son job et part à la découverte du monde.
Passager clandestin d'un navire en route vers la France, démasqué il est débarqué à Naples. Là durant plusieurs semaines il connaît la misère et la faim. Enfin, il trouve le moyen de réembarquer, toujours sans billet, sur un autre bateau qui l'emporte ailleurs.
Souvenirs de jeunesse de l'écrivain, roman d'apprentissage, Panaït Istrati sait ce que vie dure veut dire. Après avoir quitté une mère qui l'adorait, il connaitra la maltraitance, les dures conditions de travail et les brimades mesquines par son employeur. Attiré par la liberté mais sans boulot, il subira la faim et les nuits à la rue en terre étrangère à Naples. Mais toujours poussé par l'envie de vivre et la soif de savoir, les voyages seront son moteur. Voir ailleurs si l'herbe est plus verte.
L'écrivain aurait pu choisir un ton dramatique en nous plongeant dans les affres de la misère, au contraire il adopte un style tragicomique. Les épreuves endurées sont dites mais sans s'appesantir, parfois suggérées dans une ellipse élégante. Une écriture vive et épurée, truffée de mots étrangers en grec ou roumain pour rendre vivant le cosmopolitisme de cette aventure d'homme en devenir. Au détour des pages, des règles de vie : « Espère toujours le mieux. Quand on ne le peut plus, alors tout est fini », « Qui ne sent pas la nécessité du combat ne vit pas, mais végète », une constante dans la pensée d'Istrati, se battre, toujours. le crédo des émigrants d'hier comme d'aujourd'hui.
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"Je fis ma valise." "Cette opération s'accomplit tragiquement, quand on est vagabond, misérable et ami abandonné, mais de cela que sait le monde? de ce qu'une valise peut enfermer de douleur, quand elle a été faite, lors du premier départ, par les mains calleuses d'une mère qui sanglote; de ce qu'un bon fils doit sentir dans son coeur, quand toute une banlieue glapit qu'il s'est lié à un "vaurien"; du désert qu'un tel " vaurien" peut créer dans l'âme d'un adolescent effréné, quand il le quitte " pour, peut être, ne plus le retrouver", après lui avoir parlé désespérément, de tout cela, le monde, qu'en sait-il? Sait-il, seulement comment on fait sa valise, lorsqu'on est certain de ne pas pouvoir payer le voyage. Multiples sont les ressources que la vie offre à notre amour, et inflexible le courage que le désir engendre". Voici la langue de Panaït Istrati. Voici le départ d'Adrien Zograffi. C'est toujours avec émotions que je lis les mots d'Istrati. Langue vive et humaine, poétique et éternelle.
Astrid Shriqui Garain
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Je n'ai point aimé l'école, pour laquelle mes aptitudes ont toujours été médiocres, sauf en une seule matière, -La lecture-, qui m'a régulièrement valu la note la plus élévée. M. Moïssesco, à la bonté duquel je suis redevable d'avoir terminé les quatre classes primaires, s'acharnait à voir en moi un élève au tempérament prometteur et me faisait lire devant tous les inspecteurs scolaires.
Là encore, bel enseignement à tirer pour ceux qui se consacrent à l'instruction publique, à cette mégère qui ne comprend rien à l'âme de l'enfant, qui le fait marcher au son du tambour battant et à coups de fouet. (p. 10)
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Et cependant, il en est ainsi : une autorité instituée revêt un pouvoir sans limites aux yeux des faibles, qui s’y soumettent et la supportent. De là l’inconcevable patience des peuples devant leurs tyrans : ce n’est pas quelque prétendue valeur morale des oppresseurs qui leur donne la force de maîtriser le monde, mais simplement la lâcheté des opprimés.
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Un homme brisé venait de me mettre entre les mains un trésor : chaque page contenait un monde de connaissances ; chaque mot m’ouvrait des horizons dont je ne me doutais guère. Et puis, cette merveilleuse découverte que je venais de faire tout seul de l’arrangement des mots classés par ordre strictement alphabé-tique et qui suscita en moi l’ambition de tomber d’un coup, sans tâtonnements, à l’endroit précis où se trouvait le mot que je cherchais ! Souvent, les surprises que me révélait ma « bible » étaient plus fortes que le besoin de trouver un mot, et alors, j’oubliais complètement le mot, et ma lecture, et la taverne avec ses infamies, et le temps qui m’était mesuré au compte-gouttes, et je glissais, dans un enchaînement passionné, d’une page à l’autre, d’une science à une autre science, d’une philosophie à une autre philosophie, d’un événement historique connu à moi-tié à un autre que j’ignorais totalement, d’une biographie qui m’ébahissait à une autre qui m’arrachait des larmes, sans cesse renvoyé du début du volume à la fin et du milieu aux extrémités
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Il n'y a de beauté que dans l'illusion. Et qu'on atteigne ou non le but de sa course, l'amertume a presque le même goût dans les deux cas. Les fins se valent toujours. Ce qui importe, pour l'homme aux désirs démesurés, c'est la lutte, la bataille qu'il livre à son sort pendant que ses désirs persistent : voilà toute la vie, la vie du rêveur.
Je suis un de ses rêveurs.
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"Ah ! les amis. L'amitié ! Je ne les maudits pas, mais de quels crimes ne sommes-nous pas capables, tout en étant des amis, tout en adorant l'amitié ! [...] quand, dans une amitié, il n'y a plus qu'un des amis qui paie, l'estime s'en va...et l'amitié avec. À cette règle, peu d'hommes font exception. "
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