Ai-je réussi à exprimer le courage insouciant, la noblesse instinctive, l’ardeur, la pureté de l’homme, le fantastique et la poésie de son destin? Je l’ignore. Par contre, je sais avec certitude que l’essentiel manque dans cette relation: Istrati vivant et disant sa vie.
Oh! assurément, son don unique habite chaque ligne de ses ouvrages, et y semble à sa plénitude. Et pourtant…
Quand Istrati racontait, son pouvoir dépassait tous ceux de l’écriture. Il avait pour truchements sa voix, ses traits, la cadence de son propos, sa présence. Il devenait par la grâce d’un art plus ancien que l’alphabet, l’enchanteur qui suspend à son souffle et conduit à sa guise vers la tristesse, la peur, la colère ou la joie, les passants des carrefours, les voyageurs du caravansérail, les chalands des foires et jusqu’aux ivrognes des tavernes. (…) Et des hommes, des femmes, des enfants, émergeaient de cet étrange fleuve et, tout le temps qu’il parlait, entouraient, escortaient Istrati. Ils étaient là, présents, vivants au même titre que lui et ses auditeurs. Venus de la légende et de la plus humble réalité. Souffrance, liesse, misère, drame ou farce grasse
il assainit, il purifie, il fouille les immondices de la vie et il en extrait des diamants. Tous les livres, de Kyra Kyralina à Méditerranée (Coucher de soleil), sont des hymnes à la joie et à la beauté, joie de l’amitié, beauté de la terre natale
un récit aérien et lumineux comme un vol de papillons au soleil, coloré comme une troupe de bohémiens en marche, mélancolique et tendre comme une chanson de route qui n’a jamais de fin, aussi dense, aussi riche que la vie, aussi secret que la nuit