Un des Cold Case historiques des plus fameux… Mort, suicidé ou exilé en Amérique latine? Des rumeurs folles ont couru durant des décennies sur le suicide supposé d'
Adolph Hitler.
J'ai été plus que ravie d'être sélectionnée dans la Masse Critique Non Fiction de Babelio avec ce titre car j'ai terminé récemment
Au coeur du Kremlin de
Vladimir Fédorovski. Je n'allais donc pas être dépaysée dans l'hiver russe. Et j'adore les mystères de l'Histoire!
Ce n'est qu'en recevant le livre que j'ai vu qu'un documentaire avait été produit pour la télévision. La tv est persona non grata en mon antre depuis des années mais je me suis tellement régalée avec cette lecture que j'ai voulu la compléter en le visionnant sur le net.
Alors juste un mot sur le docu tv… c'est une version largement expurgée du livre, basée essentiellement sur l'observation et l'étude scientifique des restes humains d'Hitler par
Philippe Charlier, médecin légiste, anatomo-pathologiste, anthropologue et paléopathologiste français (connu pour ses travaux sur
Richard Coeur de Lion, Diane de Poitiers et j'en passe!), alors que le livre est concentré pour une majeure partie sur la consultation et l'étude des archives au sein du GARF (Archives d'État), FSB (Services secrets) et les Archives de l'Armée (moins visuel et spectaculaire bien évidemment pour un docu tv!) et la reconstitution historique des événements des derniers jours au sein du bunker d'Hitler.
Je ne sais pas si les auteurs (tous deux journalistes) ont forcé le trait de l'ambiance austère et agressive des personnels des administrations russes, mais le lecteur a réellement l'impression que le rideau de fer est toujours baissé. L'antagonisme Est-Ouest a la vie dure et on ne jette pas comme ça aux orties des décennies de dictature soviétique pour faire ami-ami avec les capitalistes. La suspicion, la paranoïa, la concurrence et les manipulations au sein même de la société russe, a fortiori au coeur de leurs organismes administratifs et politiques, est intrinsèquement viscérale alors comment espérer que l'ouverture sur l'extérieur soit aisée…
Une enquête menée à bien malgré de nombreux séjours stériles, de rendez-vous avortés, d'accords annulés, de téléphones qui sonnent dans le vide, de contacts aux abonnés absents.
Mais avoir enfin son entrée dans des lieux longtemps interdits ou terrifiants par leur simple évocation est à ce prix…
La Loubianka est aux russes ce que la Prinz-Albrecht-Straße est aux allemands. Gestapo ou NKVD, blanc bonnet et bonnet blanc! Et pénétrer un lieu aussi sinistrement mythique, par exemple, c'est laisser les fantômes vous envahir et jeter une chape de plomb sur votre optimisme, vous glacer de respect au souvenir de tant de souffrances imprégnant les murs.
C'est accéder aux documents espérés mais c'est aussi lever le voile sur un état fascinant, son Histoire et son évolution jusqu'à aujourd'hui avec Poutine. Mais la vérité est-elle entièrement présente quand on connaît le mode de fonctionnement tortueux et mortifère du communisme soviétique qui n'a avancé dans le temps qu'à coups de purges arbitraires et d'exils?
Le sujet est Hitler, sa mort. Avoir la certitude qu'il est bien mort en lieux et place énoncés, à la date convenue.
Mais c'est une affaire d'État qui dépasse de loin les événements de la Seconde Guerre Mondiale de par l'enjeu géo-politique de la détention de son squelette. Ses restes ont été l'enjeu d'une guerre d'empoigne et d'une bataille intestine entre services russes (opération Mythe) mais aussi la reconnaissance de la gloire soviétique jetée à la face des occidentaux avec délectation par Staline.
Certains voulaient absolument accréditer la thèse du suicide par cyanure pour insister sur la lâcheté d'Hitler, d'autres ont soutenu qu'il avait choisi le suicide par balle, plus « digne », si tant est que ce terme puisse s'appliquer à ce bourreau. Mais tous ont oeuvré pour qu'il n'y ait aucune sépulture connue (opération secrète Archive dans les années 1970) pour empêcher toute glorification ultérieure par une extrême droite nostalgique.
Quel humour sadique que celui de Staline de jeter toutes les puissances internationales dans une chasse à l'homme pendant des décennies après la fin de la Seconde Guerre Mondiale alors que la vérité était fixée et un secret bien gardé au final.
Parce que même si les détails du décès d'Hitler ont longtemps été sujets à suppositions et caution au sein même des services soviétiques, que les témoignages de sa garde rapprochée, obtenue à force de tortures et d'interrogatoires, sont parfois contradictoires, Staline a toujours eu une longueur d'avances sur ses éternels adversaires de l'ouest!
Il est étonnant de constater que les secrets si farouchement gardés par les soviétiques le soit encore aujourd'hui tant cette enquête a été laborieuse et la répugnance des employés russes à coopérer, vive.
Comme cela est cité dans l'ouvrage: « le drapeau a changé mais pas les mentalités. ».
Emportée par mon enthousiasme sur le sujet, j'en oublie de vous dire que j'ai adoré cette lecture riche. Je n'ai pas pu lâcher le bouquin. Tout autant qu'un super bon thriller, c'est dire!
Au-delà de son éclairage sur la légitimité des preuves détenues par les russes dans le dossier sur la mort d'Hitler, les reporters, au travers de la difficulté de leur enquête, nous donne des détails sur l'évolution politique de l'actuelle Russie, à l'intérieur et aussi dans leurs relations internationales depuis la Seconde Guerre Mondiale.
L'enquête est captivante, écrite comme un roman d'espionnage, avec des présomptions, des certitudes et pouf, revirements de situations et on retourne quasiment à la case « départ ». Et les faits historiques relatés dans le décompte des derniers jours d'Hitler apportent une touche de suspense (eh oui, même plus de 70 ans après!) très plaisante.
Cette enquête est passionnante, super bien ficelée entre recherches contemporaines et rappel des faits historiques, et accessible à tous, aux passionnés d'Histoire avec un bon bagage de connaissances comme au simple quidam avide de mystère!
Lien :
http://livrenvieblackkatsblo..