Les revenants de l'ombre

Il a conscience qu'il fait son devoir filial, et en même temps il est sincèrement touché par la détresse de cette grosse femme éperdue, cette grosse femme qui est sa mère, après tout. Oui : après ses prétentions bourgeoises un peu ridicules, après ses efforts dérisoires pour s'accrocher à une jeunesse enfouie sous la graisse des trop bons repas d'avant-guerre, après l'hostilité marquée dont elle couvre Christine, après les sentiments pro-allemands qu'elle affiche, sans rien comprendre, pour faire comme son mari, eh bien après tout ça, rien à faire, elle est sa mère. Une mère, on n'en a qu'une, c'est comme une bouée de tendresse floue à laquelle on peut s'accrocher, on n'a qu'à tendre la main, et hop ! on remonte jusqu'au plus informe de ses souvenirs d'enfance, jusqu'au plus tiède, jusqu'au plus tendre.

Plusieurs chevaux passèrent sur le corps de Flavius dont le sang jaillissant par saccades imbibait la prairie litre après litre. Les sabots s'enfonçaient dans son corps, broyant méticuleusement les os les plus fragiles, et le passage de chaque cavalier incrustait davantage le soldat mort dans la terre meuble de la prairie détrempée.

À quelques mètres de lui, une autre silhouette d'ombre s'avance. Au milieu de ce qui doit être son visage, à la place de ce qui devrait être ses yeux, deux lueurs vertes palpitent faiblement. (p.151)

Naturellement, la place d'un soldat, la place d'un S.S. est au combat contre le bolchévisme. (p.78)