AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070328222
180 pages
Gallimard (15/02/1994)
3.9/5   185 notes
Résumé :
Ce nouveau recueil d'élégies contient trois parties : Leçons et Chants d'en bas qui avaient été publiés en Suisse il y a quelques années, mais que l'auteur a remaniés. La troisième partie, À la lumière d'hiver, vient couronner, comme une clé de voûte, les deux premières parties. La poésie de Jaccottet est faite pour cette mélancolie de l'âge et du deuil. Il émane de ces poèmes une extraordinaire lueur de vérité qui, faute d'espérance, refuse toute fausse joie et tou... >Voir plus
Que lire après A la lumière d'hiver - Leçons - Chants d'en bas - Pensées sous les nuagesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
3,9

sur 185 notes
5
7 avis
4
6 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis
Je ne connaissais que quelques poèmes de Philippe Jaccottet, également critique et traducteur. Cet assemblage de différents recueils qui s'échelonne de 1966 à 1976 m'a beaucoup plu.

Une thématique commune: la poésie face à la mort, celle des proches surtout. Comment conjurer par l'écriture la perte, le deuil , la vieillesse qui s'annonce? Par une simplicité presque austère, mais qui va à l'essentiel et se révèle clarté et intensité , le poète interroge les mots, le chant poétique:

" Parler donc est difficile, si c'est chercher...chercher quoi?
Une fidélité aux seuls moments, aux seules choses
qui descendent en nous assez bas, qui se dérobent
si c'est tresser un vague abri pour une proie insaississable"

Le poète s'inscrit dans les saisons, l'hiver, saison lucide notamment.Il écoute et observe la nature: les astres, la course du temps, la brume qui angoisse, les oiseaux et la montagne sont de éléments récurrents.

Le ton est nostalgique mais des éclaircies parviennent à trouer les nuages, les images illuminent le présent, redonnent espoir. J'ai été très sensible aux mots , pure évidence et délicatesse.

Une belle rencontre, une quête métaphysique exprimée par les vers qui ne peut que toucher chacun d'entre nous...
Commenter  J’apprécie          370
« Qui sommes-nous, qu'il faille ce fer dans le sang ? »


Le fer, l'hiver et la mort. Philippe Jaccottet a composé ces différents recueils de poèmes entre 1966 et 1976 comme différents points d'un parcours de deuil douloureux, achevé plus certainement dans l'échec que dans la sérénité. Pourtant, Philippe Jaccottet s'accroche longtemps à l'espoir d'une renaissance qui passerait d'abord par celle du défunt. Il se demande ainsi :


« Si c'était le « voile du Temps » qui se déchire,
La « cage du corps » qui se brise,
Si c'était l' « autre naissance » ? »


Mais Philippe Jaccottet est un poète sans foi et ses illuminations ne le réchauffent pas longtemps. Les mots ne sont pas destitués de leur rôle bienfaisant lorsqu'ils contribuent à adoucir les traits de la réalité, mais ils ne valent rien de plus sitôt que l'innocence est abolie.


« Moi, je n'ai vu que cire qui perdait sa flamme,
Et pas la place entre ces lèvres sèches
Pour l'envol d'aucun oiseau. »


Philippe Jaccottet essaie d'appeler au secours les mythes historiques anciens et implore jusqu'aux momies égyptiennes pour croire à la continuité d'une existence que la mort n'achèverait pas brutalement, sans poésie, comme il le craint. Malgré des inspirations d'origine nietzschéennes et la volonté de surmonter son désespoir, le poète ne parvient pas à sortir de lui-même et de la douleur diffuse qui s'étend de ses fibres à son écriture.


« Bourrés de larmes, tous, le front contre ce mur,
Plutôt que son inconsistance,
N'est-ce pas la réalité de notre vie
Qu'on nous apprend ?

Instruits au fouet. »


Ce recueil contient la dépression d'un poète non seulement dégoûté de la vie mais aussi des gestes et des mots qu'elle implique. Il faudrait avoir connu ses actes de composition antérieurs pour les mettre en parallèle avec ces travaux de deuil peu ragoûtants –non pas parce qu'ils parviennent à transmettre leur douleur du poète au lecteur, mais parce qu'ils n'y parviennent justement pas, parce qu'ils confirment à quel point la mort est un événement insignifiant dont le survivant se fait un calvaire précoce et jalousement gardé. Heureusement, surgissent parfois des images et des engouements brutaux qui percent ce sac plein de lamentations pour nous tirer vers des perspectives cosmiques.
Commenter  J’apprécie          270
Philippe Jaccottet, né le 30 juin 1925, est un écrivain, poète, critique littéraire et traducteur. Il a traduit Thomas Mann, Rilke, Goethe.... La traduction est une parie importante de son oeuvre. Comme Zweig, il a besoin de connaître le travail d'autres poètes pour se construire lui-même.

Dans ce recueil, Jaccottet semble très affecté par la vieillesse et la mort. Ses poèmes sont des interrogations sur la fin de la vie, la déchéance du corps et de l'esprit. Il s'interroge aussi sur le deuil et la lumière qui revient après. Sa poésie est empreinte à la fois de simplicité et de mystère, parfois imperméable parce qu'il joue avec les mots. Il les détourne de leur sens premier, les choisit avec minutie comme l'horloger le fait de son travail. Par exemple, Il n'utilise pas, dans ses poèmes, le mot "mort" :

"Plus aucun souffle.

Comme quand le vent du matin
a eu raison
de la dernière bougie.

Il y a en nous un si profond silence
qu'une comète
en route vers la nuit des filles de nos filles
nous l'entendrions."

Pour lui, les mots ne peuvent refléter une émotion, un ressenti. Ils mettent même en difficulté le poète dans son travail d'écriture.

"J'aurai beau répéter "sang" du haut en bas de la page, elle n'en sera pas tachée, ni moi blessé"

Ses mots sont sculptés, parfois hors du terreau de leur propre sens, parfois au scalpel de la douleur et leur palette de couleurs est sombre. Pas un sourire ne s'esquisse. Pourtant on sent chez lui un besoin de légèreté, pour cela il fait souvent appel à la nature, les oiseaux sont souvent nommés. Est ce leur poids si léger qui rendent les paroles de Jaccottet moins souffreteuses ?


En tout cas, je suis heureuse de m'être accrochée à ces textes. Ma première lecture, c'est vrai, manquait d'enthousiasme. J'ai même failli abandonner. Mais j'aime (je l'ai déjà signalé dans d'autres billets) quand un poète se laisse apprivoiser. Dis, Philippe, tu veux bien être mon ami ?
Commenter  J’apprécie          262
Étant curieuse de tout et ayant trouvé cet ouvrage par hasard, j'ai voulu voir un petit peu ce qu'écrivait Philippe Jaccottet et c'est avec bonheur que j'ai lu ce dernier qui comprend non seulement les poèmes du recueil « A la lumière d'hiver » mais également ceux tirés de « Leçons », « Chants d'en-bas » et enfin « Pensées sous les nuages ». Je dirais que ces quatre corpus de textes se rejoignent car ils sont, en quelque sorte, une ode à la vie. le poète nous invite à nous émerveiller de tout, à réaliser que la vie est fragile et à en savourer chaque instant car tout n'est qu'éphémère et tellement fragile, si nous n'y faisons pas attention.
Le poète consacre également une bonne partie de ce recueil à la valeur des mots et à ce qu'ils représentent. Il s'amuse à les dénuder, à leur enlever leur valeur pour ne prouver que ce ne sont là que des mots. Il joue avec et nous prouvent également que ces derniers peuvent en réalité prendre beaucoup plus d'importance que ce que,nous, simples mortels, voulons bien leur accorder, mais, quoi de plus normal, me direz-vous, pour un poète ? Eh bien, ce n'est pas forcément donné tout le monde mais Philippe Jaccottet y arrive, lui à merveille.

Une lecture plaisante, triste bien souvent, notamment lorsqu'il adresse un poème à un « compagnon mort » (à la guerre probablement), mais aussi, beau lorsqu'il fait l'éloge de la Mère ou encore de la nature tout simplement. Un hymne à la vie, à la beauté qui nous environne et dont nous ne faisons même plus attention et enfin à celle des mots tout simplement. A lire et à relire !
Commenter  J’apprécie          210
Philippe Jaccottet a l'art et la manière d'écrire des instants, des émotions, des sensations, avec peu de mots, l'écho se fait grandiose.
Teintée de nostalgie, de fragilité, ou encore de fugacité, c'est une poésie sensible, presque impalpable comme une barbe à papa de nuage, comme un arc-en-ciel qui se dissout dans le crépuscule.
C'est à la fois reposant et à la fois angoissant car on prend conscience que l'éternité n'est qu'un mot dans le dictionnaire et que nous sommes si peu face la beauté du monde.

"Tu es assis devant le métier haut dressé de cette harpe.
Même invisible, je t'ai reconnu,
tisserand des ruisseaux surnaturels."

"Songe à ce que serait pour ton ouïe,
toi qui est à l'écoute de la nuit,
une très lente neige
de cristal."

Les mots de Philippe Jaccottet : une Poésie de l'éphémère voilà comment je la ressens.
Commenter  J’apprécie          244

Citations et extraits (69) Voir plus Ajouter une citation
"Parler est facile, et tracer des mots sur la page,
en règle générale, est risquer peu de chose :
un ouvrage de dentellière, calfeutré,
paisible (on a pu même demander
à la bougie une clarté plus douce, plus trompeuse),
tous les mots sont écrits de la même encre,
« fleur » et « peur » par exemple sont presque pareils,
et j’aurai beau répéter « sang » du haut en bas
de la page, elle n’en sera pas tachée,
ni moi blessé.

Aussi arrive-t-il qu’on prenne ce jeu en horreur,
qu’on ne comprenne plus ce qu’on a voulu faire
en y jouant, au lieu de se risquer dehors
et de faire meilleur usage de ses mains.

Cela,
c’est quand on ne peut plus se dérober à la douleur,
qu’elle ressemble à quelqu’un qui approche
en déchirant les brumes dont on s’enveloppe,
abattant un à un les obstacles, traversant
la distance de plus en plus faible – si près soudain
qu’on ne voit plus que son mufle plus large
que le ciel.

Parler alors semble mensonge, ou pire : lâche
insulte à la douleur, et gaspillage
du peu de temps et de forces qui nous reste."
Commenter  J’apprécie          340
Je me souviens qu'un été récent, alors que je marchais une fois de plus dans la campagne, le mot joie, comme traverse parfois le ciel un oiseau que l'on n'attendait pas et que l'on n'identifie pas aussitôt, m'est passé par l'esprit et m'a donné, lui aussi, de l'étonnement. Je crois que d'abord, une rime est venue lui faire écho, le mot soie ; non pas tout à fait arbitrairement, parce que le ciel d'été à ce moment-là, brillant, léger et précieux comme il l'était, faisait penser à d'immenses bannières de soie qui auraient flotté au-dessus des arbres et des collines avec des reflets d'argent, tandis que les crapauds toujours invisibles faisaient s'élever du fossé profond, envahi de roseaux, des voix elles-mêmes, malgré leur force, comme argentées, lunaires. Ce fut un moment heureux ; mais la rime avec joie n'était pas légitime pour autant.

LE MOT JOIE ( extrait )
Commenter  J’apprécie          321
Les larmes quelquefois montent aux yeux
comme une source,
elles sont de la brume sur des lacs,
un trouble du jour intérieur,
une eau que la peine a salée.
Commenter  J’apprécie          1020
Cela, c'est quand on ne peut plus se dérober à la douleur,
qu'elle ressemble à quelqu'un qui approche
en déchirant les brumes dont on s'enveloppe
abattant un à un les obstacles, traversant
la distance de plus en plus faible - si près soudain
qu'on ne voit plus que son mufle plus large
que le ciel.

Parler alors semble mensonge ou pire : lâche
insulte à la douleur, et gaspillage
du peu de temps et de forces qui nous reste.
Commenter  J’apprécie          180
La seule grâce à demander aux dieux lointains,
Aux dieux muets, aveugles, détournés,
A ces fuyards,
Ne serait-elle pas que toute larme répandue
Sur le visage proche
Dans l’invisible terre fît germer
Un blé inépuisable ?
Commenter  J’apprécie          333

Videos de Philippe Jaccottet (28) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Jaccottet
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Savez-vous qu'on peut tout à fait lire l'Odyssée sans avoir lu l'Iliade ? Cet extraordinaire poème est l'ancêtre de tous les grands romans d'aventure et d'initiation. Et il est d'une modernité incroyable.
L'Odyssée existe dans de très nombreuses éditions, je vous recommande la traduction magnifique de Philippe Jacottet, en poche, aux éditions La Découverte.
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (456) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1210 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}