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Je ne connaissais que quelques poèmes de Philippe Jaccottet, également critique et traducteur. Cet assemblage de différents recueils qui s'échelonne de 1966 à 1976 m'a beaucoup plu.

Une thématique commune: la poésie face à la mort, celle des proches surtout. Comment conjurer par l'écriture la perte, le deuil , la vieillesse qui s'annonce? Par une simplicité presque austère, mais qui va à l'essentiel et se révèle clarté et intensité , le poète interroge les mots, le chant poétique:

" Parler donc est difficile, si c'est chercher...chercher quoi?
Une fidélité aux seuls moments, aux seules choses
qui descendent en nous assez bas, qui se dérobent
si c'est tresser un vague abri pour une proie insaississable"

Le poète s'inscrit dans les saisons, l'hiver, saison lucide notamment.Il écoute et observe la nature: les astres, la course du temps, la brume qui angoisse, les oiseaux et la montagne sont de éléments récurrents.

Le ton est nostalgique mais des éclaircies parviennent à trouer les nuages, les images illuminent le présent, redonnent espoir. J'ai été très sensible aux mots , pure évidence et délicatesse.

Une belle rencontre, une quête métaphysique exprimée par les vers qui ne peut que toucher chacun d'entre nous...
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« Qui sommes-nous, qu'il faille ce fer dans le sang ? »


Le fer, l'hiver et la mort. Philippe Jaccottet a composé ces différents recueils de poèmes entre 1966 et 1976 comme différents points d'un parcours de deuil douloureux, achevé plus certainement dans l'échec que dans la sérénité. Pourtant, Philippe Jaccottet s'accroche longtemps à l'espoir d'une renaissance qui passerait d'abord par celle du défunt. Il se demande ainsi :


« Si c'était le « voile du Temps » qui se déchire,
La « cage du corps » qui se brise,
Si c'était l' « autre naissance » ? »


Mais Philippe Jaccottet est un poète sans foi et ses illuminations ne le réchauffent pas longtemps. Les mots ne sont pas destitués de leur rôle bienfaisant lorsqu'ils contribuent à adoucir les traits de la réalité, mais ils ne valent rien de plus sitôt que l'innocence est abolie.


« Moi, je n'ai vu que cire qui perdait sa flamme,
Et pas la place entre ces lèvres sèches
Pour l'envol d'aucun oiseau. »


Philippe Jaccottet essaie d'appeler au secours les mythes historiques anciens et implore jusqu'aux momies égyptiennes pour croire à la continuité d'une existence que la mort n'achèverait pas brutalement, sans poésie, comme il le craint. Malgré des inspirations d'origine nietzschéennes et la volonté de surmonter son désespoir, le poète ne parvient pas à sortir de lui-même et de la douleur diffuse qui s'étend de ses fibres à son écriture.


« Bourrés de larmes, tous, le front contre ce mur,
Plutôt que son inconsistance,
N'est-ce pas la réalité de notre vie
Qu'on nous apprend ?

Instruits au fouet. »


Ce recueil contient la dépression d'un poète non seulement dégoûté de la vie mais aussi des gestes et des mots qu'elle implique. Il faudrait avoir connu ses actes de composition antérieurs pour les mettre en parallèle avec ces travaux de deuil peu ragoûtants –non pas parce qu'ils parviennent à transmettre leur douleur du poète au lecteur, mais parce qu'ils n'y parviennent justement pas, parce qu'ils confirment à quel point la mort est un événement insignifiant dont le survivant se fait un calvaire précoce et jalousement gardé. Heureusement, surgissent parfois des images et des engouements brutaux qui percent ce sac plein de lamentations pour nous tirer vers des perspectives cosmiques.
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Philippe Jaccottet, né le 30 juin 1925, est un écrivain, poète, critique littéraire et traducteur. Il a traduit Thomas Mann, Rilke, Goethe.... La traduction est une parie importante de son oeuvre. Comme Zweig, il a besoin de connaître le travail d'autres poètes pour se construire lui-même.

Dans ce recueil, Jaccottet semble très affecté par la vieillesse et la mort. Ses poèmes sont des interrogations sur la fin de la vie, la déchéance du corps et de l'esprit. Il s'interroge aussi sur le deuil et la lumière qui revient après. Sa poésie est empreinte à la fois de simplicité et de mystère, parfois imperméable parce qu'il joue avec les mots. Il les détourne de leur sens premier, les choisit avec minutie comme l'horloger le fait de son travail. Par exemple, Il n'utilise pas, dans ses poèmes, le mot "mort" :

"Plus aucun souffle.

Comme quand le vent du matin
a eu raison
de la dernière bougie.

Il y a en nous un si profond silence
qu'une comète
en route vers la nuit des filles de nos filles
nous l'entendrions."

Pour lui, les mots ne peuvent refléter une émotion, un ressenti. Ils mettent même en difficulté le poète dans son travail d'écriture.

"J'aurai beau répéter "sang" du haut en bas de la page, elle n'en sera pas tachée, ni moi blessé"

Ses mots sont sculptés, parfois hors du terreau de leur propre sens, parfois au scalpel de la douleur et leur palette de couleurs est sombre. Pas un sourire ne s'esquisse. Pourtant on sent chez lui un besoin de légèreté, pour cela il fait souvent appel à la nature, les oiseaux sont souvent nommés. Est ce leur poids si léger qui rendent les paroles de Jaccottet moins souffreteuses ?


En tout cas, je suis heureuse de m'être accrochée à ces textes. Ma première lecture, c'est vrai, manquait d'enthousiasme. J'ai même failli abandonner. Mais j'aime (je l'ai déjà signalé dans d'autres billets) quand un poète se laisse apprivoiser. Dis, Philippe, tu veux bien être mon ami ?
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Philippe Jaccottet a l'art et la manière d'écrire des instants, des émotions, des sensations, avec peu de mots, l'écho se fait grandiose.
Teintée de nostalgie, de fragilité, ou encore de fugacité, c'est une poésie sensible, presque impalpable comme une barbe à papa de nuage, comme un arc-en-ciel qui se dissout dans le crépuscule.
C'est à la fois reposant et à la fois angoissant car on prend conscience que l'éternité n'est qu'un mot dans le dictionnaire et que nous sommes si peu face la beauté du monde.

"Tu es assis devant le métier haut dressé de cette harpe.
Même invisible, je t'ai reconnu,
tisserand des ruisseaux surnaturels."

"Songe à ce que serait pour ton ouïe,
toi qui est à l'écoute de la nuit,
une très lente neige
de cristal."

Les mots de Philippe Jaccottet : une Poésie de l'éphémère voilà comment je la ressens.
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Étant curieuse de tout et ayant trouvé cet ouvrage par hasard, j'ai voulu voir un petit peu ce qu'écrivait Philippe Jaccottet et c'est avec bonheur que j'ai lu ce dernier qui comprend non seulement les poèmes du recueil « A la lumière d'hiver » mais également ceux tirés de « Leçons », « Chants d'en-bas » et enfin « Pensées sous les nuages ». Je dirais que ces quatre corpus de textes se rejoignent car ils sont, en quelque sorte, une ode à la vie. le poète nous invite à nous émerveiller de tout, à réaliser que la vie est fragile et à en savourer chaque instant car tout n'est qu'éphémère et tellement fragile, si nous n'y faisons pas attention.
Le poète consacre également une bonne partie de ce recueil à la valeur des mots et à ce qu'ils représentent. Il s'amuse à les dénuder, à leur enlever leur valeur pour ne prouver que ce ne sont là que des mots. Il joue avec et nous prouvent également que ces derniers peuvent en réalité prendre beaucoup plus d'importance que ce que,nous, simples mortels, voulons bien leur accorder, mais, quoi de plus normal, me direz-vous, pour un poète ? Eh bien, ce n'est pas forcément donné tout le monde mais Philippe Jaccottet y arrive, lui à merveille.

Une lecture plaisante, triste bien souvent, notamment lorsqu'il adresse un poème à un « compagnon mort » (à la guerre probablement), mais aussi, beau lorsqu'il fait l'éloge de la Mère ou encore de la nature tout simplement. Un hymne à la vie, à la beauté qui nous environne et dont nous ne faisons même plus attention et enfin à celle des mots tout simplement. A lire et à relire !
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Les saisons passent et repassent. Je lis et relis A la lumière d'hiver. Même étonnement devant le mystère poétique, la profondeur à laquelle nous invite la pensée de Philippe Jaccottet. Sa poésie nous renvoie à nos propres questionnements : comment dire ce qui se dérobe, s'efface, ou fait peur ? Comment apprivoiser l'obscurité en soi ? L'émotion qui monte n'est pas celle qui vous remplit lorsque vous lisez un roman. Elle est à la fois plus intérieure et plus puissante, plus durable aussi. J'emporterai avec moi quelques-uns de ses vers aujourd'hui, demain. Ils poursuivront les sentiers de ma nuit, m'apporteront peut-être des réponses, affineront mes questions. Cet hiver-là s'éclaire d'un jour nouveau...
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Même questionnement qu'avec Bonnefoy, même seuil à franchir. Comment lire la poésie? Impression de n'avoir fait que passer sous mes yeux des mots, de ne pas les avoir lus. La poésie, peut-être est-ce sa définition, c'est le langage qui échappe. le monde familier (les mêmes mots que dans Bonnefoy souvent) devient étrange, étranger. La neige qui tombe n'est plus vraiment la neige qui tombe. La lumière est autre chose que la lumière. Quoi? Je n'en sais rien. Il faudrait relire, relire encore, chercher, analyser, décortiquer, déconstruire et reconstruire, rêver. Je ne fais qu'effleurer. Parfois je souligne, parce qu'un vers est parfait : "On sent un remugle de vieux dieux" (encadré), "Un homme - ce hasard aérien [...] arrachez-lui le souffle : pourriture" (juste souligné, mais le sentiment que le mot juste est trouvé). Sans doute faut-il lire comme peut-être on écrit, au hasard, à la merci du mot et du moment, pour rebâtir un monde éclaté, perdu, fragmentaire, "comme recoudre, astre à astre, la nuit...". Et juste se dire parfois que c'est beau...
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Leçons des ténèbres.
La dédicace adressée à son beau-père défunt Louis Haesler, imprimeur typographe, figure exemplaire, est un modèle de concision scrupuleuse. Elle s'amplifie dans le poème introductif, bref et intense des « Leçons » : « Autrefois,/moi l'effrayé… A présent, lampe soufflée,/main plus errante, qui tremble,/je recommence lentement dans l'air ». Les vingt-deux poèmes qui composent « Leçons » relatent l'agonie et la mort d'un homme admiré. Les poèmes, lucides et douloureux, transcrivent les paliers successifs jusqu'à la bascule finale. Hébété, le poète athée scrute et dit sans fard son impuissance ontologique et la vacuité de l'existence : « Accoucheuses si calmes, si sévères,/avez-vous entendu le cri/d'une nouvelle vie ?//Moi, je n'ai vu que cire qui perdait sa flamme,/et pas la place entre ces lèvres sèches/pour l'envol d'aucun oiseau ». L'inhumaine mort remet en cause le chant du poète. L'ancienne poésie avec sa métrique, sa prosodie, ses figures de style corsetées ne peut rendre compte de la réalité de la mort. Philippe Jaccottet va emprunter un autre chemin pour, simple passager, approcher l'éphémère et s'effacer encore derrière les voix ténues et les faibles éclats, accueillant et recueillant le souvenir des morts. « Chants d'en bas » (1973) apparaît comme une suite « musicale » de « Leçons » (1966-1967), un livre des morts adressé notamment à sa mère disparue, expurgé de toute emphase, l'indicible cinglant dans l'indéfini du vers. « A la lumière d'hiver » (1974-1976), dispense une luminosité blanche et ténue comme l'écriture poétique captant les souffles passagers, associant les contraires comme dans une pensée chinoise déliée, reconnaissant la faiblesse de la parole mais insistant quand même pour dire encore, malgré tout, quand les mots se dérobent et que la réalité se dévoile : « Et puise dans l'eau invisible/où peut-être encore boivent d'invisibles bêtes/silencieuses, blanches, lentes, au couchant/laper cette lumière qui ne s'éteint pas la nuit/mais seulement se couvre d'ombre, à peine/comme se couvrent les troupeaux d'un manteau de sommeil ». Enfin, dans l'édition Poésie/Gallimard, « Pensées sous les nuages » (1976, 1981-1982) s'agrège aux trois recueils majeurs, tempérant et nuançant la tonalité générale tout en ouvrant un apaisement contrasté puisque les extrémités s'y côtoient, passant de l'enfance à la vieillesse, de la joie aux larmes, de l'été à l'hiver. le poète, à l'ombre des nuages, tisse ses pensées au fil d'or de l'effroi et de l'allégresse mêlée.
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Ce recueil regroupe "A la lumière d'hiver", "Chants d'en bas", "Pensées sous les nuages", et « Leçons ». Une note de Jaccottet lui-même précise que « Leçons » et « Chants d'en bas » sont deux livres de deuil. On n'apprendra qu'en 1994 dans un petit volume intitulé Tout n'est pas dit que le disparu était Louis Haestler, beau-père de Jaccottet, « un homme simple et droit » et dont la droiture même l'a inspiré pour dire « la douleur de sa fin ».

Cette tonalité mélancolique, réflexion sur la perte, se fond dans un lyrisme qui chante aussi la beauté du monde et l'immense pouvoir de transfiguration du réel de la poésie.



"Plus aucun souffle.

Comme quand le vent du matin

a eu raison

de la dernière bougie.

Il y a en nous un si profond silence

qu'une comète

en route vers la nuit des filles de nos filles

nous l'entendrions." (Leçons)



"Plutôt, le congé dit, n'ai-je plus eu qu'un seul désir :

m'adosser à ce mur pour ne plus regarder à l'opposé que le jour,

pour mieux aider les eaux qui prennent source en ces montagnes

à creuser le berceau des herbes,

à porter sous les branches basses des figuiers,

à travers la nuit d'août,

les barques pleines de brûlants soupirs." ( Leçons)



"Ce matin, il y avait un miroir rond dans la brume,

un disque argenté près de virer à l'or,

il eût suffi d'yeux plus ardents pour y voir

le visage de celle qui en efface avec un tendre soin

les marques de la nuit...



Et dans le jour encore gris

courent ici et là comme la crête d'un feu pâle

les branchages neufs des tilleuls..." (Le mot joie)



"Cette montagne a son double dans mon coeur.

Je m'adosse à son ombre,

je recueille dans mes mains son silence

afin qu'il gagne en moi et hors de moi,

qu'il s'étende, qu'il apaise et purifie.

Me voici vêtu d'elle comme d'un manteau.

Mais plus puissante, dirait-on, que les montagnes

et toute lame blanche sortie de leur forge,

la frêle clef du sourire." (Le mot joie)



"Tu es assis

devant le métier haut dressé de cette harpe.

Même invisible, je t'ai reconnu,

tisserand des ruisseaux surnaturels." (A Henry Purcell)
Lien : http://www.lecturissime.com/..
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Né en 1925, Philippe Jaccottet est un poète suisse d'expression française. Je pense que, quoique arrivé au crépuscule de sa vie, il est peu connu en France. En tout cas, je le méconnaissais. le présent recueil est assez récent, puisqu'il est paru en 1994. Ce qui caractérise toutes ces poésies, c'est leur sobriété. L'auteur exprime avec finesse son ressenti face à des évocations qui ont de mystérieuses résonances en lui. Certains des textes sont courts et pourtant très pleins. Je suis admiratif devant eux.
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