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EAN : 9782070743995
240 pages
Gallimard (13/02/1996)
4.12/5   12 notes
Résumé :
« Les fleurs du laurier-rose toujours fleuries, depuis des semaines - si mystérieuses pour peu qu'on y pense. Pourquoi a-t-il fallu qu'il y ait des fleurs - des couleurs ? Leur rose - sans pareil : une fraîcheur. Ou comme quand les enfants portent des lanternes éclairées, pour des fêtes. Lanternes en plein jour. Mais aussi, efflorescences de la terre, métamorphose, la monnaie, la petite monnaie des graines. La force qu'elles recèlent, qui fait qu'elles se brisent, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'éminent poète et traducteur Philippe Jacottet a publié ses carnets sous ce titre, en soi si poétique. Il s'agit du second volet (il y en a trois, me semble-t-il), couvrant les années 1980-1994. L'ensemble a été repris en Pléiade avec les oeuvres essentielles, sinon complètes, de l'écrivain, qui jouit du rare honneur d'être de son vivant publié dans cette collection prestigieuse. La semaison est un florilège de pensées égrenées au fil des jours, de notations essentiellement tournées vers la nature, qui est sa source d'inspiration fondamentale et toujours renouvelée, notamment la montagne provençale où Philippe Jacottet, quoique Suisse vaudois, a élu domicile depuis de longues années sur les traces de Pétrarque et de René Char. Quelques écrits intimes, des amis, des parents, des rêves évoqués, mais la discrétion est de mise dans ces pages pudiques loin de l'étalage littéraire contemporain. Une belle réserve préside à ces révélations qui, sans imposer un ego hors de propos, laissent filtrer la personnalité toute secrète d'un poète exigeant. Des amis disparus, romanciers et poètes méconnus ou trop peu lus, à qui on rend hommage (Pierre-Albert Jourdan, Christine Lavant, Henri Thomas, pour ceux dont j'ai relevé les noms, mais Jaccottet en cite bien d'autres). Des ouvrages que l'on relit, des littérateurs que l'on critique aussi - bien gentiment, mais d'un jugement exercé, sans faiblesse, et qu'en ce qui me concerne j'ai partagé notamment à propos de Gide.
Tout ce que l'on souhaite donc, en fait d'intelligence et de sensibilité, lorsque l'on ouvre de telles mémoires, est présent dans La seconde semaison. le volume se lit facilement, il s'en dégage une grande fraîcheur et une émotion subtile. A recommander au milieu de tant de lectures affairées, comme on recommanderait une randonnée de quelques jours dans la Drôme afin de rompre un peu avec un quotidien trépidant - ou une période confinée...

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D'air et de lumière.
Les quinze années de la seconde semaison (1980-1994) emboîtent naturellement le pas aux vingt-six années de la semaison (1957-1979) et proposent 221 pages chargées d'une prose éblouissante. le regard du poète rabote les jours et récolte dans ses carnets des copeaux de lumière. Même si sa prose et ses vers reculent, peut-être prélevés afin d'irriguer l'oeuvre, au profit de nombreuses citations extraites de poètes appréciés qui dessinent en creux sa propre poésie, Philippe Jaccottet traverse les paysages, glane des impressions, transcris ses rêves, dessine une carte mentale nourrie de la topographie des lieux arpentés. Puisque les parcours pédestres sont jalonnés de repères toponymiques, de descriptions à la fois précises et flottantes, le lecteur pourrait s'y retrouver pour composer son propre itinéraire sur la trame aimantée du poète et y découvrir avec un ravissement similaire comment les éléments du paysage s'accordent et parlent. Les synesthésies chères à Baudelaire trouvent leur place quand la lumière répond au ruisseau ou à l'herbe dans une limpidité et une abondance heureuses. Jaccottet se fait passeur de l'indicible et réveille des voix oubliées. Dans ses carnets, le poète tente de peindre la langue inouïe de la nature et d'humbles tâtonnements en fragiles avancées, s'interroge sur les chemins de la création. Sa prose s'éploie dans une limpidité ailée et bouleverse souvent par ses vertiges laconiques.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
LA SEMAISON

I

Nous voudrions garder la pureté, le mal eût-il plus de réalité.

Nous voudrions ne pas porter de haine, bien que l'orage étourdisse les graines.

Qui sait combien les graines sont légères redouterait d'adorer le tonnerre.

II

Je suis la ligne indécise des arbres

où les pigeons de l'air battent des ailes :

toi qu'on caresse où naissent les cheveux...

Mais sous les doigts déçus par la distance, le soleil doux se casse comme paille.

III

La terre ici montre la corde.
Mais qu'il pleuve un seul jour, on devine à son humidité un trouble dont on sait qu'elle reviendra neuve.
La mort, pour un instant, a cet air de fraîcheur de la fleur perce-neige...

IV

Le jour se carre en moi comme un taureau : on serait près de croire qu'il est fort...

Si l'on pouvait lasser le torero

et retarder un peu la mise à mort!

V

L'hiver, l'arbre se recueille.

Puis le rire un jour bourdonne et le murmure des feuilles, ornement de nos jardins.

Pour qui n'aime plus personne,
La vie est toujours plus loin.

VI

ô premiers jours de printemps jouant dans la cour d'école entre deux classes de vent!

VII

Je m'impatiente et je suis soucieux :

qui sait les plaies et qui sait les trésors

qu'apporte une autre vie?
Un printemps peut

jaillir en joie ou souffler vers la mort.


Voici le merle.
Une fille timide

sort de chez soi.
L'aube est dans l'herbe humide.

VIII

A très grande distance,

je vois la rue avec ses arbres, ses maisons,

et le vent frais pour la saison

qui souvent change de sens.

Une charrette passe avec des meubles blancs

dans le sous-bois des ombres.

Les jours s'en vont devant,

ce qui me reste, en peu de temps je le dénombre.

IX

Les mille insectes de la pluie ont travaillé toute la nuit; les arbres sont fleuris de gouttes, l'averse fait le bruit d'un fouet lointain.
Le ciel est pourtant resté clair; dans les jardins, la cloche des outils sonne matines.

X

Cet air qu'on ne voit pas porte un oiseau lointain et les graines sans poids dont germera demain la lisière des bois.

Oh! le cours de la vie entêté vers en bas!

XI

Le fleuve craquelé se trouble.
Les eaux montent et lavent les pavés des berges.
Car le vent comme une barque sombre et haute est descendu de l'Océan, chargé d'un fret de graines jaunes.

Il flotte une odeur d'eau, lointaine et fade...
On

tremble, rien que d'avoir surpris des paupières qui s'ouvrent.

(Il y avait un canal miroitant qu'on suivait,

le canal de l'usine, on jetait une fleur

à la source, pour la retrouver dans la ville...)

Souvenir de l'enfance.
Les eaux jamais les mêmes,

ni les jours : celui qui prendrait l'eau dans ses mains...

Quelqu'un allume un feu de branches sur la rive.

XII

Tout ce vert ne s'amasse pas, mais tremble et brille, comme on voit le rideau ruisselant des fontaines sensible au moindre courant d'air; et tout en haut de l'arbre, il semble qu'un essaim se
soit posé d'abeilles bourdonnant; paysage léger où des oiseaux jamais visibles nous appellent, des voix, déracinées comme des graines, et toi, avec tes mèches
retombant sur des yeux clairs.

XIII

De ce dimanche un seul moment nous a rejoints, quand les vents avec notre fièvre sont tombés : et sous la lampe de la rue, les hannetons

s'allument, puis s'éteignent.
On dirait des lampions lointains au fond d'un parc, peut-être pour ta fête...
Moi aussi j'avais cru en toi, et ta lumière m'a fait brûler, puis m'a quitté.
Leur coque sèche craque en tombant dans la poussière.
D'autres

montent, d'autres flamboient, et moi je suis resté dans

l'ombre.

XIV

Tout m'a fait signe : les lilas pressés de vivre

et les enfants qui égaraient leurs balles dans

les parcs.
Puis, des carreaux qu'on retournait tout

près, en dénudant racine après racine, l'odeur de femme travaillée...
L'air tissait de ces riens une toile tremblante.
Et je la déchirais, à force d'être seul et de chercher des traces.

XV

Les lilas une fois de plus se sont ouverts (mais ce n'est plus une assurance pour personne), des rouges-queues fulgurent, et la voix de la bonne quand elle parle aux chiens s'adoucit.
Les abeilles travaillent dans le poirier.
Et toujours demeure, au fond de l'air, cette vibration de machines...
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Au coucher du soleil, en même temps qu'on sent le froid dans le jardin, apparaît au-dessus de l'horizon une lune extrêmement fine, aigüe, comme une lame froide, un croc, mais c'est mal dire, car sa blessure, sa piqûre dans le coeur, loin d'être douloureuse, émerveille. Plus tard, elle se montre plus dorée au-dessus d'un ciel plus rouge.
Peut-être un diamant, une boucle scintillant à l'oreille rose de tendresse ou de désir d'une femme entraperçue lors d'une fête ferait-elle sur le coeur le même effet, aussi aigu, c'est-à-dire tout de même douloureux.
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SEPTEMBRE 1981



Le soleil du matin sur les pierres, le bois usé par le temps, une douceur difficilement exprimable — d’autant que l’air est presque immobile, le mouvement des feuillages silencieux — comme d’un enfant qui bouge la main en rêve. Les fleurs du laurier-rose toujours fleuries, depuis des semaines — si mystérieuses pour peu qu’on y pense. Pourquoi a-t-il fallu qu’il y ait des fleurs — des couleurs ? Leur rose — sans pareil : une fraîcheur. Ou comme quand les enfants portent des lanternes éclairées, pour des fêtes. Lanternes en plein jour. Mais aussi efflorescences de la terre, métamorphose, la monnaie, la petite monnaie des graines. La force qu’elles recèlent, qui fait qu’elles se brisent, laissent pousser hors d’elles une tige fragile, etc.
La graine de l’âme ? Nous dans le corps maternel.
Fleurs pour passer le fleuve des enfers, graines ou oboles.
L’esprit voudrait s’en servir comme de lanterne celui qui conduit une barque sur des rivières, la nuit.
« Vous êtes embarqués… »
Comme celui qui allume une lanterne à l’avant de sa barque s’il s’aventure la nuit dans les passes entre les roseaux,
prends cette fleur pour t’éclairer dans la traversée du jour…
Même le jour, même la plus vive lumière, même le très doux septembre ne sont pas faciles à traverser…
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NOUVELLES NOTES POUR LA SEMAISON

Maintenant la terre s'est dévoilée

et la lumière du soleil en tournant comme un phare

fait les arbres tantôt roses tantôt noirs.

Puis elle écrit sur l'herbe avec une encre légère.

Un soir, le ciel resta plus longtemps clair

sur les grands jardins verts et noirs

couleur des pluies de la veille.

Les globes luirent trop tôt.

Alors dans le nid des branches

apparut le chant du merle

et ce fut comme si l'huile de la lumière

brûlait doucement dans cette faible lampe noire,

ou la voix même de la lune

venue prédire la nuit de mars aux passagers...
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Il est des lieux où marcher vous rend meilleur, même si ce n'est pas pour longtemps.
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