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EAN : 9791092444292
132 pages
l'Atelier contemporain (16/11/2015)
4.17/5   3 notes
Résumé :
(BEAU LIVRE)

« Il suffit d'être possédé par le songe dans ses profondeurs et de savoir trouver l'accord de ces quatre mots. » (Philippe Jaccottet) Je souhaite que chaque photographie soit une expérience poétique, où l'immédiat, le lieu, et mon désir d'image entrent en dialogue. Aller à l'essentiel à travers l'expérience du paysage, marcher en s'oubliant, percevoir l'immanence du réel, contempler toujours, oser la poésie, être. Le ton, les doutes, la q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

L'ouvrage édité par « L'Atelier contemporain » rassemble les photographies de Nathalie Savey prises entre 1995 et 2012. Classées en huit séries, elles sont présentées en vis-à-vis avec des textes poétiques de Philippe Jaccottet. Exposées à droite de la double page, elles forment miroir à la poésie et la prose de Philippe Jaccottet. Les photographies ne sont pas des illustrations des textes, elles constituent des éléments de recherche qui ouvrent d'autres chemins de réflexion entre l'oeil et les mots, entre la limite du verbe et l'arrêt du temps opéré par l'appareil photo. L'oeil saisit le monde dans le temps et les distances, la photographie tente de le figer. La perspective est cassée, les angles de prise de vue taillent les paysages et les distances rapprochées matérialisent les éléments. Cette présentation interroge, la nature apparaît mystérieusement composite. Elle permet au photographe de sonder la roche, le sol, le montagne, l'eau, les oiseaux. La première page donne le ton de cette recherche. Philippe Jaccottet suggère que « de toutes les couleurs, il se pourrait que le vert fût la plus mystérieuse en même temps que la plus apaisante », Nathalie Savey y présente une photographie en noir et blanc où les grisés dominent. le lecteur est convié à réfléchir sur la relation entre l'oeil et la réalité physique, l'impression vécue et l'intemporalité des éléments de la nature. La lumière fige le mouvement dans la série « Les Envolées ». Des oiseaux sont saisis dans leur vol, offrant ainsi une danse esthétique brusquement arrêtée. La photographe permet de suggérer le temps et de vivre le moment présent. La relation avec la philosophie orientale est engagée : épure de l'instant exposé dans la calligraphie, et la poésie des haïkus. La série « Les Horizons » illustre la limite entre matière et vacuité du ciel, elle est tranchée, nette entre la roche et le ciel. « Les Montagnes rêvées » animent la relation entre le minéral et l'atmosphère. Tandis que « Les Eclaircies » font danser les nuages qui entrent en conversation avec les cimes. La cascade Cheonjiyeon a inspiré une série remarquable. Son nom signifie en coréen « l'étang du Dieu ». Une légende raconte que sept fées sont descendues sur la terre pour se baigner dans l'eau claire de l'étang. La roche reste fixe les photographies de la série alors que dans un noir profond la partie supérieure révèle des effets de lumière aux signes cabalistiques. L'ouvrage est mis en valeur par les textes qui accompagnent les photographies. Nathalie Savey a choisi les mots et phrases de Philippe Jaccottet en contrepoint de chaque photographie. Considéré comme un des plus grands poètes suisses, et français, du XX e siècle, Philippe Jaccottet vient en appui aux interrogations provoquées par Nathalie Savey. En postface, trois spécialistes apportent leurs réflexions sur le sujet d'étude de Nathalie Savey. Héloïse Conesa est Conservatrice en charge de la photographie contemporaine à la Bibliothèque Nationale de France. Michel Collot a rédigé des essais sur « La poésie moderne et la structure d'horizon », « La Matière-émotion », « Paysage et poésie ». Yves Millet est un spécialiste dans le domaine de la philosophie de l'art et de l'esthétique de l'environnement. Leurs commentaires apportent des éclairages fort intéressants. L'éditeur « L'Atelier contemporain » présente un ouvrage de belle qualité. L'impression donne toute sa valeur aux photographies. La qualité du papier est des plus agréables. Un bel ouvrage au final.
Merci à Babelio pour son opération « Masse Critique » et aux éditions « L'Atelier contemporain ».

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Les reconnaissances artistiques nous réjouissent. Elles rayonnent d'un supplément d'âme, enfanté par la rencontre. Un peu comme deux inconnus qui, d'un seul regard, auraient cette impression inexplicable d'avoir toujours arpenté les mêmes sentiers. Nathalie Savey aime la poésie de Philippe Jaccottet. Ce qu'elle recherche par la photographie se trouvait pour ainsi dire traduit dans les déambulations verbales du poète. Cheminements abrupts, regard oublieux confronté à la minéralité du réel, à l'envol inespéré d'un oiseau, chacun a su saisir son propre paysage, extérieur ou intérieur.
L'un comme l'autre ne s'offre pas au premier venu. Il faut au lecteur une humilité de promeneur assidu pour gagner en sensations et apprécier la prose de Jaccottet. Il faut, semble-t-il (c'est du moins ce à quoi nous avons été confrontés), cette même vacuité, cette même aptitude à être dans l'instant, pour observer les oeuvres de Nathalie Savey, dénudées de toute velléité d'ornement. Une telle nudité rassure, après avoir interpelé, voire rebuté.
Les montagnes, ses sujets de prédilection, renaissent dans la répétition du même sans être identiques. Elles s'enveloppent d'une "météorologie de l'âme" (Char) qui n'est pas sans rappeler certains fragments d'André du Bouchet. Qu'on se le dise, il n'y a jamais de hasard dans de telles rencontres. Nathalie Savey le sait, une certaine poésie nourrit son art de toute évidence.

Merci à Babelio et à l'opération Masse Critique pour cette découverte inattendue et appréciée.
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De superbes textes accompagnent d'intrigantes photos de rochers, de ciels, d'oiseaux. C'est poétique et nous invite à nous laisser aller à l'impossible, à l'instantané, à la vie.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Je souhaite que chaque photographie soit une expérience poétique, où l’immédiat, le lieu, et mon désir d’image
entrent en dialogue. Aller à l’essentiel à travers l’expérience du paysage, marcher en s’oubliant, percevoir l’immanence
du réel, contempler toujours, oser la poésie, être.
Le ton, les doutes, la quête, l’émotion, l’exigence, la beauté de l’œuvre de Philippe Jaccottet m’ont toujours
accompagnés. Reconnaître ce qui est le plus proche de soi est le plus difficile à voir, se reconnaitre dans l’autre est
une chance et une résonnance. Voir et écrire, comme deux personnes en regard. Trouver l’accord de la note entre ces
deux verbes est une quête, la donner à entendre dans un espace où le souffle d’un instant est retenu par la beauté est
un bonheur.
J’ai porté en moi les écrits de Philippe Jaccottet, comme cette phrase citée plus haut, en me disant : voici ce que je
voudrais faire en photographie. Phrase si proche de moi, qui rendait tout possible. Il existe un espace non défini entre
le visible et l’invisible, à voir à travers l’épaisseur du visible. Et certainement, avant tout, le gout partagé, très particulier,
indescriptible, d’aimer marcher dans la montagne, le long des rivières, que je signifie dans le silence de mes images en
tentant d’ouvrir un espace imaginé que j’entends dans les écrits de Philippe Jaccottet.
En 1998, j’ai fait graver huit de ses poèmes sur les oiseaux sur de longues plaques de verre; elles ont été exposées en
dialogue, en écho, avec mes photographies Les Envolées. Depuis, une relation artistique s’est poursuivie et se prolonge
dans ce livre. Philippe Jaccottet m’a autorisé à choisir librement des poèmes et textes dans son œuvre. Je le remercie.
Nathalie Savey
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Nathalie Savey est une promeneuse. En préalable à ses photographies, elle choisit un itinéraire sur une carte, marche, observe, attend puis déclenche. Dans son viseur, la nature est ramenée à ses éléments primaires : l’eau, l’air, le végétal, le minéral. Ce ne sont pas des photographies de paysages qu’elle propose : le pittoresque, le sublime sont absents de ses images dans lesquelles la réunion d’une nature objective et d’une intime sensation joue sur la part d’illusion que génère parfois le réel. Ainsi le rocher se transmute en montagne, la photographe se fait alchimiste.
De l’art oriental et de la tradition des images du monde flottant qu’elle affectionne tant, Nathalie Savey retient cette volonté de se fondre dans le paysage, d’en faire l’expérience comme s’il s’agissait d’un nouvel être-au-monde. Plus que le moment romantique de la projection, où les états d’âme de l’artiste trouveraient dans la contemplation de la nature un écho, Nathalie Savey cherche à matérialiser cette frontière indécidable entre la réalité et le ressenti, le visible et l’invisible. En ce sens, la photographe nous donne à observer un « paysage mental ».
(Héloïse Conésa)
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C’est le tout à fait simple qui est impossible à dire. Et pourtant je le vois
et je le sens, et il n’est pas de pensée, si puissante, si meurtrière soit-elle,
qui m’en ait pu disjoindre jusqu’ici. Oiseau favorable, tu voyages dans
ta patrie. Tu te poses ici ou là où tu voles un court instant, peut-être
t’éloignes-tu la nuit davantage, mais quoi que tu fasses, c’est comme
si rien ne manquait, comme si tu étais la voix qui monte et descend
les degrés du monde, entre terre et ciel, jamais en dehors, toujours
dans le globe infini, libre, mais au dedans, là, tout proche, à la fourche
des branches argentées, n’attendant ni ne fuyant rien, voyageur qu’une
seconde de joie sans aucune raison dérobe au mouvement du voyage
pour le laisser posé, arrêté où? dans la lumière des feuilles qui bientôt
vont tomber pour faire place au ciel, au temps doré d’octobre, vêtu d’air,
incapable soudain de plus entendre aucun mot comme aller, ou partir,
ou frontière, ou étranger. Bienheureux vêtu de sa lumière natal
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L’immédiat: c’est à cela décidément que je m’en tiens, comme à la seule
leçon qui ait réussi, dans ma vie, à résister au doute, car ce qui me fut
ainsi donné tout de suite n’a pas cessé de me revenir plus tard, non pas
comme une répétition superflue, mais comme une insistance toujours
aussi vive et décisive, comme une découverte chaque fois surprenante.
Il me semble même, maintenant, que je comprends cette leçon un peu
mieux, sans qu’elle ait perdu de sa force. Mais il est impossible de la
résumer en une formule où on la tiendrait toute entière. D’ailleurs,
aucune vérité vivante ne peut se réduire à une formule; celle-ci étant,
au mieux, le passeport qui permet d’entrer dans un pays, après quoi
sa découverte reste à faire. Et l’on finit par penser que toutes les
choses essentielles ne peuvent être abordées qu’avec des détours, ou
obliquement, presque à la dérobée. Elles-mêmes, d’une certaine façon,
se dérobent toujours. Même, qui sait? à la mort.
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Marchant à flanc de coteau, suivant ces maigres chemins ou traces,
sous les chênes, dans la chaleur, accédant à ces anciennes terrasses
envahies d’herbes desséchées, je sens la pierre, la terre une fois de plus,
indubitables, je descends les degrés de ce monument qui m’apparaît sur
l’instant plus beau qu’aucun monument humain, plus majestueux et
simple à la fois, plus satisfaisant, plus réjouissant pour tout l’être, corps
et âme; donnant une espèce de jouissance limpide, sans arrière-goût.
Une pierre tranchée, avec sa mâchoire de cristaux.
Une ligne de fumée blanche mêlée aux peupliers suit une eau invisible
dans le creux des collines.
La mesure du ciel est encore large.
N’importe quoi sur ces pentes me surprend: une touffe d’herbe sous
des arbres, l’ombre, la couleur pâle, presque surnaturelle, des genévriers,
soudain ce très haut mur inutile, intact – et au-delà les ouvertures sur
les champs cultivés. Les sauterelles, comme des étuis de bois à ressort,
doublés de rouge ou de bleu. Les enclos de pierre où passe un papillon
blanc, en silence, son vol haché, saccadé muet. À tâtons dans l’air
doré.
Son vol boiteux.
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Vidéo de Philippe Jaccottet
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