Sa femme aimait aussi visiter les boutiques d’antiquités. Elle n’achetait jamais rien et se contentait de regarder. Toutes les villes avaient leur boutique d’antiquités et toutes les fermes possédaient des granges remplies de vieilleries avec un écriteau indiquant : ANTIQUITÉS. Quand elle se promenait au milieu d’un fatras de vieux objets dans un état plus ou moins avancé de décrépitude, son mari se traînait derrière elle en se demandant pourquoi les gens achetaient de telles choses.
La Nouvelle Technologie avait produit une classe de jeunes gens performants, prêts à s’élever dans l’échelle sociale et désireux de mener une vie confortable. Les lourdes maisons en grosses pierres, construites pour les richissimes magnats des mines et les barons de l’industrie forestière, n’étaient pas pour eux. Ils voulaient des habitations plus romantiques !
— N’y a-t-il jamais eu d’investigation ?
— Il se peut que les gens n’aient même pas su ce que ce mot voulait dire, à l’époque. Les braves gens de Pickax avaient conclu que c’était une malédiction ! C’était une façon simple d’oublier toute l’histoire. Mais on ne peut s’empêcher de se poser des questions. Quelqu’un éprouvait-il de la rancune contre la famille ? Celle-ci était-elle trop prospère, suscitait-elle l’envie ou la jalousie ? Ou bien le fermier avait-il fait quelque chose de terrible qui appelait une quelconque vengeance ?
Il fallait certes soigner la fièvre, la variole et les maladies pulmonaires, mais aussi se précipiter sur les lieux des accidents. La vie des pionniers était remplie de risques. Les fréquents feux de forêt provoquaient de grandes souffrances. Les inondations de printemps, les serpents venimeux, les chevaux emballés, les coups de sabot des mules, les mésaventures de chasse, les naufrages, les accidents dans les mines s’ajoutaient à une liste déjà longue.
— Vous étiez un maître dans le métier, m’a-t-on dit. Que faut-il pour faire un bon mécanicien ?
— Fallait apprendre à démarrer lentement, s’arrêter en douceur… Fallait garder la tête froide quand le diable était sur les rails… Fallait prier le Seigneur qu’le chauffeur soit bon… et fallait aussi s’en t’nir aux règlements pour c’ qui concerne la boisson.
Il parlait des arbres ! Disait que l’arbre est le meilleur ami de l’homme, qu’il fournit de quoi manger, de l’ombre quand il y a du soleil, du bois pour se chauffer l’hiver, des planches pour construire des maisons, des meubles et des bateaux… Qu’il n’y a pas de plus grande joie que de planter un arbre, de le soigner et de le regarder pousser. Ce qu’il ne dit pas était quelque chose que j’avais appris à l’école : les arbres purifient l’atmosphère et contribuent à l’écologie de la planète.
Je passais là d’agréables samedis après-midi avec les magazines de science-fiction qui venaient de paraître et une ample provision de poires. Figurez-vous que des explorateurs français avaient planté des poiriers le long des rives du lac. Posséder un « poirier français » était une marque de distinction. Nous en avions un qui produisait encore des fruits savoureux. Avant de partir pour mon refuge secret, je grimpais dans l’arbre et bourrais ma chemise de poires. Puis je me glissais dans la forêt.
La chasse n’était pas un sport en ce temps-là. Pour de nombreuses familles modestes c’était une façon de mettre de la nourriture sur la table. Au début du XXe siècle la vie était difficile dans le comté de Moose. Et pourtant celui-ci avait été le plus riche de l’État quand ses ressources naturelles avaient été exploitées.