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EAN : 9782849504062
269 pages
Syllepse (13/02/2014)
3.89/5   9 notes
Résumé :
Il s'agit de lettres écrites en prison par Geoffroy Jackson, ce jeune Noir accusé d'avoir tué un gardien blanc. Un document important sur la mentalité d'un jeune homme amené aux Black Panthers, un «poème», dit Jean Genet dans une ardente préface.




George Jackson est incarcéré à dix- huit ans pour un petit larcin et condamné à une peine de prison de un an reconductible. Il n’en sortira jamais. Mort à trente ans, après avoir pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'appartiens à un peuple juste, lent à se mettre en colère, mais dont rien ne peut endiguer la fureur

Dans sa préface, Jean Genet écrit « Mais le plus surprenant, quand nous lisons ces lettres d'un jeune Noir enterré dans la prison de Soledad, c'est qu'elles reflètent parfaitement le chemin parcouru par l'auteur – lettres d'abord un peu maladroites à sa mère et à son frère, lettres à son avocate qui deviennent un extraordinaire développement, sorte d'essai et de poème confondus, enfin les dernières lettres, d'une délicatesse extrême et dont on ne connaît pas le destinataire. Et, de la première lettre à la dernière, rien n'a été voulu, écrit ni composé afin de construire un livre ; cependant le livre est là, dur, certain, et je le répète, à la fois arme de combat pour une libération et poème d'amour. En cela je ne vois aucun miracle, sauf celui de la vérité même, qui s'expose toute nue ».

La prison, le cachot, les gardiens blancs, le racisme « épars, diffus, sournois, morose, hautain, hypocrite », les corps… Un livre écrit en prison, « les mots interdits, maudits, les mots ensanglantés, les mots crachés avec la bave, déchargés avec le sperme, les mots calomniés, réprouvés, les mots non écrits… ». Les mots de Jean Genet pour présenter les lettres de George Jackson, pour expliquer les ressources de la langue, « faire passer en elle toutes les hantises et toute la haine du Blanc ». Et une invitation : « Il faut lire ce qui suit, comme un manifeste, comme un tract, comme un appel à la révolte, puisqu'il est cela d'abord ».

Le collectif Angles morts (voir leur livre Vengeance d'État. Villiers-le-bel des révoltes aux procès, Editions Syllepse 2011), nous propose une lecture des « Frères de Soledad » comme arme « pour renforcer les luttes actuelles contre l'enfermement, le racisme d'État et la répression policière ».

Les prisons étasuniennes, les 132 émeutes entre 1967 et 1972, l'incarcération de masse des Noirs et des Latinos, « La construction d'une société carcérale passe par la mise en place de dispositifs de discipline et de châtiment qui se renforcent et se répandent dans toute la société : les incarcérations deviennent de plus en plus nombreuses et longues pour des délits moins ‘graves' ». le collectif explique, entre autres, la filiation entre le régime d'esclavage et le système pénitentiaire, le façonnage du vocabulaire du mouvement de prisonniers révolutionnaires, la prison comme extension des ghettos noirs et des barrios, etc.

« Si les détenus noirs et latinos sont de plus en plus nombreux à se considérer comme des prisonniers politiques, c'est qu'ils s'estiment victimes d'un ordre politico-économique oppressif ».

Prisonniers politiques, voir aussi Natacha Filippi : Brûler les prisons de l'apartheid. Révoltes de prisonniers en Afrique du Sud, Editions Syllepse 2012.
Révoltes en prison. « le mécanisme de contrôle qui reposait sur invisibilité des prisons et des prisonniers se grippe, sous l'effet conjugué du militantisme à l'extérieur, des allers-retours d'individus politisés, et des révoltes à l'intérieur qui trouvent un relais à l'extérieur ». Amerika is the prison.

L'histoire de la répression et de l'enfermement, dont les peines indéterminées, doit être mise en rapport avec celle « d'un capitalisme bâti sur la ségrégation raciale et spatiale ».

Les luttes permettent d'estomper les divisions raciales entre prisonniers blancs, latinos et noirs, elles bénéficient de soutiens extérieurs. Procès des Frères de Soledad, mort de George Jackson. James Baldwin écrit : « Aucun Noir ne croira jamais que Jackson est mort de la façon dont ils nous ont dit qu'il est mort ».

Le collectif termine par la mise en résonance des Frères de Soledad et des frères de Villiers-Le-Bel, de l'industrie carcérale et du maintien de l'ordre, de la place du livre, de la voix de George Jackson aujourd'hui.

Dans son avant-propos, Jonathan Jackson Jr, parle entre autres, de assassinat de son père Jonathan au tribunal, des lettres de George et de leur publication, de l'écriture de l'histoire par les vainqueurs, de la politique des États-Unis et du rôle de l'incarcération, des privilèges, des alternatives radicales et de la nécessaire ré-appréhension du message de George Jackson.

A lire et faire lire en re-situant le vocabulaire, les illusions sur le « socialisme chinois », une vision très dévalorisante des femmes dans certaines lettres, dans le contexte de l'époque.

Des lettres, parfois magnifiques, pour, non seulement se souvenir de George Jackson et des révoltes de prisonniers, des dimensions raciales de la démocratie des États-Unis (Amérikkke), mais aussi actualiser les possibles des dimensions radicales, souvent oubliées, des combats des Afro-américain-ne-s.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Pour ma centième critique, je m'attaque à l'un de mes livres fétiches.
Avant tout merci aux éditions Syllepse d'avoir réédité ce magnifique texte, dans l'excellente et hautement recommandable collection "Radical America". Avec en prime une nouvelle traduction et une deuxième préface.
Jean Genet a magistralement résumé ce livre : Un magnifique poème d'amour et de combat.
Dans ces lettres, George Jackson, alias le "Dragon", oscille entre l'intime et le politique. Après un premier texte en guise de biographie, rappelant la loi insensée l'ayant menée là où il est, l'intransigeant militant expose sa vision de la lutte, au milieu de lettres d'amour, à Angela Davis notamment.
Sa vie effervescente se raconte dans ses pages, que ce soit explicite ou en creux. La tragique trajectoire de son frère Jonathan (qui est au coeur de la dernière lettre, proprement incroyable).
Le livre que j'ai le plus souvent acheté dans ma vie, maintes et maintes fois offert.
Une prose incandescente pour une vision incroyable. de l'émotion brute.
Long live the Dragon!
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je ne veux pas mourir en ne laissant derrière moi que quelques chansons tristes et un petit tas de terre. Je veux laisser un monde libéré de l'ordure, de la pollution, du racisme, du pouvoir fondé sur la misère, du nationalisme et des guerres qu'il entraîne, des armées, de la bigoterie, des coteries, de cent différentes contre-vérités et d'une économie usuraire et déréglée.
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Je pense que tout le monde sera d'accord sur le fait que, si un homme (ou une femme) travaille comme salarié à un métier qu'il n'aime pas, et je suis persuadé que personne ne peut aimer le travail à la chaîne, les services d'entretien ou les tâches de domestique, il mérite le nom de "néo-esclave". L'homme qui possède l'usine, la boutique ou l'affaire, est le maître de votre vie ; vous dépendez de lui, qui vous "possède". Il organise votre travail, ce travail dont dépendent vos ressources et votre style de vie. Il détermine indirectement votre journée entière en aménageant votre travail. Vous êtes un néo-esclave si vous ne gagnez par votre travail que ce dont vous avez besoin pour vivre ; l'esclave classique lui aussi ne gagnait que sa survie.
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à l'origine, il y a toujours la Mère ; la mienne m'aimait. Parce qu'elle m'aimait et parce qu'elle redoutait pour moi le destin de tous les enfants mâles des mères esclaves, elle a tenté de me tenir captif dans sa matrice. Les conflits et les contradictions qui me suivront jusqu'à la tombe ont commencé là, dans la matrice. Ce sentiment d'être prisonnier... c'est une chose à laquelle un esclave ne se fera jamais, une chose que je ne pouvais tout simplement pas supporter alors, que je ne peux pas supporter maintenant, que je ne supporterai jamais.
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Voilà l'exemple le plus extraordinaire, le plus contre-nature que l'histoire puisse nous offrir de l'homme en lutte contre lui-même. Après la guerre de Sécession, la forme d'esclavage a changé : nous sommes passés de l'état de cheptel à l'esclavage économique. Nous avons été jetés sur le marché du travail, mis en compétition avec les Blancs pauvres dans des conditions désastreuses pour nous. Depuis ce moment-là, notre principal ennemi peut-être défini et identifié comme le capitalisme.
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Dans une société juste, les prisons n'existeraient plus. Si un homme est malade, on doit le mettre dans un hôpital encadré par les meilleurs praticiens ; les hommes ne devraient jamais être séparés des femmes ; ces établissements devraient regorger d'équipements, proposer des programmes constructifs, même si on devait pour ça retirer des fonds à d'autres secteurs de l'économie. C'est un suicide pour la société que de créer des monstres pour ensuite les relâcher dans le monde.
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