La tiédeur confuse des corps et des draps, les mouvements hasardeux des membres dans la nuit, et tout à coup, dans les plis d'aube buter sur de l'infiniment doux, de la peau humaine, le miracle de la peau humaine, l'organe le plus soyeux de la création, mais nom de Dieu d'où peut bien venir cette douceur?
Dût-elle y laisser ses économies, jamais elle ne vendra cette maison.
C'est précieux dans une vie,un endroit qui échappe à la ruine.(p.198)
Que s'est-il passé pour que je n'aie ni mari ni maison? Et surtout que s'est-il passé pour que je n'en conçoive ni tristesse ni amertume ? Je n'ai pas la réponse, je me pose la question seulement quand je suis dans un jardin.(p.154)
Rien n'est sûr tout est beau
Quand les choses sont certaines elles sont déjà un peu mortes.
(p.36)
L'amour, c'est être fou curieux, dit Flaubert. L'amitié aussi.
Depuis qu'il n'est plus là, le monde n'est plus le même. Le monde manque de mon père. Il est moins fantasque, plus prévisible. Ce qui est annoncé arrive. Avant il recelait toutes sortes de surprises, pas toutes drôles d'ailleurs, avec lui au moins on était assuré de ne jamais s'ennuyer. D'une minute à l'autre, il pouvait passer de la joie à la colère. Il se jetait tout cru dans chacun des moments de sa vie. (...)
La place vide de mon père, on ne voit qu'elle. (p. 174-175)
Toute ma vie j'ai voulu leur ressembler. De grâce, deux minutes me suffiraient. Une actrice italienne des années cinquante. A la limite, soixante. Quand elles apparaissent, on les gobe. On est leur peau, leur grain de peau, les pores serrés, fins, on est leurs longs bras nus sous leur robe noire sans manche, on est leur taille qui sinue dans la robe noire, on est le bout de leurs pieds gainés dans des bas de Nylon, et on marche, on marche sans fin dans de beaux appartements milanais ou romains.
J'ignore pourquoi notre société ne fait pas aux timides la place qu'ils méritent, elle préfère promouvoir les extravertis,les décomplexés. Il s'agit surtout et partout de s'affirmer, de dire haut et fort ses pensées, toutes ses pensées. Maître mot,la transparence. Pour être dans la course, je joue le jeu,mais tout au fond de moi,secrètement, je continue d'avoir un faible pour la réserve et la pudeur.
Ce qui est caché me paraît toujours autrement plus désirable que ce qui est montré. (p.184)
Je préférerai toujours un Dostoïevski à un de ces écrivains autocensurés au point qu'il ne coule plus de leur oeuvre qu'un filet d'eau tiède. (p.140)
Première difficulté, la vie sans modèle. Il faudrait désormais s'inventer soi-même sans la grâce de personne.(p.76)