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EAN : 9782070177752
272 pages
Gallimard (11/05/2017)
3.92/5   198 notes
Résumé :
«"C’est sans danger", lui crie son père à l’oreille.
Mais elle n’entend pas. Ni lui. Il lui crie qu’elle doit sentir avec son corps que l’île est immuable, même si elle tremble, même si le ciel et la mer sont chambardés, une île ne disparaît jamais, même si elle vacille, elle reste ferme et éternelle, enchaînée dans le globe lui-même. Oui, c’est presque une expérience religieuse qu’il veut partager avec sa fille en cet instant, il doit lui apprendre ce princ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (52) Voir plus Ajouter une critique
3,92

sur 198 notes
Le silence est quasi inexistant sur une île. Il y a les cris des mouettes, des pies huîtrières, des eiders et ceux des cormorans qui se dressent sur l'écueil comme des moines carbonisés, ajustant leurs soutanes selon le vent. le bruit du vent, omniprésent, qui emporte constamment le sol dans la mer. le silence est rare et sa durée « varie selon les saisons, le silence peut durer longtemps dans le gel de l'hiver, comme lorsqu'il y avait de la glace autour de l'île, mais celui de l'été est toujours comme une petite pause entre un souffle de vent et un autre, entre le flot et le jusant, ou pendant ce miracle qu'est l'instant où l'homme cesse d'inspirer avant d'expirer ».

Pourtant c'est bien le silence qui a fait place en moi en lisant ce beau livre insulaire « Les invisibles » de Roy Jacobsen. Il a bercé ma respiration au rythme des saisons, au rythme des multiples activités immuables à mener pour survivre sur une île, au rythme des épreuves et du courage indispensable à avoir en tant qu'ilien. Au rythme des petits bonheurs simples. Un livre qui m'a apporté du calme, a épousé ma solitude de lectrice. La trame narrative y est lente mais aussi toujours en mouvement. Je m'y suis sentie comme en mer : bercée par les vagues, ballotée par moment, et en même temps ancrée en mon moi intérieur. Je m'y suis sentie bien.

Et comme toujours en mer, j'ai aimé l'horizon, tout est horizon sur une île, plan infini où les nombreuses îles norvégiennes ressemblent à des temples flottants les jours d'hiver brumeux ou à des perles de collier en été. La faune et la flore nous sont racontés dans ce livre et les paysages sont magnifiques, toujours changeants ; la plume de Roy Jacobsen les sertit d'une poésie délicate et très imagée : « Ingrid marche avec ses chaussures en poil de chèvre sur un plancher de verre entre l'île et Moltholmen, et elle voit en dessous d'elle des algues, des poissons et des coquillages dans un paysage d'été. Oursins, étoiles de mer et pierres noires sur le sable blanc, poissons qui filent à travers des forêts oscillantes, la glace est comme une loupe, claire comme l'air ».

Nous suivons le quotidien d'une famille de pêcheurs sur une île tout au nord de la Norvège, une île proche du cercle polaire, dans l'archipel dit aux milles îles qui porte le nom des familles qui y vivent. Hans Barrøy, trente cinq ans, habite avec sa jeune femme Maria, sa petite fille Ingrid, sa soeur retardée, du moins différente, Barbro et son vieux père Martin, sur leur toute petite île, l'île Barrøy. Ils en sont les uniques habitants. Les saisons rythment le dur travail de la pêche et des fenaisons, le maillage des filets, le ramassage de la tourbe, les réparations de la maison, l'accouplement annuel du bélier, le tri des déchets échoués après les tempêtes. Toutes ces besognes sont décrites de manière détaillée et respectueuse d'un savoir-faire ancestral se transmettant au fil des générations. La vie de ces iliens est rude, avec peu de confort, les sentiments ne s'expriment pas, du moins s'expriment silencieusement, la pudeur est de mise. Parfois les sentiments explosent et déferlent sans aucune digue pour les retenir.
La vie sur l'île de Barrøy est par moment un paradis, par moment un enfer, des jours de richesse et des jours de désespoir, la frontière entre les deux est ténue.

Le personnage central est la petite fille, Ingrid, à la longue chevelure de la couleur du goudron, aux yeux pétillants « où la bêtise morne de la pauvreté est tellement absente ». Elle observe ce monde d'adultes dont les repères ne sont pas toujours faciles à comprendre. Très attachée à son île, elle la préfère de loin à l'école qui a lui volé son beau sourire que son père aime tant. « Tu rigoles de tout, dit-il en songeant qu'elle connaît la différence entre le jeu et ce qui est sérieux, qu'elle pleure rarement, qu'elle ne fait pas la tête de mule ni ne ressasse, qu'elle n'est jamais malade et qu'elle apprend ce qu'il faut » se rassure-t-il, lui qui a tellement peur qu'elle soit comme sa soeur, différente. Mais non, Ingrid s'avère être vive, sensible, intelligente, courageuse, curieuse et solaire. Nous allons suivre sa vie et son destin sur presque deux décennies. C'est une fille de la mer « qui ne voit pas les vagues creuses comme un danger ou une menace, mais presque toujours comme un chemin et une solution ».

Les invisibles…l'auteur parle-t-il de ces iliens qui vivent si retirés qu'ils en deviennent invisibles, notamment pour les gens du pays ? Ou alors des pensées et des sentiments, notamment la peur, qui doivent être invisibles dans cette vie simple et rude ?

Ce roman évoque une époque révolue, celle de la Norvège avant la découverte du pétrole. C'est un roman captivant de par son ton monotone, simple mais pas ennuyeux, comme si l'auteur avait voulu associer son écriture à l'image de la vie insulaire. Un roman qui parle beaucoup du labeur, des gestes, sans relâche. C'est très efficace bien que déstabilisant de prime abord. le roman gagne peu à peu en profondeur et en poésie, les chapitres sont courts, telles de courtes nouvelles ayant pour thème exclusif cette île, puis au fur et à mesure que nous découvrons la vie sur l'île et les personnages, le récit prend de l'épaisseur. L'écriture, malgré ce ton qui se veut par moment monotone, est sublime. Je vous propose de clore mon ressenti avec un passage qui m'a particulièrement plu :

« Plus rarement, ils trouvent une bouteille à la mer qui contient un mélange de nostalgie et de confessions, et qui concerne une autre personne que celle qui la trouve ; si elle avait touché le bon destinataire, elle lui aurait fait verser des larmes de sang et remuer ciel et terre. Les îliens les ouvrent avec tout leur bon sens, ils en tirent les lettres et les lisent, s'ils en comprennent la langue, ils se font des idées sur le contenu, des petites idées bien vagues – les bouteilles à la mer sont d'étranges véhicules de manque, d'espoir et de vie inachevée –, puis ils rangent ces lettres dans un coffret où l'on met les choses que l'on ne peut ni posséder ni jeter, ils font bouillir la bouteille et la remplissent de jus de groseille, ou bien ils la posent tout simplement sur le bord de la fenêtre de l'étable comme une sorte de preuve de son propre vide, les rayons de soleil se teintent de vert en la traversant avant de retrouver leur couleur parmi les brins de paille secs sur le plancher »

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Debut du XXe siècle,
Hans Barrøy, trente cinq ans, habite avec sa jeune femme, sa petite fille, sa jeune soeur retardée et son vieux père une toute petite île au large de la Norvège. Ils en portent le nom et en sont les uniques habitants.
Face à une vie de labeur dans la pauvreté, esclave d'une nature sauvage aux hivers trés rudes, où Hans doit partir pêcher pour quelque mois aux îles Lofoten, -la pêche étant leur revenu vital -, la famille survit à toutes les épreuves.
Le personnage central du livre est la petite fille, Ingrid, sensible, intelligente, courageuse, curieuse qui observe ce monde restreint d'adultes avec ses propres codes et dont les repères ne sont pas toujours facile à comprendre. Bien que forte, le destin va la défier pour le meilleur et le pire, une histoire qu'on va suivre sur presque deux décennies; Barrøy est un paradis, comme il peut être l'enfer.......

La chaleur de ce récit émouvant vient de l'amour et de la solidarité entre les membres de cette famille dans des conditions de vie difficile où chacun a son rôle et s'y tient. Amour au sens large, l'amour entre les époux, entre le père et la petite fille, entre le frère et la soeur, la petite fille et sa tante,la petite fille et son grand-père.....Quand à son charme, c'est sans aucun doute son langage simple. Des gens humbles, dont les ressentis et les pensées sont exprimés indirectement, avec pudeur. Tout est dans la description des gestes et entre les lignes. Ici même le silence parle.
Descriptions intéressantes aussi des divers coutumes et modes de vie de l'époque sur ces îles, comme les femmes qui mangeaient debout et qui finissent par s'asseoir, leurs coffres, les domestiques esclaves non payés,....

Une histoire passionnante aux personnages magnifiques, dans un décor grandiose, dont les héros sont des enfants qui face au destin sont forcés à devenir des adultes précoces. C'est est l'un des cinq titres sélectionnés dans le monde entier pour le Booker Prize 2017 en Angleterre, dont je ne peux que vous conseiller la lecture !


"Un îlien n'a pas peur sinon il ne peut pas vivre dans un endroit pareil,.."


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Ils sont invisibles parce qu'ils vivent sur de toutes petites îles dans le nord de la Norvège, au début du 20ème siècle, et que ces îles, dont souvent ils portent le nom (ou l'inverse), sont à l'écart des principales routes maritimes, même pas marquées sur les cartes.
Sur Barrøy, Hans, 35 ans, est le chef de famille. Il vit là avec son père, sa soeur attardée mentale, sa femme et leur fille Ingrid. Tous travaillent dur, selon leur âge et leurs capacités. La pêche, la laine des brebis, la récolte de duvet d'eider, les potagers, les tâches sont diverses et variées mais incessantes et souvent rendues très difficiles par les conditions climatiques sauvages, à l'image de la nature. La terre et la mer sont leurs éléments nourriciers mais peuvent aussi ruiner leurs espoirs de survie quand les tempêtes ou les accidents s'en mêlent. Cette vie rude et spartiate, monotone, à l'écart, est racontée depuis le point de vue d'Ingrid, 7 ans au début du roman, qui s'étale sur une petite dizaine d'années. Intelligente et sensible, la fillette observe les adultes sans forcément tout saisir de leurs agissements. Mais même si elle ne comprend pas tout, elle ressent les choses, bousculée elle aussi par la vie et les coups du sort.
Avec son écriture dépouillée et ses dialogues laconiques, "Les invisibles" est un roman taciturne dans lequel on ne gaspille pas son énergie en vaines discussions, tant on est occupé à survivre et à lutter contre les éléments. Mais le texte n'est pas noir ni froid pour autant, le printemps et l'été ramènent la lumière, et l'amour et la solidarité familiale réchauffent les coeurs tout au long de l'année.
En plus de nous en apprendre beaucoup sur le mode de vie insulaire d'il y a un siècle, "Les invisibles" nous emmène en immersion dans une saga familiale attachante, faite de courage, de drames, de silence et de lenteur.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Ils sont une petite famille et ils vivent sur une île, Barrøy quelque part près des iles Lofoten. Ce sont des îliens et le nom de l'île est aussi leur nom de famille.

Il y a Martin, le grand-père, Hans son fils, Maria sa femme, Barbro, la soeur de Hans, et surtout Ingrid. Ingrid qui est petite au moment où démarrer l'histoire, mais qui va devenir l'une des personnes les plus importantes que ce territoire.

La vie y est âpre, belle et rude tout à la fois. On vit à moitié des travaux des champs (un peu d'élevage, et quelques pommes de terre en potager) et de la mer (de la pêche, soit en rejoignant les grandes campagnes de pèche dans les Iles Lofoten, soit en pêchant tout autour de l'île du lieu, du flétan, ou en confectionnant du guano).
Et à ma grande surprise le récit est tout à fait passionnant.

A la mort de Martin, c'est Hans qui devient pleinement le chef de famille. C'était déjà un peu le cas depuis qu'il vieillissait et qu'il n'était plus en mesure de réaliser tous les travaux nécessaires. C'est lui qui tente de placer sa soeur Barbro chez d'autres familles en tant que domestique – mais cela ne prend pas et Barbro restera sur Barrøy.

Hans va décider des travaux, même si l'argent manque toujours et qu'il faut s'échiner après chaque période de pêche dans des travaux de bête de somme. Barbro l'aide, parce que même si c'est une femme, elle est dure à la tâche elle aussi. Mais Hans et Barbro n'arriveront pas tous seuls à réaliser un ponton d'accotement : ils font venir quelques ouvriers suédois pendant quelques semaines pour les aider. Ils repartiront rapidement, laissant cependant une surprise dans le ventre de Barbro qui accouchera quelques temps plus tard d'un garçon qu'on baptisera Lars …

On n'est pas épargné par la vie sur une île pareille. Une naissance, plusieurs morts, et ce sont encore des enfants – Ingrid, Lars – qui vont devoir bientôt prendre des décisions comme des adultes.
Qu'est-ce qui fait qu'un récit est si passionnant ? Son écriture, sans aucun doute.

Sans jamais nous infliger aucun pathos (à l'image de cette grande dispute en Ingrid et Lars à coups de tisonnier, mais sur laquelle l'auteur ne s'appesantira pas du tout, Roy Jacobsen nous décrit leur quotidien, fait de peines (beaucoup) de quelques joies au milieu de beaucoup de rudesse, à l'image de ces images qu'il décrit si bien aux quatre saisons. Mais avec une affection partagée entre eux pour faire fasse à l'adversité. Il y est question du rire aussi, le rire d'Ingrid que son père aime tant, et qu'elle va perdre lorsqu'elle partira à l'école comme les autres îliens.

Le personnage d'Ingrid est flamboyant, magnifique. Elle est intelligente, délicate, et très courageuse. Et du courage, elle va en avoir besoin pour affronter ce que lui réserve le destin.

Personnellement je l'ai lu d'une traite, avec l'envie irrésistible de connaître la suite (Roy Jacobsen a écrit également « Mer blanche » et « Les yeux du Rigel » où l'on continue de suivre la destinée de la belle Ingrid.

Avec ces « Invisibles », on pense à son voisin islandais Jon Kalman Stefansson « Entre ciel et terre », « A la mesure de l'univers » ou bien « le coeur de l'homme » pour la force du récit, ou à son compatriote Per Peterson (« Pas facile de voler les chevaux) pour les paysages et la présence de ces personnages dans des territoires si différents des nôtres.

Une histoire passionnante que celle de ces « invisibles » qui au fil de la lecture nous deviennent de plus en plus « essentiels ». Beaucoup de pudeur et de profondeur pour décrire le quotidien de quelques personnages qu'on a l'impression d'avoir vraiment rencontrés.

Une grande réussite.
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J'avais repéré la parution très récente du roman « les yeux du Rigel » qui est le 3ième volet de la trilogie de Roy Jacobsen, un auteur norvégien que je ne connaissais pas.
J'ai donc lu  Les invisibles traduit par Alain Gnaedig, puis  la mer blanche  et  les yeux du Rigel  à la suite sans interruption et avec un immense bonheur car c'est une lecture qui m'a complètement transportée.

J'ai vécu une page d'histoire particulièrement émouvante en suivant pas à pas le quotidien d'une famille de pêcheurs sur l'île Barrøy tout au nord de la Norvège, dans l'archipel dit aux milles îles qui porte le nom des familles qui y vivent.

La famille Barrøy où Hans est le chef de famille est au complet en ce début du 20 ième siècle. Les saisons rythment de manière immuable le dur labeur de la pêche et des fenaisons, le maillage des filets, le ramassage de la tourbe. Les scènes des travaux et besognes sont décrites de manière détaillée et respectueuse d'un savoir faire ancestral qui se transmet de génération en génération. le rythme est lent mais toujours en mouvement comme la mer.


Sur l'île, les enfants naissent, ont à peine le temps de grandir pour travailler durement dans cet horizon sans limite dont ils ne voudraient pourtant aucun autre . Dans la famille de Hans Barrøy le travail se fait en silence mais avec le bruit incessant du vent et les cris des oiseaux. Alors quand la brume descend et le silence se fait, ils peinent à laisser leurs outils pour faire place à leurs pensées.
Les sentiments sont tus mais le corps et l'esprit sont naturellement offerts au vent comme la petite Ingrid qui préfère de loin son île aux bancs de l'école qui lui a défait son sourire. Les élans tristes ou passionnés sont contenus quitte à ce qu'ils déferlent un jour puissamment sans aucune digue pour les retenir.

Quelle magnifique écriture façonnée comme une pierre précieuse ! Poétique, réaliste, elle m'a poinçonné le coeur. Je me suis raccrochée à ce radeau de petits bonheurs solidaires qui navigue sur l'eau malgré la violence des éléments et les blessures de l'existence. Je me suis profondément attachée aux membres de la famille Barrøy qui ne font qu'un avec la mer. Indomptables et fiers, femmes et hommes sont attachés à leur bout de terre lointain.

La maison sur l'île est un havre de douceur, côté sud ou côté nord qui ont leur préférence selon les saisons . Roy Jacobsen a des yeux de divin en faisant voir et toucher la belle vaisselle polonaise, la nappe aux minuscules fleurs rouges et jaunes reliées par des sarments verts. Tout est beau et simple. Et pourtant le regard n'est jamais le même ni les couleurs de l'horizon.
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critiques presse (1)
Liberation
30 mai 2017
Le lecteur des Invisibles ressent l’ivresse et l’émotion de se croire témoin du monde en train de naître.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (75) Voir plus Ajouter une citation
En février, la mer peut être un miroir turquoise. Barrøy, couverte de neige, ressemble à un nuage dans le ciel. C’est le froid qui rend l’eau verte et plus claire, calme, et visqueuse, comme de la gelée. Elle peut se figer entièrement, se couvrir d’une pellicule, changer d’apparence. L’île a un liseré de glace qui entoure également les îlots les plus proches, elle s’est agrandie.

Ingrid marche avec ses chaussures en poil de chèvre sur un plancher de verre entre l’île et Moltholmen, et elle voit en dessous d’elle des algues, des poissons et des coquillages dans un paysage d’été. Oursins, étoiles de mer et pierres noires sur le sable blanc, poissons qui filent à travers des forêts oscillantes, la glace est comme une loupe, claire comme l’air.
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Sa durée varie selon les saisons, le silence peut durer longtemps dans le gel de l’hiver, comme lorsqu’il y avait de la glace autour de l’île, mais celui de l’été est toujours comme une petite pause entre un souffle de vent et un autre, entre le flot et le jusant, ou pendant ce miracle qu’est l’instant où l’homme cesse d’inspirer avant d’expirer.....
Mais le silence sur une île n’est rien. Personne n’en parle, nul ne s’en souvient, tellement il marque les esprits. C’est l’infime aperçu de la mort tant qu’ils sont encore en vie.
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Ingrid ne veut plus couper de bois, elle cuit les galettes, les crêpes et le pain, elle sait traire, écrémer, faire du beurre, des gâteaux et de la confiture, elle sait filer, tricoter, ramer et nager. Elle sait à peu près tout faire. Elle sait nettoyer le duvet, préparer les filets, amorcer les lignes – un travail d’homme -, préparer le poisson séché – éventuellement un travail de femme -, ramasser des œufs de mouette, cueillir des baies et récolter les pommes de terre – ce qui, curieusement, est un travail à la fois d’homme et de femme. Mais dans les carrés de pommes de terre comme pour la tourbe, son père est debout tandis que les femmes sont agenouillées. Martin aussi est à genoux. Quand il n’est pas couché sur le dos.
Il n’y a pas sur cette terre d’enfant de douze ans qui sache faire plus de choses qu’Ingrid, c’est une fille de la mer qui ne voir pas les vagues creuses comme un danger ou une menace, mais presque toujours comme un chemin et une solution.
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C’est presque une pensée macabre qui indique qu’il n’aime pas le travail de la terre, il est un homme de la mer, plus pêcheur que paysan, plus chasseur qu’esclave d’une terre. Ce qui était censé être un petit supplément de prairies est en train de se muer en une plaie existentielle.
La contradiction entre la mer et la terre a toujours été là, sous forme d’une inquiétude et d’une attirance : quand il est en mer, la terre lui manque, et quand il a les mains dans la terre, il se surprend sans cesse à scruter en direction de la mer et de la pêche. Mais il y avait un équilibre dans cet aller et retour, une dépendance réciproque et supportable. Cet équilibre est-il menacé d’être ébranlé ?
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Plus rarement, ils trouvent une bouteille à la mer qui contient un mélange de nostalgie et de confession, et qui concerne une autre personne que celle qui la trouve ; si elle avait touché le bon destinataire, elle lui aurait fait verser des larmes de sang et remuer ciel et terre. Les îliens les ouvrent avec tout leur bon sens, ils en tirent les lettres et les lisent, s'ils en comprennent la langue, ils se font des idées sur le contenu, des petits idées bien vagues - les bouteilles à la mer sont d'étranges véhicules de manque, d'espoir et de vie inachevée -, puis ils rangent ces lettres dans un coffret où l'on met les choses que l'on ne peut ni posséder, ni jeter, ils font bouillir la bouteille et la remplissent de jus de groseille, ou bien ils la posent tout simplement sur le bord de la fenêtre de l'étable comme une sorte de preuve de son propre vide, les rayons de soleil se teintent de vert en la traversant avant de retrouver leur couleur parmi les brins de paille secs sur le plancher.
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Videos de Roy Jacobsen (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Roy Jacobsen
A l'occasion du festival des littératures du monde : "L'usage du monde" organisé par Lettres du monde, rencontre avec Roy Jacobsen autour de son ouvrage "Les invisibles" aux éditions Gallimard.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2307743/roy-jacobsen-les-invisibles
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