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Critique de motspourmots


Dans le merveilleux Vincent qu'on assassine, Marianne Jaeglé faisait une démonstration époustouflante de son talent à entrer dans la tête de son sujet, à s'emparer de ses pensées et à les donner à ressentir à son lecteur, transporté et captivé. Van Gogh prenait vie, ses souffrances étaient les miennes, je voyais les couleurs qu'il percevait, j'entendais les sons qui le hantaient, je vivais ma lecture par tous les sens. Dans ce nouveau livre, elle choisit le format court, celui qui permet de capter très précisément un moment essentiel, un point de bascule. Elle nous offre vingt-et-un instantanés qui sont autant de plongées dans l'esprit de personnages qui ont marqué L Histoire et le monde de l'Art. Écrivains, poètes, peintres, sculpteurs, photographes... saisis dans l'instant qui les révèle, ou au contraire souligne le mystère de la création, en explore les contours pour mieux en éclairer la beauté faite de complexité. C'est fin et d'une impeccable précision.

J'ai beaucoup apprécié d'abord l'éclectisme des portraits qui permet d'explorer plusieurs époques et plusieurs arts, de Chaplin à Homère, de J.K. Rolling à Malaparte, de Picasso à de Vinci en passant par Lee Miller, Irène Némirowsky ou Colette. En quelques pages, moins de dix en général, l'auteure nous projette dans un décor, un esprit, un contexte historique avec une facilité déconcertante. Pour certains, c'est une découverte totale (Matsuo Munefusa pour ce qui me concerne), pour d'autres cela permet de donner un contour à un nom lu ici ou là. Mais pour la plupart, déjà souvent croisés grâce à leurs oeuvres ou à d'autres écrits, c'est l'impression d'entrer dans leur intimité. Chacun réagira donc en fonction de son degré de connaissance des uns et des autres ce qui promet des lectures très personnelles. Chacun sera plus ou moins sensible selon ses affinités. J'ai été très touchée par l'instant dans la vie de Colette et cette expérience singulière des premiers cahiers, "s'asseoir, tremper la plume dans le liquide à l'odeur amère, tracer patiemment une lettre après l'autre, comme on coud, comme on jardine, comme on prépare des confitures et qu'on fait grandir des enfants, sans impatience, elle sait qu'il suffit de s'y mettre, jour après jour, et de ne pas hésiter à raturer". J'ai été émue comme à chaque fois que je croise le visage de Lee Miller, foudroyée par cet instant terrible en compagnie de Curzio Malaparte déjà croisé dans de nombreux romans et qu'il va bien falloir que je me décide à lire un jour. Primo Levi m'a serré le coeur, j'ai eu envie de gifler Félix Mendelssohn, Picasso m'a fait sourire jaune et j'ai bien noté que Leonardo (da Vinci) bénéficiait d'un traitement de faveur en squattant un autre instant en plus du sien. "Quelque-chose de ce qu'il a créé survivra-t-il après sa mort prochaine ?" se demande-t-il tandis qu'il chemine vers la Loire où l'attend François Ier, trois tableaux pour tout bagage, dont le portrait d'une jeune femme au sourire mystérieux. Impossible de tous les citer, à chacun de picorer ces instants et de les savourer.

Car on peut les apprécier sur le moment, pour la précision de la langue, la justesse de la captation et de la restitution, et y revenir à l'occasion, au gré de nos parcours respectifs le long des chemins sinueux de l'art et de la littérature, pour éclairer une rencontre. Ces instants seront comme des échos à nos explorations, donnant envie de découvrir ou de redécouvrir certaines oeuvres, certains artistes derrière les oeuvres. Magnifique perspective.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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