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Critique de Fandol


Au printemps des monstres, ce livre m'a pris beaucoup de temps pour le lire. J'ai ressenti parfois de la lassitude mais, paradoxalement, je le referme presque à regret.
Je n'ai pas dénombré tous les personnages croisés au cours d'une histoire qui tourne autour de l'assassinat de Luc Taron (11 ans), le 26 mai 1964. Ils sont nombreux, fugaces pour certains, devenus célèbres pour d'autres, mais tout s'articule évidemment autour de Lucien Léger, connu sous le terme qu'il s'était attribué lui-même dans ses messages précédant son arrestation : L'Étrangleur.
Précision utile, Luc Taron n'est pas mort étranglé et là, commencent les doutes, les invraisemblances et les complications infinies d'une affaire jamais vraiment élucidée et dont certains éléments ont disparu des différents dossiers.
Philippe Jaenada, comme il l'a fait dans ses romans précédents que j'ai lus, pour Pauline Dubuisson dans La petite femelle puis pour Henri Girard, dans La serpe, ne laisse aucun détail de côté. Il se rend sur les lieux, tous les lieux où ont vécu les personnages dont il parle, sans oublier, ce qui détend bien la tension d'une lecture peu réjouissante, sans oublier de confier ses soucis de santé, ses moyens de déplacement, sa lutte contre son tabagisme et surtout en faisant partager ses émotions, son ressenti.
D'emblée, il m'apprend qu'il est né à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le 25 mai 1964, quelques heures avant la découverte du corps de Luc Taron, dans le grand bois de Verrières (Essonne). D'ailleurs, il s'y trouve, dans ce bois, à 4 h du matin, à la même date, cinquante-cinq ans après sa naissance, pas très loin du lieu où il a vu le jour.
Trois grandes parties constituent son récit passionnant et fort bien documenté : le fou, Les monstres et Solange. Malgré la longueur des chapitres, il a su ménager une utile respiration agrémentée de quelques citations édifiantes tirées de la presse, d'autres livres ou de déclarations à la radio ou à la télévision.
Régulièrement, Philippe Jaenada que j'ai écouté très attentivement aux récentes Correspondances de Manosque, rend hommage, remercie Stéphane Troplain et Jean-Louis Ivani pour leur livre, le Voleur de crimes (édition du Ravin bleu, 2011). Avant lui, ils ont enquêté, fouillé dans cette histoire bien compliquée et rencontré, parlé avec Lucien Léger, après sa libération de prison, avant sa mort. Il salue régulièrement aussi l'aide efficace de Wats, Letizia Dannery ainsi que bien d'autres dont, et avant tout, Anne-Catherine, son épouse.
Le fou est bien sûr consacré au détail des événements. le fou en question se nomme Lucien Léger et il s'attribue un crime qu'il n'a sûrement pas commis et pour lequel il a été condamné à perpétuité. Il avait d'abord reconnu les faits pour protéger une ou plusieurs personnes puis s'était rétracté juste avant le procès, la peine de mort pouvant être au bout… Après quarante-et-un ans d'enfermement, il sort de la prison de Douai, dans la nuit du 2 au 3 octobre 2005. Il est mort en juillet 2008, à 71 ans.
Quand Philippe Jaenada aborde Les monstres, commence l'étude détaillée des invraisemblances, des détails importants laissés de côté et surtout du rôle des principaux protagonistes qui sont, eux, les véritables monstres.
L'auteur ne ménage pas les avocats et met en avant la véritable personnalité de Luc Taron qui n'avait pas de copain. Il raconte la vie de sa mère, Suzanne Brûlé et surtout de celui qui s'affiche comme le père : Yves Taron, « un escroc minable ». Surtout, il y a ce Jacques Salce qui a un alibi trop beau pour la nuit du crime et dont le nom reviendra souvent ensuite.
Enfin, Philippe Jaenada nous parle de Solange, l'épouse de Lucien Léger, dont la photo illustre la couverture du livre. Son histoire est terriblement émouvante car, enlevée à sa mère pour être confiée à l'Assistance publique, elle a su devenir une jeune fille comme les autres. Hélas, sa santé s'est subitement dégradée alors qu'elle allait passer le BEPC (Brevet des Collèges aujourd'hui), en 1955. Tout au long des années qui lui restent à vivre, jusqu'à son décès, à 31 ans, elle consomme beaucoup de médicaments et séjourne régulièrement dans des unités psychiatriques.
Lucien Léger a commencé à correspondre avec elle alors qu'il était soldat en Algérie car il était ami avec son frère. Ils se sont enfin rencontrés, se sont aimés et se sont retrouvés plongés dans la tourmente judiciaire. Ils se sont écrit des quantités de lettres dont l'auteur cite de nombreux passages mais Solange Léger devient la proie de la presse à scandale (Ici Paris, France Dimanche, Détective) qui en fait des tonnes pour vendre du papier. Solange étant dans la misère la plupart du temps, elle tente de monnayer ses confidences vite transformées, hélas, pour appâter le lecteur.
Au printemps des monstres, ce livre m'a demandé beaucoup de temps pour le lire mais beaucoup moins qu'il en a fallu à Philippe Jaenada pour enquêter et écrire, passant en permanence, trois années de sa vie, jour et nuit, pour cette histoire qui n'a jamais vraiment trouvé de solution convaincante. Seule certitude : Lucien Léger n'a pas tué Luc Taron.
Quand, à Manosque, Ghislaine a demandé à l'auteur comment il pouvait sortir indemne après avoir écrit un tel livre, Philippe Jaenada a répondu qu'il n'était pas indemne, plutôt effondré, que, moralement, il n'en sort pas et qu'il y pense tout le temps, précisant qu'une fois de plus, la vérité judiciaire est fausse !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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