Lux oscille entre l’innocence de la vierge et l’expérience blasée de la future suicidée.
Le monde de Virgin Suicides semble sous cloche, claquemuré, incapable de s’ouvrir. L’emprisonnement final commence par un plan sur des doigts plongés dans un bocal contenant des coraux multicolores en plastique, comprimant la nature dans un récipient et sans sa réplique, à l’image des jeunes filles coincées entre quatre murs et prises entre les quatre yeux de leurs observateurs. […] Un tel enfermement ne laisse pas la place aux intrusions exogènes, mais se consume de l’intérieur, cocotte-minute en instance d’implosion.
Le regard est un vampire : les sœurs Lisbon en sont les premières victimes, lessivées par les yeux qui les commentent, les jugent et les rêvent.
"En les observant sans relâche, on finirait peut-être par les comprendre" : il s’agit de traquer les signes avant-coureurs de la dépression, les pupilles dilatées et un désintérêt général pour la vie. La photo de classe fige les regards, traqués par une caméra fouineuse, pour déceler quelque chose – en vain. Le portrait des jeunes filles qui émaille les journaux télévisés, ou qui encadre les visages tout au long de l’escalier de la demeure familiale, n’apporte rien de plus que des sourires muets.
Garçons et recluses entreprennent une correspondance musicale, de part et d’autre de la rue, par téléphone interposé. Après un montage alterné instaurant un dialogue entre les deux maisons, le plan finit par se fendre en deux à la faveur d’un "split screen", dévoilant simultanément diffuseurs et auditeurs, réunissant illusoirement fascinantes et fascinés. Le procédé a ici la particularité de partager l’image par l’horizontale : dès lors, la projection des jeunes filles à l’écoute de la musique, dans la moitié supérieure du cadre, semble venir tout droit de l’imagination fertile des garçons.
Le merveilleux ne tient pas la route face à l’ordinaire. Le film ne peut s’empêcher d’abaisser ce qu’il élève, de souiller ce qu’il protège, mêlant l’or et la boue.