Fin des années 30. de Moscou à Barcelone en passant par Paris, la planète est en ébullition. Les révolutions des uns tentent de déborder chez les autres. le débat d'idées est tendu, prendre position étant souvent considéré comme un crime ou une trahison. Sylvia vient d'accepter le poste de secrétaire de
Léon Trotsky, alors en exil à Mexico.
Dans son précédent album, le roi invisible,
Gani Jakupi avait choisi de raconter la vie d'Oscar Aleman, grand musicien de jazz des années folles. Pour Sylvia et ses amants, il a préféré créer un récit imaginaire, mais crédible, autour d'un évènement réel. Tout le monde connait la fin tragique de
Léon Trotsky, grand artisan
de la révolution bolchevique et, malheureusement pour lui, rival de
Joseph Staline. Tout en suivant un savant canevas qui culminera avec l'assassinat du révolutionnaire, Jakupi retranscrit, principalement, l'esprit de l'époque. La politique, évidemment, les différents personnages en parlent beaucoup, prennent position et, chose perdue aujourd'hui, croient aux idéaux. le ton, parfois un peu trop didactique, reste néanmoins léger, comme ces longues discussions entre amis les soirs d'été. Dans le même temps, presque d'une façon ténue, l'auteur développe l'intrigue principale. Des alliances et des couples se forment, des espions et autres agents secrets passent et disparaissent. Au milieu de cette mêlée, Sylvia sert de lien, autant d'une façon consciente qu'inconsciente, entre les différentes parties en présence. le rythme peut paraître lent - il l'est sans aucun doute -, peut-être qu'un surcroît d'actions aurait rendu l'histoire plus prenante.
Le style graphique de Jakupi s'accorde très bien avec le ton général. La mise en page est particulièrement soignée et les angles de vue très recherchés. Ce soin accordé à la construction des planches rend la lecture très agréable. Par contre, le trait manque quelque peu de précision, surtout au niveau des personnages, qui, par moments, sont difficilement discernables. Comme pour le scénario, un peu plus d'énergie dans le trait aurait peut-être pu donner d'avantage de pep à l'album . La mise en couleurs, très originale dans son approche art moderne de l'époque, s'accorde parfaitement avec les dessins.
Une chronique dessinée originale, tout à fait plausible historiquement,
Les amants de Sylvia est recommandable.