Il y avait quelque chose d’étrange dans cette clairière : pas un seul bruit, c’était le silence total.
On m'avait oublié comme on oublie une casquette à la piscine.
« Je montai sur un rocher et je regardai le paysage. La forêt, immense, infinie, s’étalait à perte de vue. Seule la rivière qui m’avait amené jusqu’ici se frayait un chemin à travers la végétation. J’avais beau regarder de tous côtés, je ne voyais aucun hameau, aucun village, aucune habitation. J’aurais dû apercevoir des signes de vie : des bâtiments, un pont, des routes… mais il n’y avait rien d’autre que cette vague verte qui recouvrait tout. Comment retrouver le chemin de ma vie d’avant? Jamais je ne pourrais traverser cet océan végétal. »
Comment retrouver le chemin de ma vie d'avant ? Jamais je ne pourrais traverser cet océan végétal.
La lumière venait d'une petite maison de pierre sèche posée au centre d'une clairière. Je m'approchai d'une fenêtre, mais des rideaux épais m'empêchèrent de voir à l'intérieur.
« On m’avait tout simplement oublié. Je n’avais pas partagé de jeux, de bavardages ni de fous rires. Je n’avais pas échangé mon prénom avec d’autres enfants. J’étais resté en retrait et silencieux, attendant patiemment la fin du séjour. Qui se serait souvenu de moi? Qui aurait donné l’alerte ou signalé mon absence? On m’avait oublié comme on oublie une casquette à la piscine. »
Je ne vis personne et la nuit, peu à peu, me tomba dessus. Les bois, éclairés par les derniers rayons du soleil quelques minutes auparavant, s’assombrirent et prirent une allure inquiétante. Les massifs de bruyère devinrent des tâches noires, les rochers des silhouettes menaçantes. Je décidai de rester sur le mien, et je m’y raccrochai comme un naufragé à son radeau.
Depuis la mort des mes parents, rien ne semblait s’imprimer clairement dans mon cerveau. Je m’étais installé dans une sorte de rêverie mélancolique. C’était comme un voile opaque qui s’était abattu brutalement sur ma vie. Un voile pesant qui avait tout recouvert sans laisser passer le moindre trait de lumière.
La forêt, immense, infinie, s'étalait à perte de vue. Seule la rivière qui m'avait amené jusqu'ici se frayait un chemin à travers la végétation.