Si, dès le berceau, on traite les enfants comme des dieux, il faut s'attendre à les voir agir comme des diables une fois devenus adultes.
Les amants peuvent explorer le corps aimé dans ses moindres détails ; ils peuvent atteindre ensemble les sommets d'une extase indicible ; mais il n'en reste rien ou presque lorsque l'amour ou le désir s'en sont allés, qu'on se retrouve avec des biens à partager, des factures d'avocats, tout un fatras de souvenirs à liquider ; quand la maison choisie, meublée et habitée sous le signe de l'espoir et de l'enthousiasme est devenue une prison ; quand les visages se sont figés dans une expression de mécontentement et que les corps ne sont plus vus comme des objets de désir mais d'un œil froid, désabusé, avec toutes leurs imperfections.
C'était une nuit très sombre, sans étoiles, et le vent se levait. D'habitude, j'aime le bruit du vent quand je suis bien au chaud chez moi, mais ce soir-là, non : ses sifflements, ses gémissements dans la cheminée n'avaient rien d'agréable. J'étais déprimée, j'avais le cafard, je pensais à maman, qui était morte, à Henri, que je ne reverrai jamais. Puis je me suis dis que je devais me secouer et aller me coucher. Et c'est alors que j'ai entendu frapper à la porte. Il y a une sonnette, mais il ne s'en est pas servi. Il a seulement donné deux petits coups avec le heurtoir, juste de quoi se faire entendre. J'ai collé mon œil au judas, mais on ne voyait que du noir. Il était plus de minuit, et je me demandais qui pouvait venir si tard. Finalement, j'ai ouvert la porte. Il y avait une forme sombre effondrée contre le mur. Il n'avait eu que la force de frapper avant de tomber inconscient. J'ai réussi à le traîner à l'intérieur et à le réanimer. Je lui ai donné un peu de soupe, du cognac, et au bout d'une heure, il a pu parler. Il avait envie de parler, alors je l'ai laissé parler en le berçant dans mes bras.
L'homme est diminué s'il vit sans connaitre son passé; mais sans espoir d'avenir, il n'est plus qu'une bête.
lorsque dès le berceau les enfants sont traités comme des dieux, il faut s'attendre à les voir se comporter en tyrans devenus adultes
Même pour des incroyants comme moi, la croix, qui stigmatise la barbarie de la bureaucratie et l'inéluctable cruauté de l'homme, n'a jamais été un symbole rassurant.
J'aurais voulu me précipiter à l'éventaire des fleurs, fourrer de l'argent dans la main de la vendeuse, prendre dans leurs seaux les bouquets de jonquilles,de tulipes, de roses et de lis, lui en emplir les bras et la décharger de son sac. C'était une impulsion romantique, puérile et ridicule, comme je n'en avais pas ressenti depuis l'adolescence, une impulsion que ma méfiance m'avait toujours enjoint de combattre. Maintenant j'étais pétrifié par son irrationalité, sa force, sa destructivité potentielle.
La générosité est l'affaire des individus, pas des gouvernements. Quand un gouvernement se montre généreux, c'est avec l'argent des contribuables.
Si, des le berceau, on traite les enfants comme des dieux, il faut s'attendre à les voir agir comme des diables une fois devenus adultes.
Je la voyais dans un embrasement de couleur; sa peau et ses cheveux paraissaient absorber l'éclat des fruits; on aurait dit qu'elle était éclairée non par les lumières crues tombant sur l'étalage mais par un chaud soleil méridional.