AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

M. Le Corbeiller (Traducteur)
EAN : 9782253082774
192 pages
Le Livre de Poche (22/03/2006)
3.86/5   150 notes
Résumé :
Le secret. La mort.
Ce sont sans doute les deux clés de toute l'oeuvre de Henry James. En ce sens, Les Papiers de Jeffrey Aspern est peut-être le plus exemplaire de ses romans.

Dans un palazzo de Venise, à moitié en ruine, la vieille miss Bordereau n'en finit pas de mourir. Elle a été, dans sa jeunesse, le grand amour de Jeffrey Aspern, célèbre poète anglais, et la rumeur veut qu'il lui ait légué de nombreux manuscrits inédits.
Le nar... >Voir plus
Que lire après Les papiers de Jeffrey AspernVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
3,86

sur 150 notes
5
9 avis
4
15 avis
3
6 avis
2
3 avis
1
0 avis
Apres avoir lu Aura de Carlos Fuentes et l'avoir taxe de reecriture des Papiers de Jeffrey Aspern, j'ai relu cette novella d'Henry James. Et j'ai fini riant dans ma barbiche parce que j'ai trouve que la copie est meilleure que l'original. Il y plus de suspense, il y a plus de gothique et en meme temps plus de romantique, c'est plus noir, et le denouement est mieux amene et nettement plus reussi parce qu'il laisse le lecteur dans une certaine incertitude, plein de questions et plein de reponses possibles.


Henry James nous presente trois acteurs qui jouent au jeu du chat et de la souris dans un palace delabre de Venise. Venise? Comparee a celle de Thomas Mann dans La mort a Venise, la Venise de James n'est qu'une carte postale.

Mais bon… trois personnages: une vieille femme, sa niece, un peu innocente et inexperte dans la vie, et un ecrivain, critique litteraire, qui croit que la vieille possede des lettres et des papiers d'un poete celebre et veut les lui soutirer. Comme on s'y attend chacun essaye de manipuler l'autre ou les deux autres, et il se pourrait meme que la jeune innocente ne soit pas la moindre manipulatrice.

Mais bon… il ne se passe pas grand chose et je n'ai pa ete tres convaincu par la psychologique des personnages, mis a part les changements qui s'operent chez la jeune niece. Et la fin? Mineure, anodine, presque derisoire a mon gout. Rien a voir avec la force hallucinante de la fin de Aura.


Je n'ai pas aime. Il me vient comme une envie d'amputer ce billet d'une etoile pour la rajouter a celui d'Aura
Commenter  J’apprécie          576
Quel drôle de nouvelle vous m'apprenez là ! Comment ? Il resterait des papiers de Jeffrey Aspern à Venise ? Mais c'est incroyable ! Ils sont, me dites-vous, détenus par une vieille femme aimée d'Aspern il y a des années, dans sa jeunesse. Lui mort depuis si longtemps, si difficile de trouver encore des vestiges de ce poète merveilleux, si si… ah ses écrits me transportent tant. Je serai si fier de les éditer. Vous me soufflez que cette vieille vit recluse avec la nièce dans un palais vénitien, sans grand secours financier, et que pour autant elle refuse de vendre lesdits papiers, pour tout l'or du monde ? Mais parfait ! Oui parfait cher ami, je m'y rends et entrerait dans le gîte « sous pavillon de contrebande » et trouverait le moyen d'au moins les consulter, voire les acheter si je me fais aimer (suffisamment). Peut-être même aurais-je l'idée de fouiner dans un secrétaire… qui sait ?

Comme pour le tour d'écrou où l'histoire « est enfermée dans un tiroir depuis des années », ici ce sont des papiers, des poèmes, des portraits, nous ne le savons pas (pas encore ? je ne dis rien^^), je trouve des points communs dans ces deux nouvelles d'Henry James. Une barque, une gondole… de l'eau mystérieuse. Et puis cette idée que vieillesse et jeunesse coexistent dans un corps : Flora, « en de pareils moments, ce n'est plus une enfant : c'est une vieille, très vieille dame » qui fait écho à la vision de la nièce dans Les papiers de Jeffrey Aspern : « elle était rajeunie ; elle n'était plus une vieille femme ridicule ; un tour nouveau dans son expression, une sorte de magie venant de son âme, la transfiguraient. » Deux lectures envoûtantes. J'aurai peut-être une toute petite préférence pour Les papiers de Jeffrey Aspern, pour l'ironie qui transparait dans les monologues de l'éditeur.

C'est tout d'abord une écriture divine qui sent le passé foisonnant, précis, délicat et pour autant drôle (la manière dont l'éditeur parle de lui et plus encore de la nièce est un pur délice). Puis c'est un suspens qui dure tout du long, avec des introspections qui nous font osciller avec bonheur pour arriver à une chute de toute beauté. Enfin, c'est aussi un morceau de Venise qui nous est conté et on s'y perd dans ses canaux avec ravissement, « la ville donne l'impression d'un immense appartement collectif, dans lequel la place Saint-Marc est la pièce la plus ornée, et où les autres constructions, palais et églises, jouent le rôle de grands divans de repos, de tables de jeux de société, de motifs décoratifs. »
Commenter  J’apprécie          402
Dans les eaux sombres d'un canal, les murs d'un palais vénitien se mirent. Palais vétuste, majestueux de décrépitude qui pourrait soudainement sombrer dans les eaux de la lagune. A moins que ce ne soit une chimère, un mirage flottant dans l'air italien, dans cette brume colorée qui enveloppe les maisons, les églises et les palais au lever et coucher du soleil. le palais des demoiselles Bordereau est à l'image de ses occupantes, vieilli, silencieux, sombre, mystérieux et on pourrait pousser la réflexion jusqu'à dire que, comme elles, il est hanté. Hanté par le fantôme de Jeffrey Aspern, poète illustre, assis sur le trône de la renommée, la lyre d'Orphée à ses pieds.
Le narrateur de cette nouvelle délicieusement trouble et vénéneuse est un jeune critique littéraire, écrivain à ses heures qui avec son associé, décide de mettre la main sur les manuscrits inédits de Jeffrey Aspern. On comprend qu'au-delà de la véritable dévotion qu'il porte au poète disparu, il veut ce que l'on appellerait aujourd'hui faire « un coup médiatique » permettant de lancer sa carrière de façon éclatante et définitive. Publier des originaux de Jeffrey Aspern. Sa quête que l'on imagine longue et infructueuse lui permet de découvrir que Juliana Bordereau, ancienne maîtresse de Jeffrey Aspern détient des lettres, des poèmes peut-être. Et voici donc, le conteur de cette histoire au pied du palazzo comme devant une forteresse. Mme Prest, son amie qui l'accompagne aux portes du palais doute de son entreprise. Les demoiselles Bordereau, comme les papiers de Jeffrey Aspern, sont réputés inaccessibles. Juliana Bordereau vit avec sa nièce Tina dans ce palais aux pièces vides attenantes à un jardin en friche. Fort de ses convictions et de sa manipulation, le narrateur devient leur locataire – les dames sont pauvres et le palazzo est si grand – et entreprend de se rapprocher de Tina – vieille fille fragile, innocente, confinée par sa tante dans un espace temps insoluble – qui voit l'arrivée de ce jeune homme avec crainte, perplexité et espoir.
Mais ces fameux manuscrits existent-ils vraiment ? Comment les approcher ? Comment les voir et les obtenir ? Comment vaincre les soupçons et l'acrimonie de Juliana Bordereau, très vieille femme énigmatique à l'esprit alerte ?
Henry James nous parle d'écriture, d'inspiration, de secret, de la mort et la vie parcourant les oeuvres , instants fictifs ou vécus, sujets à polémiques, controverses, interprétations, dissections, mais qui demeurent une énigme. Comme dans « Le motif dans le tapis » l'écriture est inaccessible et convoitée ; presque un fantasme et un échec.
L'écriture d'Henry James ; sa finesse assombrie, l'éclat des dialogues, le paradoxe de l'univers mental des personnages, à la fois brut et ciselé ; la fenêtre ouverte sur le secret et le questionnement.
Tout en ombre et en lumière, l'écriture d'Henry James envoûte, berce notre imaginaire mais ne nous livre pas la réponse à son écho.
Venise est-elle juste le décor d'une histoire ou un arcane de plus ? Ces femmes, les Bordereau, qui sont-elle en réalité ? de quoi vivent-elles ? Que font-elles ? Gardiennes d'un trésor ? Aliénées tombées dans la démence du souvenir ?
Henry James donne une telle vie à ces manuscrits qu'ils deviennent des objets animés, des vampires assoiffés de reconnaissance . Dans ce jardin que le narrateur a transformé en objet de conquête on s'attendrait presque à voir apparaître Jeffrey Aspern. N'est-ce pas lui qui tire les ficelles de cette intrigue ? Marionnettiste d'outre-tombe ou Charon attendant sa cargaison sur sa barque de gloire.
Commenter  J’apprécie          300
« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, un peu de classique avec une longue nouvelle, Les papiers de Jeffrey Aspern, signée Henry James.

Or donc le narrateur, passionné par la vie et l'oeuvre d'un grand poète disparu, découvre qu'une vieille dame possède des papiers inédits dudit poète. Miss Bordereau, tel est son nom, vit seule et isolée avec sa nièce dans une grande maison à Venise. Il loue alors quelques pièces de la maison dans l'espoir d'obtenir ces précieuses sources…

-Pfffff. J'aime pas Henry James.

-Allons, allons. Ne restons pas sur cette première impression, elle date d'il y a des siècles, peut-être avons-nous changé ?

-C'est surtout lui qui devrait changer, mais c'est mal parti, je crois.

-Bref ! Commençons par les points positifs.

-Parce qu'il y en a ? Vas-y, je te regarde et je rigole.

-Alors, pour commencer, la prose est belle. Classique sans lourdeur, efficace, vivante… Je me suis demandé si James n'avait pas inspiré Zweig : j'ai eu la sensation de retrouver le même soin dans la création d'un personnage qui sonne vrai, un personnage rongé par une idée. La voix intérieure est bellement travaillée.

J'ai beaucoup aimé aussi le portrait de Venise, ses palais, ses canaux dont les quais deviennent des scènes de théâtre. Parfois, j'ai eu l'impression que la ville elle-même était un personnage. Ce cadre grandiose prête à rêver : les palais où les intrigues se nouent, et c'est aussi la ville d'une célèbre pièce de théâtre.

-Et voilà. C'est bien connu, il faut une ville super chic pour l'ambiance.

-Tu es quand même obligée de reconnaître que si ça se passait au camping des Flots Bleus, ça aurait moins de gueule, quand même !

-Snob !

-Grmbl. Un autre point positif : les Miss Bordereau. Mettre en scène des mémés, ‘fallait oser ! Elles représentent une époque révolue, elles constituent les témoins d'une histoire mystérieuse et inconnue, à double titre : on ne sait rien de leur vie passée ni présente.

-Hahaha ! On dirait Perceval dans Kaamelott, quand il explique que « les vieux, c'est mystérieux » !

-Ben quoi ? Tu te sentirais pas un peu émue si tu rencontrais, je sais pas moi, une copine De Maupassant ? Ou d'Elisabeth Vigée-Lebrun ?

-Mouais, boah…

-Pour en revenir aux miss Bordereau, le portrait de la nièce, Tina, est tout à fait étonnant : ce mélange de timidité, d'ingénuité et d'audace accentue encore l'impression de mystère. Elle est difficile à cerner.

-Mh-mh. Hé bien pas désolée, Déidamie, mais je suis restée parfaitement froide. Oui, les persos sont intéressants et originaux. Oui, Venise, c'est joli. Toutefois, je n'ai rien éprouvé de profond, je ne me suis pas sentie submergée par un suspense insoutenable. L'histoire a glissé sur moi sans rien imprimer de profond, si ce n'est une vague déception par la fin.

-Ah bon ? Tu as bien dû ressentir quelque chose, non ?

-L'énervement en lisant la quatrième de couverture qui parle de fantastique, ça compte ?

-Non. M'enfin, ce texte possède pourtant d'importantes qualités littéraires !

-Sans doute, mais ça ne suffit pas. J'ai lu cette histoire en restant sans cesse à l'extérieur d'elle, sans vraiment réussir à m'y plonger. Je ne m'explique pas tellement pourquoi, d'ailleurs. Ca ne prend pas, ça ne marche pas… on peut pas aimer passionnément toulmonde !

-Le bon côté, c'est qu'on a découvert qu'Henry James est devenu moins ennuyeux que dans notre jeunesse.

-Mouais, c'est pas encore l'amour foufou, hein… peut-être que dans vingt ans je serais réellement convaincue… »
Commenter  J’apprécie          294
« Et puis, bien que miss Bordereau ne pût être considérée maintenant comme douée d'attraits personnels, et qu'il y eût même quelque chose, dans son antiquité ravagée, qui vous tenait à distance, j'éprouvais un désir irrésistible de sentir un moment dans la mienne cette main que Jeffrey Aspern avait pressée. »

Le narrateur de ce court roman est un écrivain américain qui a la particularité d'être un fan(atique) absolu d'un poète, Jeffrey Aspern. Son obsession est telle qu'il est prêt à toutes les bassesses pour tenter d'obtenir des documents encore inconnus qui, paraît-il, dorment chez une de ses anciennes conquêtes, miraculeusement encore en vie.

Cette miss Bordereau, qui vit cloîtrée, en compagnie d'une de ses nièces, dans un vaste palazzo vénitien décati et peu meublé a refusé par courrier de recevoir qui que ce soit au sujet de Jeffrey Aspern.

Aussi le narrateur, en quête de son Graal personnel, se rendra à Venise sous une fausse identité pour tenter d'approcher les deux femmes. Ce qu'il parviendra, avec beaucoup d'efforts, à faire.

Dans ce trio infernal, sous une politesse de façade se déchaînent bien des passions. Miss Bordereau est cupide (mais fauchée, ce qui atténue son défaut). Sa nièce n'est pas insensible au charme du narrateur. Il en usera (dans les limites de la décence) pour tenter au moins de lire les fameux « papiers ».

Après plusieurs tentatives malheureuses, je peux enfin me vanter d'avoir terminé un roman d'Henry James ! Et cerise sur le gâteau, j'ai aimé ce mélange de politesse et de férocité. L'évocation de Venise à la fin du 19ème siècle est magnifique, à se croire dans un de ces tableaux brumeux de Turner ou de Whistler.

« La grande basilique, avec ses dômes bas et ses broderies scintillantes, le mystère de sa mosaïque et de sa sculpture, semblait un fantôme dans la demi-obscurité, et la brise de mer nous venait à travers les colonnes jumelles de la Piazzetta – linteaux d'une porte qu'on ne gardait plus —, aussi doucement que si une riche portière s'y fût balancée. »
Commenter  J’apprécie          275

Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
« Notre maison est très éloignée du centre, mais le petit canal est très « comme il faut ».

— C’est le coin le plus délicieux de Venise et l’on ne peut rien imaginer de plus charmant », me hâtai-je de répliquer.

La voix de la vieille dame était faible et mince, mais ce murmure était agréable et cultivé, et quel émerveillement dans la pensée que ce son même qui avait frappé l’oreille de Jeffrey Aspern !

« Veuillez vous asseoir là. J’entends très bien », dit-elle avec calme, comme si je venais de hurler ; la chaise qu’elle m’indiquait était à une certaine distance.

J’en pris possession, l’assurant que j’étais parfaitement conscient de mon intrusion et de ce que je n’avais pas été présenté dans les formes, et que je ne pouvais qu’implorer son indulgence. Peut-être l’autre dame, celle que j’avais eu l’honneur de voir la veille, lui avait-elle parlé du jardin. C’était littéralement ce qui m’avait donné le courage de faire cette démarche tellement en dehors des usages. J’étais tombé amoureux, à première vue, de tout l’ensemble ; elle-même y était probablement tellement habituée qu’elle ne se rendait pas compte de l’impression que cela pouvait faire sur un étranger ; pour moi, cela valait de risquer quelque chose. Pouvais-je croire que la bonté qu’elle me montrait en me recevant était une preuve que mon calcul n’était pas absolument faux ? Je serais profondément heureux s’il m’était permis de le penser. Je pouvais lui donner ma parole d’honneur que j’étais la plus respectable et la plus inoffensive des créatures, et que, comme locataires du palais, si l’on peut ainsi parler, elles seraient à peine conscientes de mon existence. J’observerais tous les règlements, toutes les restrictions du monde, si seulement il m’était permis de jouir du jardin. D’ailleurs je serais enchanté de fournir mes références, mes garanties : elles seraient les meilleures qui se pussent avoir, tant à Venise qu’en Angleterre, aussi bien qu’en Amérique.

Elle m’écoutait dans une parfaite immobilité et je sentais qu’elle me regardait avec une grande pénétration, bien que je ne pusse voir que la partie inférieure de son visage pâli et ridé. Indépendamment de l’affinement dû à la vieillesse, il révélait une délicatesse qui avait dû être remarquable autrefois. Elle avait été très blonde, elle avait eu un teint merveilleux. Elle resta silencieuse quelque temps après que j’eus parlé ; puis elle reprit :

« Si vous tenez tant à un jardin, pourquoi n’allez-vous pas in terra ferma, où il y en a tant d’autres, supérieurs à celui-ci ?

— Oh ! mais c’est l’ensemble ! » répondis-je en souriant ; puis, comme m’abandonnant à un rêve : « C’est l’idée d’un jardin au milieu de la mer.

— Ceci n’est pas le milieu de la mer ; vous ne pouvez même pas voir l’eau. »

Je la dévisageai un moment, me demandant si elle voulait me convaincre de mensonge.

« On ne peut pas voir l’eau ? Mais, chère madame, mon bateau m’amène à votre porte même. »
Commenter  J’apprécie          20
J’étais revenu en gondole, au lent murmure scandé de l’aviron dans les eaux noires des étroits canaux, et maintenant, la seule idée qui me sollicitait vaguement était qu’il serait bien agréable de s’étendre de tout son long sur un banc du jardin, dans l’obscurité embaumée. C’était sans doute l’odeur des canaux qui m’y avait fait aspirer, et le souffle du jardin, lorsque j’y pénétrai, confirma mes espoirs. C’était délicieux – c’était le même air qui avait dû frémir des déclarations de Roméo debout parmi les fleurs et tendant les bras vers le balcon de sa maîtresse. Je jetai un regard aux fenêtres du palais, pour voir si, par hasard, l’exemple de la proche Vérone avait été suivi ; mais tout était sombre, comme d’habitude, et tout était silencieux. Juliana, lors des nuits d’été de sa jeunesse, s’était peut-être mise à sa fenêtre pour murmurer des réponses à Jeffrey Aspern, mais miss Tita n’était pas plus la maîtresse d’un poète que je n’étais moi-même poète.

(p. 82) / traduction de Jean Pavans
Commenter  J’apprécie          60
Je passais donc les heures tardives soit sur l’eau (le clair de lune à Venise est célèbre), soit sur la splendide place qui sert d’avant-cour à l’étrange vieille basilique de Saint-Marc. (…) La merveilleuse église, avec ses dômes bas et son hérissement de broderies, le mystère de ses sculptures et de ses mosaïques, avait un air fantomatique dans les ténèbres phosphorescentes, et la brise marine circulait entre les colonnes jumelles de la "Piazzetta", linteaux d’une porte qui n’était plus gardée, avec autant de douceur que si elle y soulevait un épais rideau. Alors, il m’arrivait de penser aux demoiselles Bordereau, à la tristesse de leur réclusion dans des pièces qui, malgré leurs dimensions vénitiennes, ne pouvaient manquer d’être étouffantes dans un juillet vénitien. Leur vie semblait à mille lieues de la vie de la "Piazza", et il était sans nul doute trop tard pour convaincre l’austère Juliana de changer ses habitudes.

(p. 81-82) / traduction de Jean Pavans
Commenter  J’apprécie          60
Entre-temps, les journées d’été arrivèrent et se mirent à passer, et je me souviens d’elles comme étant presque les plus heureuses de ma vie. Je prenais de plus en plus soin d’être dans le jardin chaque fois qu’il ne faisait pas trop chaud. J’avais installé sous une tonnelle un fauteuil et une table basse ; et j’y apportais des livres et des sous-mains (j’avais toujours quelque chose à rédiger), et je travaillais et attendais et rêvais et espérais, tandis que les heures dorées s’écoulaient, et que les plantes buvaient la lumière, et que le vieux palais insondable pâlissait pour bientôt devenir rouge dans le jour mourant, et que mes papiers bruissaient sous la brise capricieuse de l’Adriatique.

(p. 75-76) / traduction de Jean Pavans
Commenter  J’apprécie          80
— Oh, j’aime le passé, mais je n’aime pas les critiques, déclara la vieille femme, avec sa belle tranquillité.
— Ni moi, mais j’aime les découvertes qu’ils font.
— Est-ce que ce ne sont pas surtout des mensonges ?
— Les mensonges sont parfois ce qu’ils découvrent, dis-je, en souriant de ma propre impertinence. Ils mettent souvent la vérité à nu.
— La vérité appartient à Dieu, elle n’appartient pas aux hommes ; nous ferions mieux de la laisser tranquille. Qui peut juger… qui peut savoir ?
— Nous sommes terriblement dans le noir, je le sais, admis-je. Mais si nous renonçons à les sonder, qu’adviendra-t-il des belles choses ? Qu’adviendra-t-il des œuvres que j’ai mentionnées, celles des grands philosophes et des grands poètes ? Elles restent de vains mots, si nous n’avons pas quelque instrument pour prendre leur mesure.
— Vous parlez comme un tailleur, dit malicieusement miss Bordereau.

(p. 116) / traduction de Jean Pavans
Commenter  J’apprécie          60

Videos de Henry James (40) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henry James
Avec "La Bête", le réalisateur Bertrand Bonello reprend à sa manière la nouvelle "La Bête dans la jungle", de Henry James, en plongeant Léa Seydoux dans un futur dystopique qui rappelle notre propre présent et dans lequel les émotions n'ont plus lieu d'être. Il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : "La Bête" de Bertrand Bonello, 2024 - Carole Bethuel
#cinema #léaseydoux #film ______________ Écoutez d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture dans Les Midis de Culture par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrrNrtLHABD8SVUCtlaznTaG&si=FstLwPCTj-EzNwcv ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
Suivez France Culture sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
+ Lire la suite
autres livres classés : veniseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (311) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1818 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..