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Critique de Biblioroz


Je crois que dans les sociétés d'hier et probablement d'aujourd'hui encore, le sujet de ce livre est somme toute bien banal : une fille dépourvue de tout charme et de toute beauté se fait courtiser pour sa confortable richesse convoitée par un arriviste, fainéant et beau-parleur, dont les uniques efforts qu'il est prêt à déployer sont ceux de passer outre les inflexibles réticences d'un père qui ne veut pas céder sa fille, ni sa fortune à un bluffeur de première.
Ce n'est donc pas spécialement l'intrigue qui nous porte dans cette lecture et pourtant, elle captive tout de même, par ces petites avancées qu'opère chacun des personnages pour tenter de faire valoir leurs désirs et leurs opinions.

Sur cette scène Henry James nous présente tout d'abord le docteur Sloper, un médecin émérite qui a fait un mariage d'amour lui ayant apporté aussi la fortune. Mais son bonheur fut bien éphémère. Il a perdu son fils puis sa femme peu de temps après la naissance de sa fille Catherine. Son orgueil ne cesse alors d'être blessé car, à défaut d'être belle, il désirerait au moins que sa fille soit intelligente mais sa déception en ce domaine est cuisante. Selon son opinion très tranchée, sa fille n'a pas de cervelle et son amour aveugle envers le beau Morris Townsend ne viendra qu'appuyer son cruel avis.
Catherine nous apparaît donc comme une jeune femme robuste mais terne, effacée et docile, dont son père n'a aucune fierté. Elle lui voue pourtant une affection sans bornes, l'aime profondément et n'aspire qu'à lui plaire. Son dilemme, ne pas renoncer à son amour et ne pas devoir lutter contre son père, n'en sera que plus douloureux.
Les dialogues père-fille deviennent de plus en plus cinglants, les réflexions du docteur, directes et pleines de sarcasmes ponctuent tous ses échanges avec Catherine, avec l'infatigable Morris Townsend mais aussi avec sa soeur Lavinia Penniman. Car Mrs. Penniman vient compléter ce quatuor saisissant. Lorsque Catherine avait une dizaine d'années, elle est venue s'installer à Washington Square pour, selon la belle expression du docteur Sloper « avoir à ses côtés un autre exemplaire de ce sexe très imparfait. » La tante, éprise de romanesque, se complait dans ce petit drame sentimental et, pleine de maladresse, se démène pour mener à bien ce mariage et nous apparaît alors comme une vraie dinde.

Henry James nous fait donc observer en profondeur les jugements et les pensées des uns et des autres en nous offrant une admirable analyse psychologique de chacun. La plus belle évolution, qui ne peut qu'attirer notre pitié, se fera chez Catherine, l'héritière malmenée dont les yeux vont s'ouvrir sur le véritable caractère de son père. L'auteur n'a pas hésité à doter ce père intransigeant d'une dureté non détournée qui attire immanquablement notre aversion.
Les paroles frappent, autant le lecteur que la pauvre Catherine, et les blessures se forment.

Ce roman, d'une construction précise et affutée laisse peu d'échappatoires à notre malheureuse héroïne victime de son héritage. Dans ce quartier huppé de New York, avec sa magnifique narration, Henry James y exacerbe ironiquement les sentiments et les caractères de cette petite société bourgeoise du XIXe.
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